L'homme du café Kranzler de Michel Goujon
Publié chez City Editions
Résumé :
Andreas, un brillant journaliste sportif, et Magdalena, son épouse, sont pris dans la tourmente de l'histoire. L'Allemagne de 1936. Celle des Jeux olympiques, mais aussi, des lois raciales, de la mise au pas du pays, de l'intensification de la traque des opposants. Au sein du couple, la révolution nationale a fait son travail de sape : le lien qui unissait Andreas et Magdalena n'est plus qu'un fil ténu auquel sont accrochés, comme des oripeaux, les souvenirs nostalgiques. Leurs divergences de vues sur l'Umbruch, le « grand bouleversement », se sont ajoutées à la stérilité de leur union qui est une immense douleur. Les deux trentenaires sont surveillés depuis des mois, à leur insu, par les sbires du pouvoir. L'étau se resserre. On va leur tendre un piège... diabolique. Andreas, en accord avec sa conscience, ira vers la lumière. Magdalena, elle, s'enfoncera dans les ténèbres du national-socialisme, torturée par ses doutes, ses contradictions, mais portée par son idolâtrie du Fuhrer.
À propos de l'auteur :
Michel Goujon, peintre et écrivain, publie avec L'homme du café Kranzler son huitième ouvrage. Un roman tout en finesse psychologique qui a l'efficacité d'un thriller. Admiratif de Dostoïevski, Thomas Mann et Colette, il a longtemps travaillé dans l'édition, notamment au sein d'un grand groupe allemand à vocation internationale.
Mon Avis :
Ce livre m'a tout de suite intriguée dès que je l'ai vu, par son titre que je trouvais très énigmatique. Je ne connaissais pas du tout Michel Goujon, alors que c'est tout de même le huitième livre qu'il publie. En feuilletant le livre, je me suis arrêtée sur la note de l'auteur à la fin, où il dit qu'il avait tout d'abord écrit une Novella intitulée La désobéissance d'Andreas Kuppler, qui fut la genèse de ce roman ci. Présenté par la maison d'édition comme un roman psychologique à l'efficacité d'un thriller, il avait déjà tout pour m'intéresser.
J'ai donc fait la connaissance d'un couple, les Kuppler. Nous sommes en 1936, dans l'Allemagne d'entre deux guerres, avec la montée du nazisme au pouvoir. C'est aussi l'année des Jeux Olympiques d'hiver. Justement, Andreas Kuppler est journaliste sportif et doit couvrir les épreuves sportives des Jeux pour son journal. Il est marié à Magdalena, jeune femme au foyer qui n'a qu'un seul rêve, être une parfaite mère au foyer. Malheureusement pour le couple, aucun enfant n'est encore venu égayer le quotidien de cette femme. Une distance se crée petit à petit au sein du couple, Andreas n'est pas souvent présent, accaparé par son travail, et éloigné de sa maison par les Jeux. Les événements politiques creusent encore un peu plus le fossé entre les deux. Andreas ne voit pas d'un très bon œil ce qu'il se passe dans l'Allemagne qu'il a connu plus libre. À cause de son travail, il est obligé d'être proche du parti d'Hitler, de faire le salut nazi, mais il se rend compte de plus en plus qu'il n'épouse pas du tout cette idéologie. Il prépare en secret un livre sur un sportif noir qui gagnera d'ailleurs une médaille olympique. Mais, bien entendu, c'est complètement interdit d'écrire sur une personne étrangère et qui ne répond pas aux critères des Aryens. Pour sa femme, Magdalena, c'est le contraire. Issue d'une famille qui épouse la cause du national-socialisme, elle-même se sent de plus en plus proche des idées du Führer, elle place tous ses espoirs en lui et en ce qu'il représente, persuadée que cela pourra résoudre tous ses problèmes.
Andreas, lui, navigue entre deux eaux. Il ne veut pas montrer qu'il est opposé à Hitler, il sait ce qu'il se passerait alors pour lui. Mais justement, sa passivité alerte la Gestapo, il est demandé à Andreas de prendre position, considéré déjà comme un coupable et un traitre. Comment va-t-il pouvoir s'en sortir, ça je ne le dévoilerai pas. Un énorme piège est en train de se resserrer autour du couple. Et je me suis demandée bien souvent comment ils allaient bien pouvoir s'en sortir. Andreas rencontre des personnes qui vont devenir persona non grata pour les autorités allemandes, mais lui ne le ressent pas comme ça, il se sent proche de leurs idées, et réalise tout ce que l'état allemand est en train de faire. Magdalena rencontre, elle, des personnes complètement opposées, qui la rapproche de plus en plus du pouvoir. Elle ne voit pas les dangers qu'elle encoure, ni le piège qui se referme sur elle et son mari.
Je dois bien avouer que je n'ai pas vu non plus ce qui allait finalement arriver. Je me suis également fait prendre au piège. Au vu de ce qui se passait pour les protagonistes, je me doutais bien que tout n'allait pas finir facilement, mais je n'ai rien vu venir, et me suis faite littéralement surprendre. L'auteur a vraiment bien mené son suspense, qui est vraiment latent et monte en puissance plus on arrive vers la fin du livre. La psychologie des personnages est très bien travaillée, je me suis attachée aux deux, même si je me suis sentie plus proche idéalement à Andreas qu'à Magdalena. Son comportement à elle est compréhensible et elle m'a émue avec son envie d'avoir des enfants et surtout de devenir mère. Son désespoir la conduit à faire d'énormes erreurs, ce n'est pas toujours pardonnable, mais ça se comprend. Son éducation a fait aussi qu'elle a baigné toute petite dans une atmosphère qui ne pouvait que la mener là une fois adulte. C'est vraiment très fort de la part de Michel Goujon d'arriver à trouver des circonstances atténuantes à une personne qui ne les mérite pas tout à fait. Je me suis bien souvent mise à sa place, je n'aurais pas réagi comme elle, mais c'est facile à dire des décennies plus tard.
J'ai souvent tremblé pour Andreas qui n'hésite pas à se mettre en danger. L'auteur a vraiment très bien travaillé cet antagonisme qui existe entre les deux personnages et qui a existé réellement. Quand cet antagonisme arrive au sein d'un couple, c'est très compliqué pour garder son unité. Michel Goujon a su me faire aimer chacun des deux personnages. Au début du livre, je trouvais qu'il donnait souvent la parole à Andreas, petit à petit, Magdalena prend de l'importance dans la narration, et c'est là que j'ai le mieux ressenti l'opposition du couple et les sentiments qui le traversent. La narration est d'ailleurs à la troisième personne, ce que j'ai beaucoup apprécié, car elle m'a permis de garder une certaine distance avec les personnages qui n'était pas négligeable. J'ai surtout pu ainsi mieux analyser leur personnalité, étant à pied d'égalité avec les deux. J'ai vraiment aimé que l'auteur donne la parole à Magdalena aussi, il aurait pu ne le faire que d'après Andreas, cela permet de mieux la comprendre, elle mais aussi ses motivations.
Bien sûr, le plan historique est très bien travaillé. Il apparait comme une toile de fond de l'histoire du couple, il est surtout tout le temps présent. Tout comme cela devait être à cette époque. Michel Goujon a un véritable talent de raconteur, il a su m'emmener dès les premières pages dans son histoire, il a su m'ancrer et à ne pas relâcher mon attention avant la fin. Le livre se passe sur deux jours, le premier est bien plus long que le second, car il sert surtout à poser l'histoire et les personnages dans leur contexte, en revenant sur des moments du passé. J'ai particulièrement apprécié cette construction, qui met le lecteur dans une certaine urgence. L'auteur a dû mener bien des recherches pour rendre un écrit si réaliste et si détaillé. J'ai particulièrement apprécié la fin du livre, où l'auteur, dans un post-scriptum nous raconte sa rencontre avec la libraire de sa ville, lorsqu'il était encore au collège, un jour de rentrée des classes en 1965. Ellen Garstel lui a ainsi fait découvrir l'histoire de l'Allemagne, ayant elle-même connu cette période sombre, vécu la rafle du Vel d'Hiv et les camps de concentration français d'où elle a pu s'échapper. La façon dont Michel Goujon parle de cette femme est très attendrissante, on sent le profond respect qu'il a pour elle. Grâce à elle, il a aussi pu découvrir des auteurs relatant cette période. Après ce post-scriptum, figure une postface, écrite par Edmonde Permingeat, germaniste, qui a traduit ce roman en allemand. Elle brosse un très beau portrait de ce livre, de ce qu'elle a ressenti à la lecture, de comment elle a vécu cette rencontre. Elle écrit la plus belle chronique que l'on puisse lire sur ce roman. J'ai beaucoup aimé ses mots, et ses références à des œuvres de Schubert qui ont piqué ma curiosité à les écouter, et en effet, Le Voyage d'hiver de cet artiste correspond parfaitement à certains moments du livre.
J'aime énormément quand une lecture ne m'apporte pas seulement un divertissement, mais aussi plein de connaissances. J'ai lu beaucoup de livres se passant à cette période, mais rarement du côté allemand, et je trouve très intéressant de voir comment le nazisme était vu par certaines parties de la population, même si bien évidemment, ils avaient très peu de moyens de le manifester, et devaient garder le silence. J'ai trouvé ce roman très instructif, très angoissant aussi. Le final a totalement été inattendu, je ne m'imaginais pas en arriver là, c'est triste, mais compréhensible. J'ai vraiment passé un très bon moment, la lecture s'est faite avec un bon rythme, renforcé par des chapitres courts et une ambiance tendue et angoissante. Ce livre m'a fait découvrir Michel Goujon, que je relirai avec grand plaisir. J'ai beaucoup aimé son style et son écriture.
Je ne peux sincèrement que vous recommander la lecture de ce livre, un récit historique et à la fois plein de suspense sur une période sombre de notre histoire, qu'il ne faut surtout pas oublier.
Il ne me reste plus de mon côté, qu'à remercier Michel Goujon pour ce très bon moment de lecture. Et je remercie également Eric Poupet et City Editions de m'avoir permis de découvrir ce livre grâce à ce service presse.
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Andreas, un brillant journaliste sportif, et Magdalena, son épouse, sont pris dans la tourmente de l'histoire. L'Allemagne de 1936. Celle des Jeux olympiques, mais aussi, des lois raciales, de la ...
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