La rivière de Laura Vinogradova
Publié aux éditions Bleu et Jaune
Résumé :
Dix ans après la disparition de sa sœur et toujours hantée par les souvenirs de son enfance malheureuse, Ruta s’enfuit – d’une vie confortable, de la ville, de son travail, de son mari et surtout d’elle-même – dans la maison héritée de son père.
Elle découvre les secrets de cet homme qu’elle n’a jamais connu, apprend à vivre simplement, et tisse des liens avec ses voisins. Parviendra-t-elle à comprendre son passé et à apprécier son présent ?
Écrit dans un langage volontairement simple, ce roman aborde des questions complexes : la quête de sa place et de son épanouissement dans la vie.
C’est un récit universel sur l’acceptation de soi et des autres.
À propos de l'autrice :
LAURA VINOGRADOVA, née en 1984 en Lettonie, commence sa carrière à l’âge de trente ans. Elle publie d’abord un livre pour enfants, puis se tourne vers un public adulte avec les recueils de nouvelles Expirations (Izelpas, 2018) et La Colline aux ours (Lāču kalns, 2018).
La Rivière (Upe, 2020), son premier roman, a été sélectionné pour le Prix annuel de littérature lettone et a obtenu le Prix de littérature de l’Union européenne en 2021. Elle continue de publier tant pour la jeunesse que pour les adultes.
Elle vit à Riga avec son mari, qui a collaboré à plusieurs de ses œuvres en les illustrant. En plus de son activité littéraire, elle travaille au Musée de la Littérature et de la Musique.
Mon Avis :
La maison d'édition Bleu et Jaune est une maison que j'apprécie et qui m'a permis de découvrir des auteurs européens vers lesquels je ne serais sans doute pas allée. Elle cultive l'ouverture sur le monde, et met en lumière la littérature européenne contemporaine. Après avoir découvert des auteurs ukrainiens ou serbes avec mes précédentes lectures, je découvre cette fois-ci une autrice lettone. Ce roman a reçu le prix de littérature de l'Union Européenne, et c'est un premier roman pour l'autrice.
C'est un livre court, il fait moins de 140 pages, mais très dense. Il commence très fort, on rencontre les deux soeurs, Ruta et Dina, celle-ci se fait enlever à la fin du premier chapitre. On retrouve Ruta dix ans après, elle n'arrête pas de penser à sa soeur disparue. On ne sait pas ce qu'elle est devenue. On ne sait pas où cela se passe, pas d'indication de lieu précis, et je n'ai pas trouvé cela dérangeant. Les parents de Ruta sont divorcés, son père est décédé récemment. Ruta va quitter la ville et le confort de son appartement où elle vit avec son mari pour se rendre dans la maison de son père, isolée de tout, qui tombe en ruines, où il manque de tout, qui se trouve près d'une rivière. Là elle retrouve la trace de son enfance passé entre ses murs. Son unique voisine, Matilde, lui amène un matin son petit garçon de trois ans, Lükass, car l'accouchement du second est imminent. Ruta ne sait pas s'occuper d'un enfant, mais cette présence la touche. Il y a aussi Kristofs, le frère de Matilde, pêcheur qui ne revient que de temps en temps. Et puis, bien sûr, il y a la rivière, où Ruta aime se rendre, aime se perdre, cette rivière qui rejoint la mer, qui borde les habitations, un courant qui se lie entre la jeune femme et elle et entre elle et ses voisins. Ruta écrit des lettres à sa grande soeur disparue, où elle se confie, où elle parle de ce qu'elle ressent. Ruta se reconstruit, grâce à Matilde, grâce à cette rivière, elle va enfin arriver à accepter l'inacceptable, à pardonner, et s'autoriser à enfin vivre pleinement.
Ce qui choque le plus dès que j'ai commencé ma lecture, c'est le style d'écriture. Il est très simple, les phrases sont très courtes, composées d'un sujet, verbe, complément. C'est déstabilisant au début, je me demandais pourquoi l'autrice avait fait cela, et j'ai compris par la suite qu'elle voulait retranscrire la simplicité de Ruta. Il n'y a pas besoin de longues phrases pour parler d'elle, tout est à la fois simple et compliqué dans la vie de la jeune femme. D'ailleurs, les lettres qu'elle écrit à sa soeur sont beaucoup plus travaillées que le texte du livre, et pleines de poésie. Cette simplicité marque beaucoup, et fait de Ruta un être à part. Le vocabulaire est simple aussi, j'ai trouvé que l'autrice faisait passer de cette façon beaucoup d'émotions et une grande profondeur de sentiments. Maintenant que j'ai fini ce livre, je ne peux pas le concevoir écrit autrement. En tout cas, je comprends pourquoi ce roman a reçu ce prix de littérature. Il faut une grande maîtrise de l'art d'écrire pour écrire ainsi, et le travail de la traductrice est lui aussi remarquable.
Les personnages sont tous attachants, je les aimés de suite. Ils sont justement dépeints avec beaucoup de simplicité, et c'est pour cela qu'ils sont attachants, ils nous ressemblent, ils peuvent être chacun de nous. Ruta est une jeune femme pleine d'empathie envers les autres, elle apprend à se découvrir en revenant sur les traces de son père. Elle est très secrète, parle peu, et se dévoiler sera pour elle une révélation. On saura peu de choses sur la jeunesse de Ruta, mais le peu d'informations que l'on a, nous font comprendre qu'elle n'a pas été simple. Et puis, il y a la rivière, qui est un personnage à elle toute seule. Elle prend de la place dans le récit, elle est surtout une belle métaphore de la vie d'un être humain. Le courant qui passe entre les personnes, les cailloux qui dévient la rivière, comme ceux qui nous font dévier de la route, la rivière qui suit son lit et qui va se confondre dans un fleuve ou une mer, l'eau qui lave les plaies et les cicatrices. Tout ce qui a trait à la rivière est d'une très grande poésie.
J'ai aimé suivre Ruta, elle m'a énormément touchée. J'ai beaucoup aimé découvrir l'autrice. J'ai aimé son style, la particularité de son écriture, la poésie de ses mots et de ses phrases. Celles-ci sont très musicales dans leur rythme et leur construction. Ce livre a été très beau à lire. Je l'ai lu sur un après-midi, tellement je me suis sentie happée par cette histoire, mais j'avoue que pour la préparation de cette chronique, j'ai aimé me replonger dedans, relire des extraits. Et le relire permet de deviner des choses que je n'avais pas vues à ma première lecture. C'est difficile à expliquer, tellement tout est en ressenti. Il faut lire ce livre pour comprendre tout cela.
Au travers de Ruta, l'autrice nous renvoie à nos propres failles. Lorsque Ruta se regarde dans la rivière, c'est un peu nous que l'on voit aussi, avec nos doutes, nos peurs, nos interdits, nos culpabilités. Comme vous le voyez, ce roman est court, mais il transporte plein de valeurs et plein de messages. C'est une ode à la vie, à l'amour, à la joie, aux petits bonheurs simples d'une journée qui font les grands bonheurs d'une vie. Je n'oublierai pas Ruta de sitôt. J'ai beaucoup aimé découvrir la plume de l'autrice, c'est un premier roman très réussi. Je vous le recommande vivement. Je suis sûre que vous passerez un bon moment en compagnie de Ruta. Laissez vous emporter par le rythme de l'eau, par le son de ses gouttes, par son cheminement. Moi, y a rien qui m'apaise le plus que le son de l'eau qui coule dans une rivière, c'est pour moi un endroit très reposant où je m'endors facilement. Ce roman a eu cet effet sur moi, reposant, et j'en ressors émerveillée.
Je remercie Laura Vinogradova pour cette très belle histoire, la traductrice, Louise de Brisson, pour ce bon moment de lecture. Et je remercie enfin les éditions Bleu et Jaune de me permettre de découvrir et de lire de nouveaux auteurs européens.
L'Issue fatale des blessures d'athlétisme - Milica Vučković - n°11 "Fiction Europe"
L'Issue fatale des blessures d'athlétisme - Prix Vital du meilleur roman en langue serbe 2021 - est publié en France, par Les Éditions Bleu et Jaune. Traduit du serbe par Chloé Billon.
https://www.editionsbleuetjaune.fr/livres/la-riviere-laura-vinogradova/