Je savais que tu m'attendais de Line Dubief

25 Novembre 2023 , Rédigé par Marie Nel

Publié aux éditions Le Geste Noir

Résumé :

40 ans après leur séparation, elle reprend contact avec son premier amour.

Meurtrie par une rupture récente et pour surmonter un douloureux sentiment d'abandon infantile jamais surmonté, elle recherche un absolu dans cette relation amoureuse retrouvée.

Fatalement, sa demande d'amour massive et ses attentes démesurées la mènent inéluctablement à franchir l'irréparable.

Pourtant, tout avait si bien commencé...

À propos de l'autrice :

Line Dubief partage sa vie entre la Franche-Comté et la Charente Maritime. Grande lectrice de polars et désormais auteure à succès, elle nous entraîne dans un drame sociétal avec son 5ème roman « Je savais que tu m'attendais ».

Mon Avis :

Line Dubief est une autrice que je suis depuis ses débuts d'écrivaine, j'ai lu ses deux premiers romans, Meurtre sur Oléron et Meurtre en Franche-Comté, je l'ai rencontrée lors d'un salon du livre proche de chez moi, en Franche-Comté justement. J'avoue être attirée par des histoires se passant dans ma région, cela me permet d'encore mieux visualiser les scènes. Dans ces deux romans, j'avais déjà pu apprécier les talents de conteuse de Line Dubief. Elle met en scène dans ceux-ci le commissaire Eustache, un personnage récurrent qui apparait dans ses quatre romans. Lorsque ce nouveau roman est sorti, et que j'ai lu le résumé, je me suis rendue compte que c'était un one shot et qu'il n'y avait pas le commissaire. J'aime bien lire les enquêtes d'un personnage dans l'ordre d'écriture, je fais ça avec tous les auteurs qui ont ce schéma. Le résumé de ce nouveau roman m'a tout de suite tentée, le titre m'a fait tout de suite penser à une chanson de Gilbert Bécaud que ma maman écoutait beaucoup "Je reviens te chercher/Je savais que tu m'attendais"... Tous les ingrédients étaient donc réunis pour que la lecture soit bonne.

Et je n'ai pas du tout été déçue par cette histoire. On suit une femme de soixante ans, on ne saura jamais son prénom, puisqu'elle est la narratrice. Le livre commence en 1979, la narratrice va au lycée à Besançon, un jeune homme monte régulièrement dans son bus, elle est attirée par lui mais n'ose lui parler. Petit à petit, c'est lui, Lucien, qui va nouer le contact, ils vont vivre une jolie histoire d'amour. Malheureusement, la jalousie de Lucien est excessive et fragilise leur relation, allant jusqu'à la séparation. On se retrouve ensuite 40 ans après, elle a soixante ans, est en train de vivre une séparation douloureuse avec son compagnon depuis 38 ans, elle a un grand fils. Elle vit des moments difficiles, ayant du mal à vivre cette séparation, la ramenant à sa fragilité d'enfance, à l'abandon par son père. Le virage de la soixantaine fait qu'elle fait une sorte de bilan sur sa vie, elle repense alors à son amour d'enfance, Lucien, se demande ce qu'il est devenu. Elle décide alors de le contacter via internet, juste pour lui demander des nouvelles. Lucien répond. Il est marié et père, la routine s'est installée au sein de son couple, il va renouer une relation au début épistolaire, puis physique.

Ne vous fiez pas à ce résumé qui semble parler d'une histoire d'amour simple et banale, avec Line Dubief, rien n'est simple, je me suis fait avoir à plates coutures. Et en même temps je trouvais cela très bizarre venant d'elle, j'avais des doutes et pensais qu'il devait y avoir un piège quelque part. Mais bien sûr, je ne vous dirais pas lequel. Cela crée un suspense sourd et latent, j'étais sur le qui-vive en lisant, me demandant à quel moment on allait basculer vers une histoire plus sombre. Et l'air de rien, cela donne beaucoup de rythme à la lecture, j'avais tellement hâte de savoir ce que l'autrice avait concocté que je ne voulais pas arrêter ma lecture avant de savoir.

Je me suis très vite attachée à la narratrice. J'ai compris et je ressens également certains de ses soucis, je me suis sentie proche d'elle, et j'ai tout à fait compris qu'elle cherche à renouer contact avec son ancien amoureux, la solitude est difficile et pesante à vivre pour certaines personnes. Je ne m'attendais pas à ce qu'elle va vivre dans ce livre. Je ne vais pas trop en dire sur elle pour ne rien spoiler. Même si j'en ai très envie. Tout ce qu'elle vit est compréhensible, sa solitude, son sentiment d'abandon infantile renforcé par celui de son compagnon, Lucien qui est marié et a donc des obligations, elle supporte mal son statut de maitresse, et c'est le cas pour beaucoup. J'avais envie de l'aider, de la réconforter, de moins faire peser cette solitude. Elle m'a surpris dans certains de ses choix. J'aimerais tellement vous en dire plus, mais il faut le découvrir vous même. Je vous laisse la surprise. L'autrice parle très bien de différents sujets de société que l'on peut côtoyer dans notre vie, l'abandon, la souffrance, l'échec amoureux, la reconstruction, l'enfance, la vieillesse et tout ce qu'elle change dans nos vies, le ralentissement du rythme, l'envie d'être toujours aussi vaillant.. tous des sujets qui font la vie de chacun. D'ailleurs, tout le monde peut lire ce livre, tout le monde se reconnaitra dans l'un ou l'autre des sujets. C'est une histoire qui convient à tout type de lecteur.

J'ai retrouvé avec grand plaisir la plume de Line Dubief, toujours aussi subtile, précise et délicate à la fois. Son style est toujours aussi fluide, elle sait emmener son lecteur dès les premières lignes et à le garder centré sur l'histoire. Elle ne s'éparpille pas en phrases inutiles, amenant des lourdeurs. La narration à la première personne du singulier fait que l'on s'attache encore plus au personnage principal, cela aide aussi à rentrer dans sa tête, à vivre le moindre de ses sentiments. Et ils sont nombreux. Je n'ai pas toujours été d'accord avec ses choix, et j'ai dû alors prendre un peu de distance avec elle. J'ai beaucoup aimé comment Line Dubief arrive à transformer une histoire banale d'amoureux qui se retrouvent en une histoire beaucoup plus sombre. Une personne que l'on trouve sympathique se découvre à la fin beaucoup plus complexe qu'on se l'imaginait, on plonge dans une certaine perversité insoupçonnée. Et j'ai surtout aimé la construction avec deux parties où on pense avoir déjà lu ce genre d'histoire, et le moment de bascule, dans la troisième, où en une petite phrase, on sent que tout va s'effondrer. Vous verrez, je mets une mention spéciale pour la deuxième partie...j'ai été bluffée...

Et puis, bien sûr, parlons des décors. Les lieux sont ceux que Line Dubief apprécient, à Besançon ou à Oléron, et c'est toujours un plaisir de les retrouver. Je ne connais pas Oléron, elle me donne terriblement envie de la découvrir un jour. Je connais Besançon, et j'ai retrouvé avec plaisir certains lieux où je suis déjà allée. Comme je le disais plus haut, cela permet de mieux se représenter les scènes, même si l'autrice les décrit très bien. Elle retranscrit très bien les ambiances, différentes en bord de mer par rapport à la Franche-Comté, j'ai particulièrement apprécié ce double voyage.

J'ai beaucoup aimé ce livre, je l'ai lu sur très peu de temps tellement l'ambiance était stressante et je voulais absolument savoir. Il me manque deux romans de cette autrice, je pense que je vais très vite les acquérir afin d'avoir tous ses livres. Je ne peux que vous conseiller de la découvrir si vous ne la connaissez pas, et si vous la connaissez, lisez ce livre, qui change de ce qu'elle a fait, et qui est tout aussi plaisant. De mon côté, je vais continuer à la suivre et à la lire surtout. Qu'elle écrive une série avec un personnage récurrent ou un one-shot, c'est tout autant réussi.

Il ne me reste donc plus qu'à remercier Line Dubief pour ce très bon moment de lecture, et pour sa confiance en mon blog. Je remercie également les éditions Le Geste Noir pour l'envoi de ce roman au format papier.

Mais, franchement, à quoi bon être libre si l'on est seul. À force d'être seul, on finit livre ; désespérément libre. Se sentir libre ne suffit pas à faire taire le silence assourdissant, à ne pas se laisser aspirer par le vide abyssal engloutissant.