Ouvriers, artisans du beau selon Caillebotte de Dominique Auzel

Publié aux ateliers Henry Dougier 

Résumé :

Paris, un matin de 1875. Trois ouvriers, torses nus, sont en plein travail. Dans un appartement, outils en main, ils s'affairent à redonner vie au parquet du salon du propriétaire des lieux. Lui, c'est le peintre Gustave Caillebotte. Il a compris qu'il tient là le sujet de sa prochaine toile.
Le tableau des Raboteurs de parquet sera présenté lors du Salon officiel et refusé par le jury, choqué par la "vulgarité" du sujet. Ce tableau pourtant si réaliste et résolument tournée vers la modernité, illustre et rassemble les plus grandes qualités des peintres impressionnistes, dont Caillebotte sera également l'ami fidèle et généreux.
Les Raboteurs de parquet reste l'une des oeuvres les plus célèbres de Gustave Caillebotte, immense artiste du XIXe siècle. Et c'est dans ce tableau - simple en apparence mais riche et lumineux - que l'artiste livre certainement une grande partie de lui-même. 

À propos de l'auteur :

Dominique Auzel travaille dans l'édition. Il est l'auteur de nombreux ouvrages sur l'histoire et l'esthétique du cinéma.

Mon Avis :

Quel plaisir de lire un livre de la collection "Le roman d'un chef-d'œuvre" des ateliers Henry Dougier. C'est une collection que j'aime beaucoup et qui m'a permis de faire de très belles découvertes sur des artistes connus et d'autres que je ne connaissais pas, comme c'est le cas ici. Ces livres mêlent très intimement la fiction à la réalité, chaque auteur raconte l'histoire d'un tableau célèbre ou d'une sculpture, en donnant la parole à l'artiste lui même, à un membre de sa famille, ou à un personnage de son oeuvre. Ce sont à chaque fois des lectures très enrichissantes, les auteurs abordent les sujets avec beaucoup de simplicité, ils mettent à la portée de tous des artistes en racontant leur vie et leurs réalisations. J'apprends beaucoup à chaque fois, j'ai pu ainsi découvrir ou redécouvrir des artistes comme Monet, Van Gogh, Frida Kahlo, Utrillo, Antonio Seguí, etc...

Dans ce livre, j'ai découvert Gustave Caillebotte, dont je n'avais jamais entendu parler avant, et c'est la magie de cette collection, découvrir de beaux artistes. Avant de commencer ma lecture, je suis allée voir sur le net des renseignements sur ce peintre et regarder un peu ses oeuvres, et je me suis rendue compte qu'il aimait peindre des scènes de la vie courante, c'est ce qui est d'ailleurs mentionné dans le livre par rapport à ce tableau, les "Raboteurs de parquet". Il s'agit de la représentation de trois hommes qui restaurent le parquet de l'appartement de l'artiste. C'est une observation de sa part, une tranche de vie. Trois hommes, un qui tient un rabot à main, et deux autres un racloir. On voit des outils également, le marteau, la pince, des copeaux de bois. On distingue également à droite une bouteille de vin avec un verre, sûrement apportée par la servante de l'artiste. La perspective de la pièce est aussi très belle, on imagine que l'artiste est debout, avec une vue en plongée, avec au fond les détails des murs de ces immeubles Haussmanniens du Paris de 1875. 

Au début du livre, l'auteur a fait parler un des ouvriers et l'artiste lui-même au travers d'un échange de lettre, chacun remerciant l'autre. L'artiste explique avoir dessiné un croquis pendant le travail des ouvriers et avoir ensuite affiné son travail dans son atelier. Ce qui est facilement imaginable. Caillebotte a voulu montrer des ouvriers travaillant de leur métier manuel, pas des ouvriers de l'industrie. Montrer la pénibilité du travail, la beauté du geste, sans misérabilisme ou préjugés. Je trouve ce tableau vraiment très beau et très intéressant. Et plus je le regarde et plus je trouve des petits détails amusants. On arrive même à discerner les parties du parquet qui sont déjà poncées et celles encore cirées. Les détails sont aussi nombreux sur les personnages. On devine la pénibilité du travail, la musculature des ouvriers, on pourrait même voir la sueur, jusqu'à ce petit détail tellement impressionnant qu'est l'alliance de l'ouvrier du milieu, on voit la brillance de l'anneau. 

En plus de détailler ce tableau, j'ai appris grâce à ce livre, plein de renseignements sur l'artiste. Ce tableau a été refusé par un jury lors d'un salon car jugé trop vulgaire, et pas parce qu'il y a des hommes torse nu, non, parce qu'à cette époque,  c'était indigne de représenter le travail ouvrier, et encore plus de l'exposer. C'est assez hallucinant. Dans le reste du livre, plusieurs personnages vont prendre la parole successivement pour parler à ou de Caillebotte. Ses amis peintres avec lesquels il s'est lié, Claude Degas, Claude Monet, ou encore Millet, qui forment avec lui les impressionnistes. Sa compagne, Charlotte, prend aussi la parole pour parler de lui, son frère également avec qui il est très lié. Même des personnes qui ne sont pas de la même époque que le peintre prendront la parole, comme cet étudiant toulousain qui vient à Paris un siècle plus tard pour voir les toiles de l'artiste. Il est fait mention d'autres toiles de ce peintre qui a tout de même été productif je trouve, surtout qu'il est mort jeune, à 45 ans. 

Je suis allée souvent voir sur le net les autres oeuvres dont il était question dans le livre. J'ai beaucoup aimé le tableau "Les roses, jardin du Petit-Gennevilliers" où sa compagne Charlotte est représentée ainsi que son petit chien. J'ai appris plein de choses intéressantes sur cet homme, sur sa vie et à travers lui, la vie de cette époque, les critiques des autres sur ses oeuvres. À la fin du livre, il y a une partie que je trouve très intéressante, "Regards croisés" où des extraits de textes consacrés à Caillebotte par d'autres auteurs anciens comme contemporains sont présentés. Cela permet de se rendre compte de l'importance de ce peintre, j'ai par exemple été surprise de voir ce que Zola dit, pour se contredire un an après. Il y a aussi des extraits de lettres de Caillebotte à ses amis, ainsi que son testament et ses codicilles. Ils sont importants pour mieux comprendre la vie du peintre. 

Le tout est très bien écrit. Le livre se lit tout seul. C'est un petit format, d'une centaine de pages, la lecture est dense, même si je l'ai lu sur un après midi. J'allais en même temps fouiller sur le net, pour avoir les images que détaillaient l'auteur. J'ai beaucoup aimé son style. Il raconte tout cela avec beaucoup de simplicité, sans être rébarbatif. C'est aussi un autre point que j'aime dans cette collection, chaque auteur rend l'art accessible à tout le monde, en romançant un peu le tout. Je trouve ce point important. D'ailleurs, Gustave Caillebotte va être mis à l'honneur en octobre à Paris, au Musée d'Orsay, où seront exposées ses oeuvres pour le 130ème anniversaire de sa mort. Je ne pourrais y aller, mais si certains qui lisent cette chronique le peuvent, n'hésitez pas à la visiter. 

J'ai tout aimé dans ce livre, le style de l'auteur, sa façon de raconter la vie de cet artiste. Il a dû faire un travail impressionnant en amont pour rendre un récit si précis. Il donne à la fin la liste de ses sources qui peuvent aussi être inspirantes pour nous afin d'en apprendre encore plus sur ce peintre. Le livre est à nouveau un très bel objet, avec des rabats intérieurs au début et à la fin reprenant la toile, avec une mise en lumière de détails plus précis. 

Je ressors ravie de cette lecture, et surtout plus riche de tout ce que j'ai appris sur Gustave Caillebotte grâce à l'auteur. Je ne peux que vous recommander ce livre ou cette collection afin d'enrichir vos connaissances, ou d'avoir simplement envie d'en apprendre plus sur la vie d'alors. De mon côté, je vais continuer à lire les livres et les auteurs de cette collection, il y a encore tellement d'oeuvres à voir...

Il ne me reste plus qu'à remercier Dominique Auzel pour ce très bon moment passé en sa compagnie et celle de Gustave Caillebotte. Et un grand merci à Sabine des Ateliers Henry Dougier pour sa confiance renouvelée en mon blog. 

Ouvriers, artisans du beau

Florence, 1450. Fra Angelico, vieux dominicain, peintre de la lumière et de l'indicible, est de passage au couvent San Marco, dont il a créé les fresques. Au hasard d'une promenade, il tombe sur un

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