À l'ombre de la peste et de la guerre selon Georges de La Tour de Sophie Doudet
Publié aux Ateliers Henry Dougier
Résumé :
Deux hommes et une femme disputent une partie de cartes pendant qu'une servante leur sert du vin. Trois complices qui pipent un benêt. Un roué et deux courtisanes qui plument un jeune bourgeois. Des loups sur le point de dévorer un agneau. As, sept et six de carreau : la main gagnante rafle les pièces d'or. C'est le jeu de la prime et de la vie : une vaste duperie. Tel est le sujet pittoresque du Tricheur à l'as de carreau.
Mais que signifient ces regards complices et cet énigmatique ballet de mains ? Quel drame se noue entre les quatre personnages du tableau de Georges de La Tour ? Qui sont-ils ? Ou plutôt, qui pourraient ils être ? Car on sait très peu de choses sur l'œuvre et la vie de l'artiste qui, célébré de son vivant, fut oublié pendant plus de 250 ans avant d'être ressuscité par les historiens de l'art au début du XXe siècle. Pour faire parler la toile silencieuse et éclairer ses mystères, il faudra par conséquent chercher la vérité du côté du rêve.
À propos de l'autrice :
Sophie Doudet est maître de conférences en littérature française et enseigne la culture générale et l’histoire des arts à l’Institut d’études politiques d’Aix-en-Provence. Elle est l’auteure de biographies consacrées à Churchill, Malraux, Camus et Mme de Staël, ainsi que de romans historiques destinés à la jeunesse.
Mon Avis :
Je viens de terminer le second livre de la rentrée littéraire des Ateliers Henry Dougier dans leur très belle collection "Le Roman d'un chef-d'oeuvre". C’est une collection que j’affectionne particulièrement, chaque auteur va raconter l’histoire d’un tableau célèbre, il va mêler ainsi récit romanesque et enquête historique. Et c’est vraiment bien fait. Le livre en tant qu’objet est déjà très beau, la toile dont il va être question est reproduite sur les rabats, ce qui permet de bien la voir et d’étudier chaque détail. Même si je suis novice en art, j’aime regarder les toiles, voir ce qu’elles racontent, leurs petits détails qui font leur particularité. Dans cette collection, j’ai déjà eu le plaisir de découvrir des oeuvres de Van Gogh, Monet, Antonio Segui et bien d'autres encore. Et cela peut être des auteurs connus comme inconnus pour moi, c'est très enrichissant.
Comme souvent avec ces livres, je ne connaissais pas Georges de La Tour avant d'avoir ce livre entre les mains. C'est un peintre né à la fin du 16ème siècle et ayant vécu au 17ème. c'est sa toile, le "Tricheur à l'as de carreau" qui est ici mise en avant. On sait malheureusement peu de choses sur cet artiste, il n'est connu des historiens d'art que depuis le début du 20ème siècle. Il fut pourtant un des peintres que le roi Louis 18 aimait, mais il tomba vite dans l'oubli après sa mort. En plus, il ne signait pas toujours ses toiles, ce qui fait que certaines ont été attribuées à d'autres artistes. Sophie Doudet a dû donc s'appuyer sur d'autres récits de cette époque, en Lorraine où vivait le peintre, pour pouvoir créer l'histoire de ce tableau. Il n'y a pas de représentation de La Tour, on ne sait même pas à quoi il ressemble. D'ailleurs, l'autrice explique tout cela très bien dans un prologue très original où elle s'entretient avec Henry Dougier et lui explique les difficultés qu'elle rencontre pour écrire sur le peintre et sur son oeuvre. Franchement, je trouve qu'elle s'en est très bien sortie, l'histoire qu'elle nous présente semble très réelle et avoir vraiment existé.
Elle a eu ainsi la très bonne idée de donner la parole à la servante de La Tour, Anne. On est le soir, son maitre, Georges de La Tour, vient de mourir, victime de la peste. Celle-ci fait des ravages en cet hiver 1652, elle a déjà emportée Diane, la femme de Georges. Anne se remémore ses souvenirs avec ce couple et leur enfant, Etienne. Le jeune apprenti va avec elle veiller le mort, et pendant cette nuit, Anne va raconter au jeune garçon sa vie dans cette famille et surtout, l'histoire du tableau du Tricheur à l'as de carreau. Anne va raconter que le peintre a représenté sur cette toile sa femme, Anne elle-même, son neveu, et le personnage qui se retourne et a une carte cachée dans son dos, c'est lui-même. Il s'agissait d'une mise en scène un peu théâtrale. On peut voir les regards qui se croisent, la dame assise qui regarde sur sa droite, la servante qui regarde le jeune homme, celui-ci regarde ses cartes. Quand on détaille bien cette toile, on se rend compte de tous les éléments qu'elle comporte, la richesse des tissus, les bijoux, les gestes des mains, les regards. Tout est vraiment très intriguant dans ce dessin. Anne va aussi raconter les déboires de la famille, lorsque la peste viendra semer le trouble dans la famille. Puis le feu, qui en 1638 incendie et détruit Lunéville où est installé le peintre, et ainsi son atelier. Ce qui, d'ailleurs, pourrait expliquer qu'il reste très peu de choses sur cet artiste.
J'ai beaucoup aimé suivre la vie de cette famille, au travers du regard de ce personnage féminin. J'ai appris plein de choses très intéressantes sur la vie d'alors, loin d'être facile, sur les ravages de la maladie. L'autrice a dû mener un travail très important en amont pour arriver ainsi à être au plus près de la vie de cette époque. À la fin du livre, il y a une partie toujours très intéressante à lire, "Regards croisés", où sont présentés des extraits de textes d'auteurs au sujet de La Tour. On en apprend ainsi un peu plus sur le contexte historique, sur la découverte de ses toiles, sur l'attribution d'une de ses oeuvres à un autre artiste. Les repères chronologiques permettent en plus de tout bien repositionner dans le temps. C'est un livre très complet.
J'ai passé un très bon moment avec ce livre. Comme à chaque fois, je faisais des recherches sur le net lorsque l'autrice parlait d'une autre toile, c'est une lecture très variée et riche. Ce livre se lit très facilement, comme une histoire romancée. Ce n'est pas rébarbatif du tout, et c'est aussi pour cela que j'aime cette collection, l'autrice met l'art à la portée de tous. Cela m'a donné envie de continuer à découvrir cet artiste. La lecture est dense et très addictive, le petit format, un peu moins d'une centaine de pages, fait que le livre se lit sur un après-midi. Il est en plus très beau en tant qu'objet avec les rabats où sont représentés des détails du tableau. J'aime vraiment beaucoup les livres de cette collection et je ne peux que vous encourager à les découvrir.
J'ai beaucoup aimé le style de l'autrice, beaucoup de fluidité, et je la lirai à nouveau avec grand plaisir. Je ressors ravie de cette lecture, et surtout plus riche de tout ce que j'ai appris sur Georges de La Tour grâce à l'autrice. Pour ma part, je vais continue à lire les livres de cette collection, il y a encore tellement de belles oeuvres à découvrir...
Il ne me reste plus qu'à remercier Sophie Daudet pour ce très bon moment passé en sa compagnie et celle de Georges de La Tour. Et un grand merci à Sabine des Ateliers Henry Dougier pour sa confiance renouvelée en mon blog.
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