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Marie-Nel lit

Le cas Victor Sommer de Vincent Delareux

9 Août 2023 , Rédigé par Marie Nel

Le cas Victor Sommer de Vincent Delareux

Publié aux éditions de l'Archipel

 

 

Résumé :

 

À 33 ans, Victor Sommer mène une vie monotone qui lui pèse. Secrètement, il aspire à devenir quelqu’un. Une ambition entravée par sa mère, infirme autoritaire et possessive qui l’empêche de prendre son envol.

Le jour où celle-ci disparaît de façon mystérieuse, Victor est confronté à un monde qu’il n’a jamais appris à connaître…

 

 

À propos de l'auteur :

 

Né en 1997 en Seine–Saint-Denis, Vincent Delareux suit des études littéraires à Paris avant d’aller vivre en Normandie, où il se lance dans l’écriture.

À 22 ans, il signe Le Cas Victor Sommer, repéré par les Éditions de l’Archipel, plébiscité par la critique et salué par Amélie Nothomb.

Son deuxième roman Les Pyromanes, à paraître le 24 août 2023, nous offre une immersion flamboyante dans les affres des passions humaines.

 

 

Mon Avis :

 

Ce roman me tentait beaucoup depuis sa sortie en mai 2022, j'étais très intriguée par le résumé et la couverture. Lorsque j'ai vu que l'auteur sortait un second roman cette année, j'ai tout de suite acheté son premier, afin de me faire une idée. Je ne suis pas du tout déçue. J'ai lu ce roman en un peu plus d'une soirée et j'ai beaucoup aimé l'ambiance et le suspense qui y régnait. 

J'ai donc fait la connaissance de Victor Sommer, qui est vraiment un cas, le titre est bien trouvé. Il a 33 ans, il vit avec sa mère dans une maison délabrée. J'ai tout de suite pensé à la chanson d'Aznavour "J'habite seul avec maman..." Cette mère est étouffante pour Victor, elle a plus de 66 ans, souffreteuse, elle dirige la vie de son fils. Il ne connait pas son père, il ne reste qu'un vieux cliché jauni auquel il se raccroche. Victor ne travaille pas, n'a pas de petite amie, et pas plus de vie sociale. Sa mère l'accapare, et Victor s'en accommode. Le jour où il répond à une petite annonce pour du travail et fait un jour d'essai, sa mère fait tout pour le dissuader. Il rencontre aussi un jour une jeune fille, il ne dit rien à sa mère, mais celle-ci le devine très vite. Pour avoir désobéi, sa mère va se volatiliser le jour de son anniversaire. Qu'est-elle devenue, où est-elle allée, reviendra-t-elle, et comment va devenir la vie de Victor...ça je ne peux pas vous le révéler, bien évidemment.

C'est une histoire où la tension monte crescendo. L'auteur place ses personnages dans leur contexte, montre leurs personnalités, leurs caractères, pour arriver au point culminant qu'est la disparition de sa mère. Ensuite, on se trouve comme sur un plateau de tension qui ne baisse qu'avec l'épilogue. L'auteur a très bien mené son suspense, a réussi à me surprendre, même si je dois bien avouer que j'ai compris ce qu'il en était. Et ceci à cause surtout du bandeau rouge et de la phrase d'Amélie Nothomb. Sa référence à Psychose dévoile trop l'intrigue et j'ai trouvé ça dommage. J'ai surtout pensé à la série adaptée du film, j'ai même fait un mimétisme entre le personnage de Victor et le héros de la série. J'avais l'impression de le voir lui et de voir la même maison. Je ne veux pas en dire plus, peut-être ne connaissez vous ni le film, ni la série, et dans ce cas là, je vous recommande de les regarder, mais une fois que vous aurez lu ce livre bien sûr. Mis à part cela, je ne m'attendais pas du tout à certains faits, j'ai même été très surprise, tellement l'action arrive sans l'avoir pressentie. C'est pour ça que le fait d'avoir deviné un point ne m'a pas du tout dérangée, le reste est tellement surprenant, que ça efface tout le reste. Je me suis fait avoir jusqu'à la toute fin, qui est magistrale d'ailleurs. Ah ce n'est pas l'envie qui me manque de pouvoir vous en dire plus, ça me titille, mais non. En tout cas, je suis sûre que vous vous ferez avoir aussi. 

Je me suis vite attachée à Victor au début du livre. Par contre, au fur et à mesure, je n'étais plus d'accord avec certaines de ses idées, et je me suis détachée de lui petit à petit. C'est un personnage déroutant et déstabilisant, et j'ai apprécié que l'auteur arrive ainsi à changer l'avis du lecteur sur son héros. Bien sûr, il a de grosses circonstances atténuantes. Vivre trente-trois ans sous le joug d'une mère possessive et exclusive, ne pas avoir de contact social, cela ne peut que laisser des traces. C'est totalement compréhensible. Victor est tenté de mener enfin une vie comme tout le monde, mais toujours cette mère qui lui met des bâtons dans les roues, et pourtant il l'aime. J'ai vraiment beaucoup aimé comment l'auteur a construit ses personnages, leur psychologie prend le pas sur le reste, ils sont très réalistes.  

L'auteur nous fait suivre l'évolution de son personnage en séparant son roman en trois parties. Elles correspondent bien aux changements de Victor. Au début, il subit sa mère, il tente de se rebeller, ensuite, vient la phase où sa mère disparait, il est inquiet, la cherche, a des remords, il est dans une sorte de déni de la situation. Puis vient le moment où il accepte cette disparition, la voit plutôt comme une libération et une possibilité pour lui de mener la vie qu'il souhaite, et il craint même le retour de cette mère et de sa vie d'avant. J'ai beaucoup aimé comment l'auteur a décortiqué tout cela, très finement, avec beaucoup de sobriété et de délicatesse. J'ai vraiment ressenti diverses émotions face à Victor. Je le soutenais, avais envie de l'aider, puis j'avais envie de lui dire d'arrêter, de le secouer, bref, je l'ai regardé évoluer comme si je voyais une personne dans ma vie de tous les jours. 

Et bien sûr, tout ceci est porté par un très bon style de l'auteur. C'est son premier roman, mais quelle plume prometteuse. La fluidité de ses mots fait que la lecture se fait très facilement, sans heurts, sans longueurs. Il va droit au but tout en n'oubliant pas de décrire les lieux et les scènes. Les chapitres sont assez courts, et représentent une sorte de journal, ils commencent par un jeudi, et se termineront par un samedi, trois semaines et demies plus tard. J'ai beaucoup aimé cette construction, très prenante, qui donne beaucoup de rythme à la lecture, qui fait tourner les pages sans s'en rendre compte. J'ai lu les cent trente premières pages d'une traite, presque sous apnée, je retenais ma respiration. J'ai aussi aimé que l'auteur emploie une narration à la première personne du singulier. Cela donne un effet très intimiste, je rentre ainsi beaucoup plus dans la peau du personnage, je ressens encore plus ses émotions. Et c'est parfois pas évident quand Victor pète un plomb, c'est pour ça que je disais plus haut que je me détachais de lui, car je ressentais trop vivement tout ce qui le traversait. On pourrait penser que tout est noir dans ce livre, mais non, Victor a un certain humour qui fait sourire, et qui allège une ambiance parfois tendue. 

À travers ses personnages, l'auteur fait passer plein de messages et de valeurs sur la famille, la relation mère-enfant, le désir d'émancipation parfois mal ressenti par les parents, l'absence et le poids qu'elle peut avoir sur nos vies. Certaines paroles de Victor sont souvent philosophiques et j'ai aimé cette dimension qu'apportait l'auteur. Ce n'est pas seulement un drame psychologique, il y a aussi de très belles réflexions sur l'être humain, sur la vie, sur la mort aussi. Je pense notamment au passage où Victor parle de la vie et de la mort avec un autre personnage, et quand il dit "Si on doit mourir, c'est uniquement parce que la vie nous y oblige", j'ai trouvé cette phrase tellement pertinente, elle m'a travaillé, fait réfléchir, c'est vrai qu'on craint la mort, seulement parce qu'on existe. C'est très basique me direz-vous, mais tellement fondamental. Et il y a plein d'autres pensées comme ça sur différents sujets qui font se questionner, je n'ai pas pu tout relever, mais j'ai apprécié toutes ces pistes que l'auteur donne. 

J'ai beaucoup aimé ce livre, j'ai découvert un nouvel auteur, que je vais continuer à suivre car c'est une plume prometteuse. Son nouveau roman "Les pyromanes" sort le 24 août, j'ai la chance de l'avoir reçu en avance, je vais vite me plonger dedans. Il est beaucoup plus épais que celui-ci, j'ai hâte de retrouver la plume de Vincent Delareux. Une chose est sûre, c'est que je n'oublierai pas Victor Sommer de sitôt. Sa personnalité, sa détresse, ses pensées, font que je le garderais bien en mémoire. Je ne peux que vous conseiller de lire ce roman noir, où la psychologie est finement travaillée, où les réflexions philosophiques sont nombreuses, et avec un suspense surprenant, car même si j'avais deviné certains points, je me suis laissée totalement surprendre par d'autres. Un livre court, un peu plus de deux cents pages, mais tellement intense, dense et pertinent, que je vous recommande vivement. 

 

Il ne me reste plus qu'à remercier Vincent Delareux pour tout ce qu'il m'a fait vivre pendant cette lecture, et le féliciter pour ce premier roman de qualité. 

Celui qui a inventé la vie n'a pas jugé cette dernière suffisamment cruelle, alors il a décrété qu'elle s'achèverait par l'humiliation suprême : l'anéantissement total et irréversible de l'être. En une fraction de seconde, passer de quelque chose à rien du tout.

La seule responsable de nos malheurs, c'est bel et bien la vie.

Etre fataliste, c'est avoir conscience de sa mort inéluctable, prendre la mesure de sa misérable condition et s'en attrister. Etre réaliste, c'est la même chose, sans la tristesse.

Si la mort est mystérieuse, la vie l'est tout autant. Si on doit mourir, c'est uniquement parce que la vie nous y oblige. Sans vie, pas de mort. On blâme toujours la Faucheuse alors qu'elle n'y est pour rien : elle aussi est une esclave de la vie. Il faut bien que quelqu'un endosse le mauvais rôle. Oui, la seule responsable de nos malheurs, c'est bel et bien la vie.

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