Fracture(s) de Lidwine Van Lancker
Publié aux éditions Livres Agités
Résumé :
Quelque part, n’importe où. Une ville, coincée entre une forêt et des champs, enserrée par un périphérique. Un quartier populaire, composé de hauts immeubles, lointain appendice d’un centre-ville qui les surplombe. Entre les deux, la révolte gronde. La drogue y tue. Arthur a quinze ans, il étouffe. Il n’a que sa mère et son amour dévorant comme horizon. Pour exister, il s’invente une autre vie. Une vie où il prendrait la place de son meilleur ami, Côme, fils de l’employeur de sa mère. Une vie où il vivrait une histoire d’amour avec Chloé. Une vie où il pourrait s’offrir tout ce qu’il désire. Une vie où tout serait facile.
Fracture(s) raconte l’histoire d’une amitié toxique entre adolescents, d’une emprise qui fera déraper le jeune Arthur, chevalier errant d’un monde qui le terrifie. Un drame social qui vire malgré lui au drame. Un livre qui respire la vie et ce n’est pas si courant.
À propos de l'autrice :
Lidwine Van Lancker vit dans le sud de la France, à Marseille. Après des études d’urbanisme, elle a travaillé entre autres dans le logement social et a été correspondante à La Provence.
Très grande lectrice, ses autrices et auteurs préférés sont Virginia Woolf, Colette, Dostoïevski et Bret Easton Ellis. Elle est convaincue que dans chaque être humain (peut-être chaque animal aussi) se côtoie le plus noir et le plus lumineux. Comme un courant alternatif.
Fracture(s), publié par Livres Agités, est son premier roman.
Mon Avis :
Le titre avec son s entre parenthèses m'a tout de suite intriguée, le résumé a renforcé ce sentiment. Ce livre porte très bien son titre, fracture entre les personnages, fracture entre les classes sociales, les fractures de la vie, amoureuses, amicales. C'est un premier roman pour l'autrice et c'est une réussite totale. Je ressors conquise par cette lecture.
L'histoire commence très fort, puisqu'au premier chapitre, le personnage principal, Arthur, se trouve dans une pièce où il y a beaucoup de sang, un corps, Vincent, gît par terre, on sent qu'Arthur ne le portait pas dans son cœur. On ne sait pas si il a quelque chose à voir avec cette mort, mais on sent l'angoisse qui règne. On se retrouve ensuite quelques mois plus tôt où on retrouve Arthur. C'est un adolescent de 15 ans, qui vit dans une banlieue avec sa mère Sabine qui l'élève seule. Leur milieu modeste indispose Sabine qui a toujours cherché à s'en sortir. Elle a inscrit Arthur dans un collège privé pour lui donner plus de chance de réussite. Mais difficile pour lui de faire oublier ses origines modestes, elles sont comme une glue sur lui, il ressent une odeur de dégoût de cette pauvreté. Au collège, Arthur n'a pas d'amis, le seul qui le fascine, c'est Côme. C'est le fils du directeur de la clinique où travaille Sabine. Côme a tout ce qu'Arthur n'a pas, une vie familiale avec des parents et une sœur, des vacances au ski, une belle villa, de l'argent. Arthur essaie de s'identifier à Côme, à faire comme lui, croyant que la vie de son ami est une vie de rêve. Mais il ne faut pas se fier aux apparences, et Arthur l'apprendra à ses dépens.
Comme je le disais au début, cette histoire raconte plusieurs fractures. Celle sociale, avec deux jeunes aux classes opposées. L'argent qui coule à flot pour Côme, entraînant au moment de l'adolescence des déviances vers l'alcool et la drogue. Arthur, lui, sait comme la vie peut être dure, des grèves sont menées, il se rend sur les barrages où il se lie avec des manifestants, et le soir il retrouve Côme et sa jeunesse dorée. Le fossé est énorme entre ces deux jeunes. Surtout qu'Arthur cache sa situation, comme une honte. J'ai beaucoup aimé la façon dont l'autrice plonge le lecteur dans ces deux positions, très réelles.
C'est aussi une histoire d'amitié entre des jeunes. Une amitié un peu faussée et unilatérale. Cette amitié se transforme peu à peu en jalousie. En tant que lectrice, je voyais Arthur essayer de tout faire pour attirer l'attention de Côme tout en sachant qu'il allait droit dans le mur et que l'autre n'en avait rien à faire de lui. Arthur va aller très loin pour attirer l'attention de Côme. Il m'a bien souvent fait de la peine.
Il n'y a pas d'histoire d'amour d'adolescents dans ce livre, ce serait plutôt l'amour qui relie une mère à son enfant. Pareil, l'autrice montre la différence de l'amour filial selon la situation sociale. Sabine fait tout pour s'en sortir, pour que son fils soit le mieux possible. Par rapport aux parents de Côme qui ne font pas attention à leurs enfants.
À chaque fois, pour chaque chose, on se rend compte du fossé qui existe entre les deux mondes. L'autrice montre tout cela très bien, sans jugement, et avec beaucoup de réalisme. Il n'y a pas de lieu de défini, pas de nom de ville ou de rue, les endroits de ce livre pourraient ressembler à n'importe quels autres. Chaque lecteur pourra se représenter les lieux selon ses propres souvenirs. J'ai trouvé cela très bien fait de la part de l'autrice.
Le tout porté par une très belle plume, j'ai beaucoup aimé le style de l'autrice, percutant, une très belle sensibilité, même si le sujet est dur. Elle a su instaurer un suspense, dès le début on sait que l'on va arriver à ce premier chapitre sanglant, ce qui rend l'atmosphère pesante. Cependant, l'autrice a réussi à me surprendre, tout ne s'est pas déroulé comme je pouvais le penser au premier abord. Et j'ai aimé être ainsi bousculée dans ma lecture, j'ai cherché des responsables, des coupables, je voulais savoir. Ce qui rendait la lecture très addictive, je n'avais pas envie de lâcher mon livre avant de connaître les raisons de ce suspense.
La lecture s'est ainsi faite très facilement, avec beaucoup de fluidité, et d'addiction. Je me suis attachée à Arthur et j'avais vraiment envie de le protéger et qu'il s'en sorte le mieux possible. La fin m'a surprise, dans le bon sens du terme, je ne m'attendais pas à aller vers ce final. C'est un premier roman très réussi, j'ai beaucoup aimé ce roman et son autrice. Je la lirai à nouveau avec grand plaisir.
Je ne peux que vous recommander la lecture de ce livre. La maison d'édition a l'art pour trouver de très bonnes primo-romancières, je pense à "Mon petit" de Nadège Erika qui fut une autre très belle surprise. Je suis conquise par ce.roman de Lidwine Van Lancker, je crois que je n'oublierai pas de sitôt ces personnages et leur histoire.
Il ne me reste plus qu'à remercier Lidwine Van Lancker pour ce très bon moment passé en sa compagnie et celle de ses personnages. Et un grand merci également aux éditions Livres Agités pour leur confiance renouvelée en mon blog.