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Marie-Nel lit

Les terres animales de Laurent Petitmangin

5 Septembre 2023 , Rédigé par Marie Nel

Les terres animales de Laurent Petitmangin

Publié aux éditions La Manufacture de Livres

 

 

Résumé :

 

Il y avait là de petites villes avec leurs églises, quelques commerces, des champs, et au loin, la centrale. C’était un coin paisible entouré de montagnes et de forêts. Jusqu’à l’accident. Il a fallu évacuer, condamner la zone, fuir les radiations. Certains ont choisi de rester malgré tout. Trop de souvenirs les attachaient à ces lieux, ils n’auraient pas vraiment trouvé leur place ailleurs. Marc, Alessandro, Lorna, Sarah et Fred sont de ceux-là. Leur amitié leur permet de tenir bon, de se faire les témoins inutiles de ce désert humain à l’herbe grasse et à la terre empoisonnée. Rien ne devait les faire fléchir, les séparer. Il suffit pourtant d’une étincelle pour que renaisse la soif d’un avenir différent : un enfant bientôt sera parmi eux.

Laurent Petitmangin, toujours aussi bouleversant d’humanité, nous raconte les souvenirs indélébiles, les instincts irrépressibles et la vie qui toujours impose sa loi au coeur de ces terres rendues au règne animal.

 

 

À propos de l'auteur :

 

Laurent Petitmangin est né en 1965 en Lorraine au sein d’une famille de cheminots. Il passe ses vingt premières années à Metz, puis quitte sa ville natale pour poursuivre des études supérieures à Lyon. Il rentre chez Air France, société pour laquelle il travaille encore aujourd’hui. Grand lecteur, il écrit depuis une quinzaine d’années. Ce qu’il faut de nuit, son premier roman est paru en 2020 et a remporté un vif succès en France et à l’international. Une adaptation cinématographique de ce roman sortira en salle en 2024. Il a par la suite publié Ainsi Berlin. Son troisième roman, Les Terres animales, paraît en août 2023.

 

 

Mon Avis :

 

Il y a peu, je découvrais Laurent Petitmangin avec son premier roman, Ce qu'il faut de nuit, qui m'avait beaucoup touchée. J'avais beaucoup aimé sa plume à la fois poétique, sensible et réaliste. J'avais donc très envie de continuer à le lire, et quoi de mieux que ce nouveau roman pour le faire. C'est le titre et le résumé qui m'ont tout de suite attirée. Le résumé présage une histoire plutôt postapocalyptique, et avec ce que l'on vit en ce moment au niveau écologie, j'avais envie de voir comment l'auteur allait traiter le sujet. 

Ce roman se passe quelque part en France à une certaine date, tout est flou de ce coté là, et c'est plutôt pas mal pensé, chaque lecteur peut imaginer un lieu qu'il connaît ou pas. On sait juste dans les descriptions faites par l'auteur qu'il y a des forêts, des montagnes. C'était un endroit tranquille avec ses petites villes, ses villages, ses petits commerces, sauf qu'il y avait une centrale nucléaire aussi. Tout était paisible jusqu'au jour où il y a eu un accident à cette centrale, on ne sait pas quoi exactement, juste que c'est assez grave pour évacuer la zone à cause des radiations. Seul un groupe de jeunes, 2 couples et un garçon célibataire ont décidé de rester là. Sarah et Fred ne veulent pas quitter la terre où est enterrée leur petite Vic, donc ils sont restés avec Lorna et Marc et avec Alessandro. La zone est sous surveillance de drones, ils ont assez de vivres pour trois années, après, ils ne savent pas. Mais ils n'y pensent pas et vivent au jour le jour. Leur amitié est leur ciment, ils sortent en combinaison et protection, mais ça ne les empêche pas d'essayer de mener une vie "normale". Jusqu'au jour, où, un évènement inattendu va venir remettre tout en question.

Je ne dirais pas quel est cet événement même s'il vous est révélé dans le résumé. J'aurais aimé ne pas le savoir, même si je m'en doutais un peu au fil des pages. Je me suis très vite attachée aux personnages et je suis très vite rentrée dans l'histoire qui est très immersive. Il y a une double narration, le roman est divisé en quatre parties, chacune d'elles alterne entre Fred et Sarah comme narrateurs. J'ai bien aimé cette construction car elle m'a permis d'avoir plusieurs opinions sur la situation. On commence avec Fred, qui raconte tout ce qu'il s'est passé, comment ils ont survécu, comment ils vivent, il raconte l'arrivée aussi d'autres personnes étrangères qui vont habiter un peu plus loin. Il nous parle aussi des autres, de ses amis, de leurs relations. Chacun a un rôle dans la communauté, Marc est plutôt le réparateur, Sarah est l'infirmière, elle était sage-femme avant, Lorna est celle qui s'occupe des jardins et des plantations. Ils communiquent très rarement avec l'extérieur, sauf lorsqu'il faut évacuer un blessé ou un malade, mais ils savent que ceux qui sortent ne reviennent jamais. Peut-être aurais-je aimé aussi avoir des chapitres où c'est Marc et Lorna qui parlent et nous donnent leur ressenti, car ils ont des rôles importants aussi. 

Psychologiquement, ils sont tous très marqués par les évènements. Ils essaient de faire comme si tout était normal, mais au fond d'eux, ils savent que leur situation ne peut pas durer. Des liens différents se nouent entre eux, pouvant créer des jalousies. Mais j'ai trouvé qu'ils s'en sortaient plutôt bien, ils ont l'intelligence de toujours relativiser. L'évènement inattendu va les perturber et leur faire demander s'ils ne se trompent pas, s'ils ne devraient pas partir. Il va tout transformer. Et ça se comprend. Même s'ils essaient de vivre comme avant, ils ont ce sentiment d'urgence qui les domine, ils savent que leur situation ne pourra pas durer éternellement, ils ont comme une épée de Damoclès au-dessus de leur tête. Ils en sont conscients mais veulent garder tout de même une part d'insouciance. Cette urgence de vivre va les bouffer de l'intérieur, leur faire faire des choses qu'ils n'auraient pas fait avant. Ils ont beaucoup d'empathie les uns pour les autres, mais plus les difficultés arrivent et plus ils se rendent compte qu'il faut aussi qu'ils pensent à eux. 

La psychologie des personnages est très bien travaillée par l'auteur. Bien souvent, je me suis demandé pourquoi ils s'obstinaient à rester sur ces terres animales, alors qu'ils auraient pu vivre à l'extérieur. Je comprends la volonté du couple Fred et Sarah de rester parce qu'ils ne veulent pas quitter cette terre où est enterrée leur petite fille. Par contre, ce fait de rester a créé une profonde solidarité entre les personnes, c'est un lien très fort qui se tisse entre eux. Leur unité est pour eux la chose la plus importante. Ensemble, ils se sentent plus forts, prêts à braver le danger, l'interdit. Cette union peut cependant être mise à rude épreuve lorsque ce petit grain de sable vient enrayer la machine qu'ils pensaient parfaitement huilée. Là, l'individualisme reprend le dessus, le désir de protection aussi, et alors chacun se pose la question ultime, pourquoi rester ici ? C'est comme s'ils se réveillaient tous d'un rêve, et qu'ils se rendaient compte de là où ils sont, et de l'avenir qu'ils vont avoir. Cet événement les replonge très abruptement dans la réalité. 

J'ai beaucoup aimé la façon dont l'auteur a travaillé son sujet, ses personnages, son thème. Il l'a fait avec beaucoup de pudeur et de sensibilité, et en même temps avec beaucoup de franchise et de réalisme. J'ai vraiment eu l'impression que ces jeunes existaient. Et c'est vrai qu'on n'est pas à l'abri d'une catastrophe telle que le livre, et je me dis que les personnages s'en sont encore bien sortis, ils sont encore vivants, même si leur terre est ravagée, même s'ils ne peuvent rien y faire pousser. L'auteur a vraiment été très pointu dans ses descriptions, sans jamais apporter de lourdeurs au texte, j'ai parfaitement réussi à visualiser chaque endroit, chaque personnage. Bien qu'on n'ait jamais vécu cette situation, l'auteur arrive à très bien dépeindre une réalité qui pourrait exister. Et c'en est bluffant. Comme c'est une narration, l'utilisation de la première personne fait se sentir le lecteur au plus près des personnages. J'ai très bien réussi à me mettre dans la peau de Fred ou de Sarah et vivre à travers eux leurs situations. D'ailleurs l'auteur a aussi parfaitement su se mettre dans la peau d'un homme et ensuite d'une femme, il a changé son style, sa sensibilité, et je trouve ça toujours épatant. 

Le style de l'auteur est toujours aussi bon, totalement immersif. Il y a des livres de 250 pages que je lis lentement, par contre celui-ci, je l'ai lu sur un après-midi. Je suis rentrée dedans dès les premiers mots, et je n'ai pas réussi à le quitter avant la fin, très belle d'ailleurs, porteuse d'espoir et de lumière. Car tout n'est pas sombre dans ce livre, l'amitié entre les personnages, l'amour, l'espoir, la solidarité, l'empathie apportent au tout un éclat lumineux. J'ai beaucoup aimé être ainsi emportée par ma lecture, à oublier tout ce qui se passe autour de moi. C'est une histoire très forte, pleine de messages et de valeurs importants. Il règne une sorte de suspense, à chaque page, je me demandais ce qui allait arriver aux personnages, et ça m'a tenue en haleine tout le long. Ce final est très beau d'ailleurs, à la hauteur du reste du livre. 

Je ne peux que vous conseiller ce roman, pour tout ce qu'il véhicule sur la vie. Ne lisez pas le résumé, laissez vous surprendre, car l'événement relaté n'arrive qu'au milieu du livre. Bon, je l'ai fait, et ça ne m'a pas empêchée de me régaler. C'est le troisième roman qu'écrit Laurent Petitmangin, c'est le second que je lis de lui, je le lirai à nouveau, car j'aime la façon dont il m'emmène à chaque fois dans son histoire. C'est une sensation de lecture qui est très marquante. Je ne manquerai pas de lui dire lorsque je le rencontrerai au salon du Livre dans la Boucle à Besançon, j'ai très hâte de parler avec lui de ses personnages et de son histoire, j'aimerais en apprendre plus sur sa genèse. 

 

Il ne me reste plus qu'à remercier Laurent Petitmangin, avant de le faire en vrai, pour tout ce qu'il m'a fait ressentir pendant la lecture de son roman. Et un grand merci également aux éditions La Manufacture de Livres de m'avoir permise de lire ce livre en service presse. 

On ne soupçonne rien. C'est le plus terrible de cette vie. Se dire qu'on ne voit rien, et quand on voit il est trop tard. On ne discerne pas les radiations. Tout est normal. Bien trop normal, et c'est là le vertige.

On survole un territoire qui n'est que bleus, des bleus résineux, huilés, des trous bleus qui dévorent la lumière, des bleu horizon, des Prusse, des Charron, parfois des ondées de bleu barbeau, qui semblent plus claires.

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