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Marie-Nel lit

Furie par Grazyna Plebanek

18 Mars 2020 , Rédigé par Marie Nel

Furie par Grazyna Plebanek

Publié aux éditions Le Livre de Poche

 

 

Résumé :

 

Congolaise originaire de Kinshasa, Alia a cinq ans quand elle arrive à Bruxelles. C’est un nouveau monde, hostile, que découvre la petite fille. Son père, un fan de Mohamed Ali, l'initie à la boxe, qui devient pour elle le moyen de réprimer sa colère.
Devenue adulte, elle entre dans la police. Mais c’est un milieu machiste, et où une majorité de ses collègues sont atteints par un racisme viscéral. Car s’ils acceptent la jeune femme comme l'une des leurs, ils veulent éliminer les migrants, qu'ils torturent grâce à une milice de policiers qui ne sont pas d'origine belge. Débarrasser le pays des étrangers grâce aux étrangers, tel est le but de cette organisation. Et Alia en fait partie.
Pour s’imposer dans ce jeu de pouvoir, elle va commettre l’irréparable.

Avec Furie, l’écrivaine Grayna Plebanek nous offre un livre puissant et un inoubliable portrait de femme.


 


 

À propos de l'autrice :


 

Grazya Plebanek est écrivaine, feuilletoniste et boxeuse. Née en Pologne, elle est diplomée en philologie polonaise et anthropologie culturelle. Elle est l'auteure de plusieurs best-sellers en Pologne, traduits en Angleterre, aux États-Unis et au Canada. Furie est son premier roman traduit en français. Elle vit à Bruxelles depuis 2005.


 


 

Mon Avis :


 

Je continue mes lectures pour le Prix des Lecteurs du Livre de Poche avec ce roman qui fait partie de la sélection de mars. C'est une totale découverte pour moi, je ne connaissais ni le roman broché ni l'autrice. J'ai trouvé le sujet du résumé très intéressant, j'aime beaucoup les romans écrits par des femmes racontant la vie de femmes. Je les trouve toujours plus sensibles et plus justes niveau pensées.


 

Il va donc être question ici d'Alia. Elle est née à Kinshasa, et arrive à Bruxelles au moment de ses cinq ans. Son père est un fan inconditionnel de boxe. Il a d'ailleurs féminisé le nom de Mohamed Ali pour prénommer sa fille. D'ailleurs son petit frère s'appellera Joe en hommage à Joe Frazier. La mère d'Alia, Fourmi, est très souvent aux abonnés absents avec ses enfants, elle est omnibulée par les séries télévisées, elle sort, elle boit, laissant Alia s'occuper de la maison et de son frère. Son père, est chauffeur pour un diplomate, et est un formidable conteur. Alia héritera de lui sa passion pour la boxe et les contes. Elle saura toujours transformer la réalité en histoire et la raconter à ses frères. Il y a aussi Mama Issa, la tante d'Alia, qui jouera un grand rôle dans l'éducation d'Alia, remplaçant de bien des façons sa mère. Mais le père d'Alia va repartir au Congo, et c'est la grand-mère qui arrivera alors, avec ses vieux principes, son éducation plus stricte. Alia se façonnera son identité, avec des difficultés d'adaptation à l'école du fait de ses origines. Les enfants ne sont pas tendres entre eux, ce sont les poings et les coups d'Alia qui feront qu'elle arrivera à se trouver une place. Rien ne sera simple pour elle, on lui fera toujours ressentir ses origines, sa couleur de peau. Difficile de grandir dans une telle société.


 

On va suivre ainsi Alia de son arrivée en Belgique à sa vie adulte, quand on la quitte, elle approche la quarantaine. Je me suis très vite attachée à elle, il est très difficile de ne pas rester insensible à ce qui lui arrive, à sa vie de petite fille qui veut tout simplement être considérée comme les autres enfants de son âge, tout en vivant des moments difficiles chez elle. Avec une mère qui ne s'occupe pas de son foyer et est complètement excentrique, toute la charge va retomber sur les épaules d'Alia. Heureusement, sa tante l'aidera beaucoup et lui apportera les valeurs humaines qu'il lui manque. On comprend très vite le choix du titre « Furie », car Alia se décrit elle-même comme une furie, tellement elle a de colère en elle face à ce qu'il se passe dans sa vie, et elle ne peut l'exprimer qu'en tapant dans son sac de boxe comme une furie.


 

À travers ce personnage, l'autrice fait passer énormément de messages, comme on peut se douter, sur la vie de ces Congolais en Belgique. Il ne faut pas oublier que le Congo était une colonie belge qu'ils ont eu bien du mal à quitter. Et lorsque ces mêmes Congolais viennent habiter chez le colonisateur, il est loin d'être facile pour eux de s'intégrer, surtout quand les habitants du pays sont récalcitrants. L'autrice va en profiter pour dénoncer les manquements du gouvernement belge, les milices policières, etc. J'ai beaucoup aimé cette peinture de la société des années 90, qui malheureusement, ne change pas beaucoup à notre époque.


 

J'ai pu apprécier le bon style de l'autrice, elle rend son récit très réaliste. Elle ressemble beaucoup à son personnage, Alia, à la seule différence qu'elle n'ont pas les mêmes origines. Elle vit elle-même à Bruxelles, elle sait donc de quoi elle parle, et de ce fait, ça ajoute beaucoup de réalisme au récit. Elle parle sans fards, elle dénonce, elle n'épargne pas ses personnages avec leurs drames, et en même temps n'épargne pas ses lecteurs. Elle dépeint la vie comme elle est, sans paillettes. Elle sait également faire passer les bons moments, les joies, l'amour que peuvent se porter les personnages. Tout n'est pas gris dans cette histoire, il y a de beaux messages d'espoir et d'entraide humaine.

Le choix narratif se fait à la troisième personne du singulier, je ne suis d'habitude pas entièrement fan de cette méthode, mais j'ai tout de même réussi à être au plus près du personnage principal et à ressentir tout ce qu'elle vit. Alia m'a très souvent émue, m'a fait sourire, je me suis sentie très proche d'elle.

Mon seul bémol porterait sur le résumé qui, pour moi, en dit beaucoup trop. Il nous parle du début, ça, ça va, mais il parle aussi du devenir d'Alia, de son travail en tant que flic. Et du coup, je m'attendais à ce que cela arrive rapidement dans le récit, et en fait non. Les deux-tiers du roman sont consacrés à la jeunesse et l'adolescence d'Alia, j'ai trouvé la partie de femme adulte pas assez développée, j'aurais aimé en savoir plus. Parce que les événements sont importants, on a affaire à une milice de policiers qui s'en prennent aux migrants, les torturent, ce sont des actes horribles et j'aurais aimé qu'ils soient plus développés. Pareil pour le final, je ne sais pas si c'est moi, mais je ne l'ai pas trouvé assez abouti, il me manque aussi des infos pour conclure l'histoire d'Alia. J'aurais aimé que l'autrice parle plus de l'immigration actuelle au travers de cette milice, j'ai trouvé que les faits de la jeunesse d'Alia et ceux de sa vie d'adulte ne sont pas proportionnés.

Les chapitres sont longs, le premier, par exemple, dure un peu plus de cent pages au format poche. Malgré tout, j'ai été tellement prise dans la vie d'Alia que je ne m'en suis pas trop rendue compte. Les chapitres sont entrecoupés par des articles de journaux de l'époque actuelle, soit 2014 et d'un chapitre sur la vie actuelle d'Alia dans son boulot de policière. Les chapitres étant longs, ceux consacrés à l'actualité sont très courts et reviennent peu souvent. J'ai ainsi dû assez souvent revenir en arrière dans ma lecture pour me remettre en tête les événements passés. Cette gestion du passé/présent m'a assez déroutée dans ma lecture.


 

Tout ceci n'empêche que c'est un livre bien écrit et que cela a été une bonne lecture. Alia et la vie de ses compatriotes m'a beaucoup touchée et émue. Malgré le point noir souligné au-dessus, ce roman, par son histoire, restera marqué dans ma mémoire, j'aurais beaucoup de mal à oublier cette jeune femme et sa famille. Et ce fut une belle découverte de l'autrice, elle a écrit d'autres romans, mais Furie est le seul à avoir été traduit en français. J'espère sincèrement que ses autres écrits seront traduits également, j'aimerais beaucoup la relire à nouveau.


 

Comme pour le premier mois de lecture du Prix des Lecteurs, j'ai fait une belle découverte grâce à lui, que je n'aurais sûrement pas fait sans lui. Franchement, je ne sais pas si je l'aurais lu, je serais passée à côté, et cela aurait été vraiment très dommage. Alors un grand merci au Livre de Poche pour cette très bonne lecture, je continue mes lectures, il m'en reste encore deux pour ce mois de mars..

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