Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Marie-Nel lit

Une femme de Annie Ernaux

13 Janvier 2024 , Rédigé par Marie Nel

Une femme de Annie Ernaux

Publié aux éditions Gallimard ou Folio

 

 

Résumé :

 

Annie Ernaux s'efforce ici de retrouver les différents visages et la vie de sa mère, morte le 7 avril 1986, au terme d'une maladie qui avait détruit sa mémoire et son intégrité intellectuelle et physique. Elle, si active, si ouverte au monde. Quête de l'existence d'une femme, ouvrière, puis commerçante anxieuse de " tenir son rang " et d'apprendre. Mise au jour, aussi, de l'évolution et de l'ambivalence des sentiments d'une fille pour sa mère : amour, haine, tendresse, culpabilité, et, pour finir, attachement viscéral à la vieille femme diminuée. " Je n'entendrai plus sa voix... J'ai perdu le dernier lien avec le monde dont je suis issue. "

 

 

À propos de l'autrice :

 

Annie Ernaux est née en 1940 à Lillebonne, en Normandie, où elle a passé toute sa jeunesse. Ses parents, petits commerçants, tenaient un café-épicerie. Elle a fait des études supérieures à Rouen, Bordeaux, Grenoble. Elle a enseigné en Haute-Savoie, en région parisienne et au Centre National d’enseignement à distance. Elle a publié son premier roman en 1974, Les armoires vides, et obtenu le prix Renaudot pour La Place en 1984. Son livre, Les années en 2008 a été plébiscité par la critique et les lecteurs. Tous ses livres sont chez Gallimard à l’exception de L’autre fille (Nil, 2011) et de L’atelier noir (Les Busclats, 2011).

 

 

Mon Avis :

 

Je n'ai entendu parler de Annie Ernaux que lors de son obtention du Prix Nobel de Littérature. Honte à moi, je ne l'avais jamais lue. Je voulais donc réparer cette erreur. Et grâce à un contact sur Instagram qui a organisé une lecture commune autour de cette autrice, je me suis dit que c'était le bon moment de découvrir Annie Ernaux. 

J'ai commencé avec ce roman-ci parce qu'il était court, et parce que le resumé a tout de suite résonné en moi. Annie Ernaux retrace la vie de sa mère qui est décédée en avril 1986. Le récit commence comme cela. Cela a tout de suite été émouvant pour moi car j'ai perdu ma maman il y a un an. Et j'ai beaucoup de similitudes avec l'autrice, ma maman est décédée aussi à l'hôpital, et tout comme elle, elle avait la maladie d'Alzheimer, moins atteinte que celle de l'autrice car elle avait aussi un cancer qui a évolué plus vite que l'autre maladie. Le début du livre est très émouvant, l'autrice nous parle des jours qui suivent le décès, la préparation des obsèques, l'enterrement en lui-même. Ensuite, l'autrice nous parle de sa mère, elle retrace sa vie, de ce qu'elle sait au début et de ce qu'elle découvre sur elle aussi. Sa mère est née en Normandie d'un père ouvrier de ferme et d'une mère tisserande. Elle est la quatrième sur les six enfants du couple. Lorsqu'elle se marie, elle ouvre un café-épicerie où elle essaie de s'élever socialement. Le couple n'aura qu'une fille (autre point commun avec l'autrice). Sa mère n'aura de cesse de vouloir que sa fille fasse des études, pour qu'elle évolue autrement. En plus, nous sommes dans les années après guerre, avec la révolution de la place de la femme dans le foyer, sa libération. Et puis, petit à petit, elle vieillit et son état de santé se dégrade. L'autrice se rend compte des problèmes de mémoire et décide de la prendre chez elle. 

Je ne vais pas en dire plus. Je vous laisse découvrir plus en détail la vie de cette femme et de sa relation avec sa fille. Car notre mère a toujours une influence sur notre vie de femme. Soit on la prend en exemple, soit on ne veut pas faire comme elle, mais quand on réfléchit bien, on se réfère souvent à nos parents. Ce roman est le récit d'une fille sur sa mère, mais aussi le récit d'une femme du vingtième siècle, qui a connu la guerre, la pauvreté, et qui essaie de se sortir de sa situation, qui mène une vie d'épouse, de femme et de mère. Annie Ernaux en parle avec beaucoup de pudeur. Lorsqu'elle raconte la vie de femme de sa mère, elle arrive à garder une certaine distance avec elle. Cela peut même donner quelquefois une impression de froideur. Je pense que c'est surtout une façon pour l'autrice de se protéger, de ne pas se prendre toutes les émotions. 

J'ai beaucoup aimé ce livre. Je ne sais pas si j'arriverais un jour à parler de ma maman comme elle le fait. Elle a réussi à observer et à analyser la vie de sa mère, à comprendre les réactions qu'elle a pu avoir. Et c'est vrai qu'on ne connait pas toujours tout de nos parents. On le découvre parfois seulement à leur mort, en retrouvant de vieux papiers, de vieilles photos. Parfois ils se confient de leur vivant, mais les personnes de cette époque avaient une pudeur telle qu'elles préféraient ne rien dévoiler. On voit une évolution dans le regard de l'autrice, de l'enfance, elle passe à l'adulte qu'elle est devenue. 

Je me suis énormément retrouvée en Annie Ernaux. J'ai remarqué, comme elle, que lorsque notre mère vieillit, elle redevient une enfant et c'est nous, enfants, qui devenons sa mère. C'est très troublant comme sentiment. Je pensais au début, que j'aurais beaucoup de mal à lire ce récit, à cause de mon propre vécu, et en fait, cela m'a fait beaucoup de bien, cela m'a permis de rendre un certain hommage à ma maman en pensant à elle. Je suis très contente d'avoir découvert Annie Ernaux, sa plume concise, sa sensibilité et en même temps son analyse. J'ai beaucoup aimé son style. Le livre se lit très vite, sur une soirée. C'est vrai qu'il est court, mais en même temps il n'y a rien à ajouter, tout est dit, l'autrice a fait le tour, et en rajouter plus aurait été trop redondant. Il est très prenant aussi, j'avais envie de connaître l'autrice et sa mère, j'ai été prise dans leurs vies à toutes deux. Je me suis retrouvée à la fin, et je n'avais pas envie de les quitter. 

Je suis très contente d'avoir découvert Annie Ernaux, et je la lirai à nouveau très sûrement. D'ailleurs, elle ne parle pas de son père dans ce livre car elle a écrit un livre sur lui, "La place", que je me suis procuré par la suite. Lui aussi, est petit en nombre de pages, et, après avoir lu les premières pages, je pense qu'il va être aussi très fort. Bien sûr, je lirai d'autres romans, elle a écrit sur le féminisme. En tout cas, elle mérite son prix,. J'ai toujours un peu peur de lire des primés, surtout en littérature. Peur que ce soit illisible ou trop compliqué. Mais bien au contraire, le style d'Annie Ernaux est très accessible, ce livre peut être lu par tous. 

Pour toutes ces raisons, je vous recommande vivement ce roman. Et je remercie Typhaine de m'avoir fait découvrir Annie Ernaux. 

Je n'entendrai plus sa voix, C'est elle, et ses paroles, ses mains, ses gestes, sa manière de rire et de marcher, qui unissaient la femme que je suis à l'enfant que j'ai été. J'ai perdu le dernier lien avec le monde dont je suis issu

Ceci n'est pas une biographie, ni un roman naturellement, peut-être quelque chose entre la littérature, la sociologie et l'histoire. Il fallait que ma mère, née dans un milieu dominé, dont elle a voulu sortir, devienne histoire, pour que je me sente moins seule et factice dans le monde dominant des mots et des idées où, selon son désir, je suis passée.

Je vais continuer d'écrire sur ma mère. Elle est la seule femme qui ait vraiment compté pour moi et elle était démente depuis deux ans. Peut-être ferais-je mieux d'attendre que sa maladie et sa mort soient fondues dans le cours passé de ma vie, comme le sont d'autres événements, la mort de mon père ...

Une fois, je suis descendu à la cave, la valise de ma mère était là, avec son porte-monnaie, un sac d'été, des foulards à l'intérieur. Je suis restée prostrée devant la valise béante. C'est au-dehors, en ville, que j'étais le plus mal. Je roulais, et brutalement : « elle ne sera plus jamais nulle part dans le monde. » Je ne comprenais plus la façon habituelle de se comporter des gens, leur attention minutieuse à la boucherie pour choisir tel ou tel morceau de viande, me causait de l'horreur.

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article