Indocile de Marie Danielle Koechlin
Publié aux Ateliers Henry Dougier
Résumé :
Fin des années 1950, Gabrielle a vingt-trois ans.
Elle se rêve en femme libre et refuse tout ce qui pourrait entraver sa liberté. Mais lorsqu'elle tombe amoureuse, le mariage et la maternité s'imposent à elle comme une injonction sociale.
Vingt ans plus tard, elle révèle à sa fille son rejet pour ce rôle exigé, et pour son enfant dont la vitalité et l'insolence l'irritaient constamment.
À travers le parcours d'une femme souveraine, Marie Danielle Koechlin pose la question du désir d'être mère et dénonce la pression sociale faite aux femmes quant il s'agit de maternité.
Un sujet toujours brûlant d'actualité.
À propos de l'autrice :
Marie Danielle Koechlin, dite MDK, est une artiste française d'origine suisse. Elle obtient une licence en lettres à l'université de Genève, suivie d'un diplôme en sculpture à l'École des beaux-arts. Depuis 1995 elle vit à Paris et elle expose régulièrement ses œuvres en art visuel dans diverses galeries à Paris, en Suisse et en d'autres lieux en Europe ainsi qu'avec les Artistes à la Bastille et les Artistes de Belleville.
Mon Avis :
Lorsque j'ai vu ce livre la première fois, j'ai tout de suite été intéressée par le sujet. Je me demandais ce qu'il se cachait derrière le titre "Indocile". Indocile, c'est cette femme, Gabrielle, qui écrit une lettre à sa fille Nathalie. Elle va tenter de lui expliquer ce qui fait qu'elle pense avoir été une mauvaise mère pour elle. Pour cela, elle remonte vingt ans en arrière, à la fin des années 1950.
À cette époque, la femme n'était pas celle qu'elle est aujourd'hui. Et pourtant, c'est à partir de ces années là qu'elle va vouloir s'émanciper et retrouver la liberté. Pas de pilule, pas de contraceptifs comme nous connaissons aujourd'hui, la femme était cantonnée à son rôle de future mère, elle se mariait et avait des enfants. Un peu comme les phrases de fin de conte "Ils se marièrent et eurent beaucoup d'enfants". Gabrielle ne l'accepte pas, elle se rêve libre de son corps, de son esprit. Lorsqu'elle tombe amoureuse de Marc, elle va renoncer à cette idée, en acceptant le mariage et en tombant enceinte. Elle vit plutôt bien sa grossesse, elle devient importante aux yeux des autres. Mais lorsque sa fille nait, ce n'est pas ce déferlement d'amour auquel elle pensait. Elle n'arrive pas à s'attacher à son bébé, elle délègue à son mari ou à la grand-mère. Elle ressent parfois quelques sentiments pour sa fille, mais ce n'est pas si inné qu'elle le pensait. En fait, Gabrielle est plutôt du genre à rejeter ce qui lui est imposé. Elle aurait aimé choisir le moment où elle ferait un enfant. Son divorce avec Marc va venir réveiller en elle son désir de liberté et d'individualisme, qui va mettre une barrière supplémentaire à sa relation avec sa fille.
Ce récit est touchant, c'est celui d'une femme qui veut sortir des diktats de la société. Je me suis mise à la place des deux femmes, de la mère et de la fille. La situation de chacune est compliquée. J'imagine comme ça doit être compliqué pour une femme de dire à son enfant qu'il n'a pas été désiré, je trouve Gabrielle très courageuse de vouloir ainsi s'expliquer auprès de sa fille. Elle ne cherche pas d'excuses, elle veut juste faire comprendre ses agissements, ses idées. On est en plein années 68 et 70, avec tout le vent de liberté qui a régné entre les hommes et femmes, la liberté amoureuse, sexuelle, la vie en groupe, en communautarisme. Et je me suis aussi mise à la place de Nathalie, j'ai d'ailleurs à peu près le même âge qu'elle, et je me suis demandée comment elle avait vécu elle, son enfance, comment elle réagirait à la lecture de cette lettre. Elle a vingt-trois ans à ce moment là, elle commence sa vie d'adulte. J'aurais aimé connaitre sa réaction, et en même temps, c'est bien qu'on ne le sache pas.
L'autrice a très bien su retranscrire les sentiments de cette mère qui se met à nu devant sa fille. C'est très bien écrit, le ton est parfois piquant, Gabrielle se livre telle qu'elle est, elle ne met pas de fioritures dans ses phrases. L'autrice a très bien su se mettre à sa place et parler en son nom. Je me suis demandée en lisant si elle avait également mis un peu d'elle dans son personnage féminin. En tout cas, tout ce qui est dit est plus vrai que nature. En tant que lectrice, c'est parfois déstabilisant. Je n'ai pas tout le temps été du même avis que la narratrice, et en même temps je la comprenais. C'est très étrange.
Je me suis attachée à Gabrielle, il faut dire aussi que la narration à la première personne aide à se confondre avec le personnage et à savoir ce qu'il se passe dans sa tête. Moi qui ai perdu ma maman récemment, je me dis que j'aurais aimé qu'elle m'écrive une telle lettre, afin qu'elle puisse lever certaines zones d'ombre qu'elle a emmenées avec elle. On devrait tous laisser une lettre à nos enfants pour qu'ils comprennent mieux ce qui a fait de nous leurs parents.
Ce livre pousse à une réelle réflexion. Pour cela, il est très intéressant. Il n'est pas très long, il se lit facilement et rapidement. Mais il est dense en même temps et laisse une trace une fois lu. Je suis vraiment très contente d'avoir découvert et lu ce livre, j'aime les récits qui font réfléchir et qui me poussent dans mes retranchements. J'ai pensé à ma mère en lisant, et j'ai également pensé à mes filles. Je pense qu'il touche chacun de nous, et c'est pour cela que je vous le recommande.
Il ne me reste plus qu'à remercier Marie Danielle Koechlin pour ce moment de lecture dense et intense. Un grand merci également à Sabine des Ateliers Henry Dougier pour ce service presse.