Théorie de la disparition de Séverine Chevalier
Publié aux éditions La Manufacture de Livres
Résumé :
Mylène se considère lucidement comme l’intendante de son mari Mallaury. Une vie simple et banale dans laquelle elle s’occupe de son foyer avec une grande minutie, prolongement du travail consciencieux exercé au service municipal de la ville de Saint-Étienne, quand elle vérifiait les habitations afin de prévenir tout risque de destruction. Mylène veille à ce que Mallaury ne manque de rien, surtout depuis que ses romans connaissent le succès. L’accompagnant dans tous ses déplacements, elle traque le moindre défaut, lisse le moindre pli. Mais un soir, lors d’un dîner entre écrivains, Mylène fait une rencontre qui l’amène à agir étrangement : elle se laisse disparaître. En échappant à son mari pour la première fois, elle se confronte au passé et sort de son silence. La femme de l’écrivain commence à écrire.
À propos de l'autrice :
Séverine Chevalier est née en 1973 et se consacre à l’écriture à partir de 2008. Son premier roman, Recluses, est publié aux éditions Écorces en 2011. Ses romans suivants, Clouer l’Ouest (2014), Les Mauvaises (2018) et Jeannette et le crocodile (2022), seront publiés à La Manufacture de livres.
Mon Avis :
Lorsque j'ai vu ce livre la première fois, c'est le titre qui m'a tout de suite interpellée. La théorie de la disparition, vaste sujet. J'avais donc envie d'en savoir plus, le résumé m'a un peu renseignée, mais il a surtout titillé ma curiosité. J'avais en plus, envie de découvrir une nouvelle autrice, je ne connaissais pas encore Séverine Chevalier, donc tout était réuni pour lire ce roman.
Ce livre, c'est l'histoire d'une femme, Mylène. Elle est mariée à Mallaury, il est écrivain. Mylène est ce genre de femme totalement invisible, qu'on ne voit pas, et qui, pourtant, est indispensable à son mari. C'est la femme de l'ombre, celle qui s'occupe de tout et dont on n'entend jamais parler. Elle se définit elle-même comme son intendante, elle s'occupe de son foyer, et de tout ce qui fait que son mari n'ait qu'à penser à écrire, surtout que ses derniers romans ont du succès. Mais lors d'un diner entre écrivains, Mylène va faire une rencontre qui va bouleverser sa vie et la révéler à elle-même. Cette rencontre, c'est un homme, ce sont des lèvres qui esquissent un baiser, c'est tout en pudeur, tout en discrétion. On n'en saura pas plus sur l'identité de ces personnes, juste que cela va tout changer pour Mylène. Son mari se rend ensuite dans une résidence d'écrivains en Normandie, Mylène est avec lui, bien évidemment. Et c'est là, qu'elle va décider de disparaitre, pour mieux se révéler, et elle le fait en écrivant à son tour.
Je n'en dirai pas plus, j'ai presque tout dit, avec mes mots, il faut maintenant que vous découvriez l'histoire de Mylène avec les mots de l'autrice, qui sont bien plus beaux et puissants que les miens. Tout est en subtilité dans ce roman, l'écriture est sensible, poétique, et très belle surtout. On pourrait penser en lisant le mot disparition, qu'il va s'agir d'un thriller ou d'une enquête policière, mais non, c'est beaucoup plus fin que cela. Il règne tout de même un certain mystère, et je me suis souvent demandée comment cela allait finir. Ce mini suspense rend la lecture addictive, j'avais envie de savoir ce qu'allait devenir Mylène.
Mylène est un personnage féminin attachant. J'ai été étonnée d'apprendre son âge, 69 ans, elle parait si jeune d'esprit, comme quoi, l'âge physique n'a rien à voir avec ce que nous pensons. C'est une femme attachante et émouvante. J'ai aimé la suivre, la découvrir et la voir se révéler, devenir ce qu'elle avait toujours voulu être. Le récit est très intimiste, la narration est à la première personne du singulier, c'est Mylène la narratrice. Cela crée un rapprochement supplémentaire avec elle. Je suis rentrée dans sa tête, je ressentais la moindre de ses émotions, je suivais ses réflexions. Et je me rends compte en écrivant cet avis, que je ne me suis attachée qu'à elle, son mari ou les autres personnages sont restés très lointain. Elle parle également de son enfance, de ses parents, de son éducation, de ses rêves et de tout ce qui la fait elle. Son passé n'est pas banal, et le poids de certains actes de ses aïeux pèse encore dans son présent. La disparition des anciens et de leurs faits restent finalement longtemps présent dans la vie des descendants. Découvrir Mylène et son histoire a été très émouvant.
Ces émotions sont ravivés par le style de l'autrice et par sa très grande sensibilité. Ses mots et ses phrases sont même très poétiques. La construction du livre aussi est parfois particulière, avec des chapitres courts, voire très courts, avec une seule phrase, par contre, très marquante. Parfois, des phrases courtes aussi, et certaines très longues. J'ai noté une phrase qui faisait un chapitre de deux pages. C'est une longue énumération des choses faites en une journée, du lever au coucher. Cela peut paraitre rébarbatif ou lourd à lire, mais pas du tout, j'en ai été moi-même surprise. Cela donne un côté urgent aux propos qui ne m'a pas déplu.
Le livre est court, un peu plus de cent cinquante pages, mais très dense. J'ai pris mon temps pour le lire, car il pousse à la réflexion et à l'introspection. L'autrice parle très bien des femmes et de cette notion de disparition qui peut avoir plusieurs formes, et j'ai trouvé cela tellement vrai. Il y a la disparition de la vue, lorsqu'on n'est plus visible pour les autres, il y a la disparition de la présence, lorsqu'on est absent et plus physiquement là, et enfin la disparition de l'existence, celle quand on est mort. Je n'avais jamais prêté attention à ces nuances, elles correspondent totalement aux différentes situations de Mylène et de nous-mêmes par extension. Et en même temps, une disparition peut aussi révéler une apparition dans un autre contexte, dans d'autres lieux. J'ai beaucoup aimé cette réflexion, c'est un livre qui titille et pousse à réfléchir justement. On est tous la femme ou l'homme de, la fille ou le fils de... e
Le récit de Mylène est ponctué de faits qui ont réellement existé, et que je ne connaissais pas. Comme la photo de couverture, qui existe vraiment. C'est une photo d'un ours du Jardin des plantes à Paris pris au piège pendant les inondations de 1910, avec la foule de curieux qui regardent au-dessus au travers des grilles. Ces faits réels ancrent encore un peu plus l'histoire de Mylène qui semble alors avoir existé alors, elle aussi.
J'ai beaucoup aimé ce livre, et au travers lui, je suis très contente d'avoir découvert Séverine Chevalier. J'ai noté les titres de ses précédents romans que je lirai avec plaisir pour continuer de la découvrir. Je ne peux que vous conseiller la lecture de ce livre, tout en délicatesse et subtilité. Ce roman ne disparaitra pas de sitôt de ma mémoire...
Il ne me reste plus qu'à remercier Séverine Chevalier pour ce très bon moment de lecture. Et un grand merci également à La Manufacture de Livres pour sa confiance renouvelée en mon blog.
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Théorie de la disparition - Séverine Chevalier
Mylène mène une vie simple dans laquelle elle s'occupe de son foyer et veille à ce que son mari Mallaury ne manque de rien, lissant le moindre pli. Un soir, elle fait une rencontre qui va tout ...
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