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Marie-Nel lit

Les aiguilles d'or de Michael McDowell

3 Septembre 2023 , Rédigé par Marie Nel

Les aiguilles d'or de Michael McDowell

Publié aux éditions Monsieur Toussaint L'ouverture

 

 

Résumé :

 

 Dans le New York de la fin du XIXe siècle coexistent deux mondes que tout oppose. D'un côté, l'opulence et le faste. De l'autre, le vice monnayé et l'alcool frelaté. C'est à leur frontière, au coeur de l'infâme Triangle Noir, qu'une famille fortunée va chercher à asseoir sa notoriété en faisant mine de débarrasser la ville de sa corruption. Les Stallworth, dirigés d'une main de fer par leur patriarche, l'influent et implacable juge James Stallworth, assisté de son fils Edward, pasteur aux sermons incendiaires, et de son gendre Duncan Phair, jeune avocat à la carrière prometteuse, ont un plan impeccable : déraciner le mal en éradiquant une lignée corrompue de criminelles : les Shanks.

 

 

À propos de l'auteur :

 

Michael McEachern McDowell est un écrivain et scénariste.

Il a suivi des études (B.A. et M.A.) à l'Université d'Harvard, et a poursuivit en doctorat (Ph.D.) en anglais à l'Université Brandeis en 1978. Sa thèse s'intitulait "Comportements américains envers la mort, 1825-1865".

En 1979, après en avoir écrit plusieurs scénarios pour le cinéma, il publie son premier roman, "The Amulet". Il enchaîne avec des romans très variés. "Les brumes de Babylone" ("Cold Moon Over Babylon", 1980), un roman d’atmosphère sur fond de vengeance surnaturelle, lui vaut rapidement la réputation de jeune auteur d’horreur de premier plan.

En 1981, vient son roman, "Cauchemars de sable" ("The Elementals", 1981), dont les abominations irrationnelles reflètent sa vision sinistre du monde. Il sera suivi d’un deuxième roman d’horreur historique, "Katie" (1982).

S'il est sans doute plus connu pour ses œuvres d'horreur gothique du Sud des États-Unis, Michael McDowell a écrit plusieurs séries de livres présentant des différences marquées en termes de ton, de personnages et de sujets. De janvier à juin 1983, Michael McDowell fait paraître chez Avon mois après mois une mini-série de romans autour d'une ville et d'une famille de l'Alabama : "Blackwater". "Blackwater, tome 1 : La Crue" est lauréat du Prix Babelio - Étrangère 2022.

Il a également écrit sous les pseudonymes collectifs d'Axel Young (1982-1983) et de Nathan Aldyne (1980-1986) avec Dennis Schuetz (1946-1989).

Pour le cinéma, on lui doit notamment "Beetlejuice" (1987) dont il est à l'origine et dont il co-écrira le scénario pour Tim Burton, Saturn Award du meilleur scénario 1990, "L'Étrange Noël de monsieur Jack ("The Nightmare Before Christmas", 1993), un film d'animation, "La peau sur les os" ("Thinner", 1996), adapté du roman de Stephen King. Michael McDowell a également écrit la novélisation du film "Clue" en 1985.

McDowell a été diagnostiqué comme étant atteint du SIDA en 1994. Après son diagnostic, il a enseigné l'écriture de scénarios à l'Université de Boston et à l'Université Tufts, tout en continuant à écrire des scénarios sur commande. Il est mort laissant son roman "Calliope" ("Candles Burning") inachevé. Tabitha King a accepté de reprendre ce roman et de le terminer, aidée des dernières notes de Michael. Il a été publié en 2006.

Son partenaire était l'historien du théâtre Laurence Senelick (1942), qu'il avait rencontré en 1969. Ils sont restés ensemble jusqu'à la mort de McDowell .

 

 

Mon Avis :

 

Comme beaucoup, j'ai découvert Michael McDowell l'année dernière avec la série Blackwater que j'ai beaucoup aimée. J'ai d'abord été séduite par les couvertures somptueuses rendant l'objet livre très beau. Alors lorsque Babelio m'a proposé en avant première de lire ce "nouveau" roman de l'auteur qu'il publiait, je n'ai pas résisté longtemps et ai croisé les doigts très fort pour être choisie. Je mets nouveau entre guillemets, car l'auteur a écrit ce roman en 1980, donc il n'est pas récent en soi, par contre, il est récent dans sa traduction et sa publication en français. Il est dans un format poche, mais compte quand même plus de 500 pages. Et bien sûr, la couverture a été conçue par le même dessinateur que Blackwater, Pedro Oyarbide, et est à nouveau magnifique, toute en relief avec des dorures et des symboles qui font référence à l'histoire. Je remercie beaucoup Babelio et les éditions Monsieur Toussaint L'ouverture de m'avoir permis de lire ce roman avant sa sortie. 

 

Ce fut une lecture très intense et très dense. Par rapport à Blackwater, il n'y a pas de fantastique, tout est très réel, et c'est ce qui glace encore plus. 

 

Nous sommes en 1882, à New-York, et nous allons suivre deux familles que tout oppose. La première vit dans un quartier huppé de Gramercy Park, ce sont les Stallworth. Cette famille est menée par le patriarche, l'intraitable juge James Stallworth. Edward, pasteur et père de Benjamin et Helen, et Marian, mariée à Duncan Phair, avocat retors, et mère de jumeaux, Edwin et Edith. 

 

L'autre famille, ce sont les Sharks, ils vivent dans un quartier malfamé appelé "Le triangle d'or". Elle est menée par des femmes, Lena, la grand-mère, ses filles Daisy, mère elle aussi de Ella et Rob, et Louisa. Il y a également la belle-sœur, Maggie et une amie Charlotta. Lena et Daisy sont connues pour être avorteuses. Elles vivent aussi de larcins, recel, prostitution. C'est un quartier où il ne fait pas bon se promener, avec des fumeries de drogue, des salles de jeux clandestines ou de boxes.

 

Logiquement, ces deux familles n'auraient jamais dû se rencontrer. Mais c'est sans compter l'idée qui a germé dans la tête du juge Stallworth de faire le nettoyage dans ce quartier du Triangle d'or, à des fins politiciennes Avec son gendre et un journaliste, ils vont s'attaquer aux délits qui ont lieu dans ce quartier, en écrivant et publiant des articles dans les journaux afin d'influencer l'opinion publique en faveur des Républicains. Mais, car il y a un gros mais, ce que le juge ne sait pas, c'est que son gendre Duncan entretient une liaison avec Maggie, la belle-sœur de Léna Shanks. Et surtout, ce que le magistrat a complètement oublié, c'est qu'il a jugé le mari de Léna il y a quelques années et qu'il l'a condamné à mort. Lena lui en veut pour cela. Lorsque le juge va arrêter Maggie et la juger, Lena qui lui en voulait déjà à mort, décide de mener sa vengeance contre cette famille. La phrase qui dit que la vengeance est un plan qui se mange froid, va prendre tout son sens ici. Ce sera oeil pour oeil, dent pour dent. 

 

J'ai donc suivi ces deux familles s'entre déchirer. Logiquement, je devais prendre partie pour les "gentils", mais justement, il n'y a pas des gentils et des méchants d'un côté. Les deux familles sont les deux à la fois. Dans chacune d'elles, il y a des personnes auxquelles je me suis attachée et d'autres que je ne pouvais pas encadrer. Je pense notamment à Helen, chez les Stallworth, c'est à elle que je me suis le plus attachée, et dans laquelle j'ai ressenti le plus d'humanité et de compassion. Ce qui est fantastique avec cet auteur, que j'avais déjà remarqué dans Blackwater, c'est qu'il arrive à nous faire aimer les personnages les plus sombres. Lena, par exemple, est vraiment hideuse dans son comportement, mais son désir de vengeance se comprend, elle aime chacun des membres de sa famille et les protégera contre tout. Ce que l'on ne ressent pas forcément chez le juge, qui ne voit bien souvent que son propre intérêt avant sa famille. Parfois l'esprit de famille est bien plus fort chez les pauvres que chez les riches où c'est bien souvent l'argent qui prime. J'ai beaucoup aimé que l'auteur montre cette facette, et que ses personnages soient à la fois blancs et noirs. 

 

Cette noirceur d'ailleurs transpire de partout dans ce livre. L'auteur a créé une ambiance sombre, effrayante, angoissante. En lisant, je ne voyais que du sombre autour de moi, pas de lumière, comme si j'étais dans un tunnel, ou comme si l'histoire se passait toujours dans une nuit très noire. L'horreur et l'épouvante sont présentes, mais pas aussi intenses que les livres d'horreur justement. C'est sanglant aussi par moment, les personnages qui meurent ne le font pas dans le calme, loin de là, le sang jaillit bien souvent, et c'est là que j'ai retrouvé la touche de fantastique de l'auteur. 

 

L'histoire est dense, très dense. Sincèrement, je pensais lire ce roman plus vite que cela, un poche de 500 pages normalement, je le lis assez vite, mais là non. On ne peut pas rater une ligne, chaque mot est important, donne un indice ou exprime quelque chose de nécessaire dans la compréhension de l'histoire. Le livre est découpé en deux parties. La première est plus longue à lire, elle pose les bases, les personnages, les décors, les enjeux, elle revient sur le passé des personnages. J'ai eu l'impression de monter une pente, l'angoisse monte petit à petit, elle arrive au point culminant avec la deuxième partie où tout s'enchaîne, où la vengeance de Léna, mûrement réfléchie, se met en place et s'exécute. Et là, on compte les morts, ou les disparus, dans les deux clans. La descente est rude, aussi forte qu'a été la montée. J'ai été spectatrice d'un désastre annoncé, sans pouvoir faire quoique ce soit. J'ai tremblé pour certains que j'aimais bien. L'auteur n'a aucune pitié et s'en prend même aux innocents. Il est implacable et va jusqu'au bout de son idée. 

 

Les personnages sont nombreux, mais j'ai réussi à les reconnaître. J'ai été aidée au début par l'arbre généalogique qu'a mis l'auteur au début du livre, cela m'a permis surtout de bien identifier les liens entre chaque personnage. Mais j'ai très vite assimilé tout cela, et reconnu les différentes personnes, elles sont très marquantes dans leur physionomie ou leurs actes, et très difficilement oubliables. J'ai été emportée par le style de l'auteur, que j'avais déjà beaucoup aimé dans Blackwater et que j'ai pu à nouveau apprécier ici. Il arrive à emporter le lecteur dès les premiers mots, je me suis très vite plongée dedans, et j'ai eu beaucoup de mal à le quitter. Le suspense est latent, je voulais savoir ce qui allait se passer, comment allait un personnage, etc, ce qui rend alors la lecture très addictive. J'aurais aimé lire plus vite, pour savoir plus vite, mais la densité d'écriture m'a ralentie, ce dont je ne me plains pas du tout, au contraire, cela m'a encore plus imprégnée de l'ambiance et la noirceur. 

 

L'auteur a très bien retranscrit la vie du New-York de la fin du 19ème siècle. J'ai aimé comment il met en opposition deux systèmes de famille opposés, l'un patriarcal et l'autre matriarcal. Les femmes sont très présentes et fort représentées dans toutes leurs facettes. J'ai aimé aussi sa façon de dépeindre la société, la richesse de certains opposée à l'extrême pauvreté des autres. C'est une histoire très humaine, où l'auteur montre bien les inégalités de classe, l'injustice qui peut régner, le jugement aussi des autres selon leur apparence ou leur statut social, la manipulation déjà existante de la presse. Une société passée qui ressemble encore sur de nombreux points à notre société actuelle. 

 

J'ai beaucoup aimé ce livre, il m'a surtout confortée dans mon premier très bon avis de l'auteur après la lecture de Blackwater. La maison d'édition a eu l'excellente idée de créer la Bibliothèque Michael McDowell, où seront réunis tous les romans de l'auteur ayant les mêmes thématiques en commun. Ils devraient publier les romans tous les six mois, donc deux sont prévus en 2024 et deux autres en 2025. Et j'en suis ravie, j'ai très envie de continuer à découvrir et lire cet auteur. Surtout si tous les livres sont aussi bien réalisés. Une bonne note supplémentaire avec la traduction que j'ai trouvée réussie. Ce livre écrit en 1980, il y a donc 43 ans, a cependant un style très moderne, je n'ai pas eu l'impression de lire un livre de cet âge. Aux États Unis, Michael McDowell est considéré comme un grand écrivain d'horreur, proche de Stephen King qui l'a lui-même encensé, et en effet, j'ai retrouvé du Stephen King dans Michael McDowell.

 

Je ne peux que vous recommander la lecture de ce livre. Si vous avez lu et aimé Blackwater, vous serez ravis. Si vous ne l'avez pas aimé, tentez quand même la lecture de celui-ci qui n'a pas tout le côté fantastique et irréel de la saga. Et si vous n'avez jamais lu cet auteur, ce livre est un bon moyen de découvrir sa plume riche et intense. De mon côté, je vais continuer à le lire, et à me procurer ses livres surtout s'ils ont tous une aussi belle couverture. Ce roman sera disponible en librairie le 6 octobre prochain, à noter et ne pas rater, et franchement, il sera vendu à 12€90, ce qui est pour moi peu par rapport à certains, surtout pour un livre de cette qualité. 

 

Il ne me reste plus qu'à remercier Babelio et surtout Monsieur Toussaint L'ouverture de m'avoir permis de lire ce roman, et à féliciter la maison d'édition pour son travail de grande qualité sur ce livre. 

 

 

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