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Marie-Nel lit

Le miroir des eaux selon Monet de Philippe Simon

9 Janvier 2025 , Rédigé par Marie Nel

Le miroir des eaux selon Monet de Philippe Simon

Publié aux Ateliers Henry Dougier

 

 

Résumé :

 

Aboutissement du génie absolu de Claude Monet, ces huit compositions monumentales exposées depuis 1927 à l'Orangerie sont un chef-d'œuvre ô combien particulier dans l'art pictural français.
Claude Monet entreprend cette dernière création alors qu'il a déjà passé soixante-dix ans. Il réinvente ainsi son art et son inspiration. Pour peindre ses toiles géantes, il fait construire un immense atelier dans sa maison de Giverny. Et il court de son jardin d'eau à ses chevalets, alors que la cataracte empire, altère sa perception des formes et des couleurs et le menace chaque jour davantage de cécité totale.
Le 12 novembre 1918, il fait don de quelques-unes de ce qu'il appelle ses " Grandes décorations " à la France, pour fêter la victoire et la paix retrouvée. Il pose une condition unique, qui ajoute encore à la grandeur de l'œuvre : que ces toiles soient exposées dans un lieu qui leur soit totalement consacré. Il compte pour cela sur l'amitié indéfectible, bourrue et tendre, complice et fraternelle, de Georges Clemenceau.
Cette histoire témoigne autant du génie de l'artiste que du lien rare et précieux qui unit deux hommes : Monet et Clemenceau.

 

 

À propos de l'auteur :

 

Normand, ancien journaliste, auteur de nombreux livres documentaires pour le jeune public et les adultes, Philippe Simon a publié La Normandie pour les nuls (First, 2017) et Les méthodes de lecture de notre enfance (La Martinière, 2013). Son roman Dumont d'Urville, chronique imaginaire (Charles Corlet, 1087) avait été salué par Gilles Perrault et Didier Decoin. 

 

 

Mon Avis :

 

Si vous me suivez régulièrement, vous avez déjà vu passer sur mon blog ou sur mon compte Instagram des livres de la collection "Le roman d'un chef-d'oeuvre" des Ateliers Henry Dougier, et vous connaissez alors mon engouement pour elle. J'essaie de ne pas manquer une sortie, je me régale à chaque fois. Pour rappel, le principe de cette collection est simple et très ingénieuse. Un auteur s'empare d'une oeuvre d'un artiste célèbre, ce peut être un peintre, un sculpteur ou autre, et tisse autour d'elle une histoire, basée sur des faits réels. Le texte mêle ainsi récit romanesque et enquête historique. Je trouve cela très enrichissant, j'aime vraiment beaucoup. J'ai pu ainsi découvrir ou redécouvrir des oeuvres de Frida Kahlo, Manet, Hopper, Füssli.. la palette est large. 

Ici, il va s'agir d'une oeuvre monumentale peinte par Claude Monet, Les Nymphéas. L'année dernière, j'ai déjà lu un livre sur ce peintre, dans la même collection, qui concernait des tableaux peints lorsqu'il était à Belle-île-en-mer, j'étais donc très contente de le retrouver ici avec une autre de ces toiles. J'aime beaucoup cet artiste, j'ai une reproduction de son Déjeuner. C'est lui qui a donné son nom à l'impressionnisme, grâce à une de ses toiles, "Impression, soleil levant", qui fait sensation, le critique d'art Louis Leroy donnera ainsi le nom d'impressionnisme à ce mouvement réunissant d'autres artistes. 

La particularité de ce livre-ci, c'est que l'auteur a donné la parole à un ami très cher de Claude Monet, le très célèbre Georges Clémenceau. Je ne savais pas du tout que ces deux hommes étaient liés ainsi par une profonde amitié. Ils ont le même âge, et resteront liés toute leur vie respective. C'est grâce à leur nombreuse correspondance et à la biographie de Monet écrite par Clémenceau que l'auteur a pu raconter ce majestueux tableau des Nymphéas. C'est le projet un peu fou d'un artiste qui veut créer une immense toile représentant l'étang qu'il a fait construire dans sa propriété. Imaginez, la fresque, une fois finie, fait environ 100 mètre linéaires, sur deux mètres de haut, soit à peu près deux cents mètres carrés de toile. Et elle ne représente "que" l'étang, avec ses nénuphars, ses saules pleureurs. Il y a 8 toiles en tout : Reflets d’arbres, Les Nuages, Le Matin clair aux saules, Les Deux Saules, Soleil couchant, Reflets verts, Matin et Le Matin aux saules. Monet doit déjà construire un atelier exprès pour pouvoir les peindre. Il met les chevalets de ses toiles sur roulettes pour pouvoir mieux les déplacer, il va observer très souvent son étang pour reproduire au mieux la lumière sur l'eau selon l'heure de la journée. C'est un travail colossal qu'il effectue pendant la première guerre mondiale. À la signature de l'Armistice, le 11 novembre 1918, il décide de faire don de son oeuvre à la France, pour fêter la victoire. Clémenceau accepte. Mais ce sera bien souvent un cadeau empoisonné. Déjà parce qu'il faut savoir où mettre ces immenses tableaux, Monet a des idées bien précises, il aimerait une pièce ovale avec des murs en rond, afin de donner de la profondeur à ses tableaux, il aimerait aussi une lumière particulière, qu'elle arrive par le toit. Et puis, c'est un éternel insatisfait, il y a toujours des retouches à faire, il change parfois d'avis, il veut revenir sur sa parole. Clémenceau se montrera d'une grande patience avec son ami. C'est seulement en 1922 que la donation sera entérinée, Monet a fixé une dernière volonté, les oeuvres ne doivent pas être vernies et ne pourront jamais être vendues. Et c'est dans deux salles de l'Orangerie des Tuileries à Paris qu'elles seront exposées  en 1927, un an après la mort de Monet.

J'ai trouvé cette lecture passionnante. C'est très enrichissant d'apprendre autant de détails sur un artiste et sur son oeuvre. Je connaissais cette toile, mais je ne m'imaginais pas la taille. C'est en cherchant sur le net que j'ai trouvé des photos où elles sont exposées. J'ai beaucoup aimé le ton de l'histoire, parfois drôle, avec un Clémenceau qui n'a pas la langue dans sa poche, parfois tendre, car ils sont très liés amicalement, parfois plein de colère, car Monet n'est pas toujours facile à vivre. En effet, celui-ci a des problèmes de vue à la fin de sa vie, il a une cataracte aux deux yeux. Que peut-il y avoir de pire pour un peintre de ne plus voir, il a du mal à représenter les couleurs, et ça le dérange beaucoup, ça l'énerve, il se met en colère. Et c'est tout à fait compréhensible. Car Monet aime la couleur. Même Clémenceau le savait, car aux obsèques de Monet, il a enlevé le tissu noir recouvrant le cercueil de son ami, et l'a remplacé par un drap de couleurs en disant "Pas de noir pour Monet ! de la couleur !"

J'ai été très émue à la lecture de ce livre, car l'auteur a construit son récit comme si Clémenceau revenait sur son passé avec Monet, au moment où il a écrit son livre. C'est donc empreint de beaucoup de nostalgie, et c'est très émouvant. La baisse de vue de l'artiste est une chose terrible. C'est d'ailleurs très bien écrit. J'ai beaucoup aimé le style de l'auteur que je découvre. Il m'a donné envie de lire d'autres livres sur ces deux grands hommes de l'Histoire. J'aimerais beaucoup, par exemple, lire celui qu'a écrit Clémenceau sur Monet, ou lire leurs correspondances. C'est pour cela que j'aime aussi cette collection. Les livres ne sont jamais épais, un peu plus de cent pages, mais ils sont très denses et ouvrent tellement de perspectives. À chaque fois, je vais sur le net voir de mes propres yeux, et je fais à chaque fois de nouvelles découvertes. C'est une collection que je n'aimerais jamais arrêter. Et je vous la recommande vivement. En plus, dernier petit détail, les livres sont très beaux, avec leurs rabats qui mettent l'accent sur des détails de la toile. Ici, sur le rabat de la fin du livre, il y a une photo de Monet et Clémenceau. Une petite particularité de ces livres, c'est qu'après le récit de l'auteur, il y a des parties que j'aime beaucoup lire, la biographie du peintre avec les dates importantes. Et une partie qui m'apprend aussi beaucoup, "Regards croisés" où se trouvent des extraits de lettres ou de textes écrits sur Monet par d'autres auteurs célèbres. L'auteur donne ensuite une liste de livres sur Monet ou Clémenceau, j'ai noté quelques titres qui pourraient m'intéresser. 

J'ai encore été bavarde pour cet avis. Je n'ai pas tout dit, je vous ai laissé certaines choses à découvrir. J'espère en tout cas, vous avoir donné envie. N'hésitez pas à vous plonger dans les Nymphéas. J'avais déjà envie de visiter Giverny et ses jardins, chers à Monet, j'ai maintenant envie d'aller à l'Orangerie pour m'immerger dans ces huit gigantesques toiles.

Il ne me reste plus qu'à remercier Philippe Simon pour ce très bon moment de lecture si enrichissant. Et un grand merci à Sabine des Ateliers Henry Dougier pour l'envoi de ce livre.

 

Non, répond Clémenceau, comme pour lui-même. Quand je regarde un arbre... Tenez cet arbre, là, un peu à droite du pont... Eh bien, moi je ne vois rien qu'un arbre. Tandis que vous, les yeux mi-clos, vous pensez : "Combien de tos, combien de couleurs pour reconstituer l'harmonie finale ?"

Je vois des formes, des nuances de coloration, que je tiens jusqu'à preuve du contraire, pour l'aspect passager des choses comme elles sont. Mon oeil s'arrête à la source réfléchissante et ne va pas plus loin. Avec vous, c'est une autre affaire. L'acier de votre rayon visuel brise l'écorce des apparences et vous pénétrez la substance profonde pour la décomposer en des véhicules de lumières que vous recomposez du pinceau...

Le motif est quelque chose de secondaire, ajoute encore Monet, entre deux coups d'oeil à l'étang. Ce que je veux reproduire, c'est ce qu'il y a entre le motif et moi.

La vie est de la lutte, tandis que la victoire, trop prompte aux vanteries, peut être une source de diminutions.

Ce qui fait la grandeur d'un homme, c'est le courage. il faut se battre avec tout. Il faut chercher l'impossible. Vous avez tenté d prendre la lumière et de la flanquer sur vos toiles. C'était une idée de fou. Vous en étiez à un moment où ce que vous faisiez n'était plus de la peinture. C'était... Comment dire ? Une espèce d'évasion... Vous auriez encore vécu dix ans, on n'aurait plus rien compris à ce que vous faisiez ; il n'y aurait peut-être plus rien eu sur vos toiles...

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