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Marie-Nel lit

La nostalgie des sentiments de Hanni Münzer

20 Septembre 2023 , Rédigé par Marie Nel

La nostalgie des sentiments de Hanni Münzer

Publié aux éditions de l'Archipel

 

 

Résumé :

 

Une famille face à la montée du nazisme
 
Au milieu des années 1920, Laurenz Sadler rencontre Anne-Marie.
Le coup de foudre est immédiat, et réciproque. Le jeune homme ne connaît alors ni le passé mouvementé de la jeune femme, ni son secret.
Laurenz rêvait de devenir musicien ; il se voit contraint de reprendre la ferme familiale. Pourtant, dans ce village allemand à proximité de la frontière polonaise, il connaît le bonheur aux côtés d’Anne-Marie et de leurs deux ­filles, Kathi et Franzi.
Mais le climat politique change. Le national-socialisme gagne du terrain. Au village, le climat se tend, entre farouches partisans et opposants, dont la famille Sadler, qui préfère taire ses opinions pour vivre en paix.
Jusqu’au jour où Kathi, âgée de quinze ans, remporte un concours national de mathématiques et attire sur elle l’attention de Berlin, où les dignitaires nazis voudraient la faire venir pour qu’elle participe à un programme de recherche.
Anne-Marie s’y oppose, déclenchant par sa rébellion une série d’événements dramatiques qui bouleverseront le destin de la famille Sadler…

 

 

À propos de l'autrice :

 

Née en Allemagne en 1965, Hanni Münzer conquiert le public avec Au nom de ma mère (L’Archipel, 2017 ; Archipoche, 2018), puis Marlène (L’Archipel, 2018 ; Archipoche, 2020). Ses romans, vendus à un demi-million d’exemplaires, ont été traduits dans dix-sept pays. Elle vit en Bavière.

 

 

Mon Avis :

 

Je suis très contente d'avoir retrouvé Hanni Münzer avec ce nouveau roman. Je la connais déjà pour avoir lu ses deux précédents livres parus tous deux aux éditions de l'Archipel, Au nom de ma mère et Marlène. Chaque fois, ses histoires se passent ou ont un lien avec une famille allemande et la seconde guerre mondiale. C'est un sujet qui est souvent évoqué dans les romans, mais ce que je trouve intéressant chez cette autrice, c'est qu'elle nous place face au point de vue des allemands ordinaires, qui essayaient tout comme nous de survivre. Car tous n'étaient pas nazis, tous n'étaient pas d'accord avec l'idéologie du national-socialisme, et c'est ce que j'aime dans les romans de cette autrice. 

Cette nouvelle histoire ne déroge pas à la règle de l'autrice. J'ai suivi une famille, les Sadler, du milieu des années 1920 jusqu'à la fin de la seconde guerre mondiale. Laurenz Sadler rencontre Anne-Marie et ils vont tous les deux tomber très amoureux tout de suite. Laurenz est un artiste dans l'âme, il aurait aimé devenir musicien, mais un affreux accident fait mourir son frère qui s'occupait de la ferme familiale dans un petit village à la frontière avec la Pologne. Laurenz se voit donc dans l'obligation d'abandonner ses rêves et de reprendre la ferme familiale où vit encore ses parents, Charlotte et August. Celui-ci a été très marqué par la première guerre et est complètement prostré, Charlotte, par contre, est une femme dynamique, qui aime les chevaux. De leur union va naitre deux filles, Kathi et Franzi. Et c'est surtout au travers du regard de Kathi que nous allons suivre l'évolution de cette famille. C'est une petite fille très intelligente, elle adore l'école, est passionnée de mathématiques et de physique-chimie et rêve de construire sa propre fusée pour aller plus haut dans le ciel, voir sur la lune. Elle a un ami, Anton, qui suit le même rêve qu'elle. La petite soeur de Kathi, Franzi, est beaucoup plus réservée et timide, elle aime se rouler en boule sur les genoux de son grand-père, ou dehors dans l'herbe, à côté d'une ruche où toutes les abeilles se posent sur elle sans jamais être piquée. C'est une petite fille singulière et très attachante. Mais l'Histoire avec un grand H va rattraper la vie simple et heureuse de ces gens. La montée du nazisme et des idéaux barbares vont toucher peu à peu le paisible village, surtout qu'il se situe à la frontière de la Pologne, vous imaginez les conséquences que cela va avoir quand Hitler déclarera la guerre à ce pays. Les Sadler essaient de se tenir à l'écart de ces troubles, ils préservent au maximum leur quiétude. Mais lorsque le gouvernement nazi s'intéresse à Kathi pour ses très bons résultats à un concours de mathématiques et veut l'emmener à Berlin, Anne-Marie s'y oppose, et les problèmes commencent pour les Sadler. 

J'ai tout de suite été transportée dans ce roman. En plus, le livre commence par un premier chapitre très intriguant qui se passe en Russie en 1928, et on comprend par la suite qu'Anne-Marie détient un secret. Cet événement en Russie ne sera pas expliqué, on reviendra dessus par bribes vers la fin du livre. Cela crée une tension, un petit suspense, je me suis demandé ce qu'il pouvait avoir en commun avec les Sadler, et je commence à comprendre sur la fin. Les explications devraient arriver dans le second tome, car c'est en effet un livre qui va se poursuivre sur un second. Et je m'en réjouis déjà à l'avance de pouvoir retrouver cette famille et avoir tous les tenants et aboutissants.

Je me suis très vite attachée à cette famille, et plus particulièrement à Kathi que l'on suit depuis sa naissance, que l'on voit grandir, évoluer, devenir une adolescente, avec toute l'imprudence et l'impétuosité de la jeunesse, l'insouciance que l'on voudrait garder mais que les événements mondiaux vont réduire à néant. Kathi sera vite confrontée aux drames, à la mort d'êtres chers. Il lui faut alors une force de caractère hors du commun pour surmonter tout cela malgré son jeune âge. La pauvre grandit trop vite. Elle est très attachée à sa famille, à sa petite soeur qu'elle protège. J'ai également été fort attachée à Franzi, à Anne-Marie et Laurenz, j'ai aimé leur façon de vouloir protéger leur famille et leur ferme, leur courage face à la révolte. Ils sont loin d'abonder dans le sens de la politique de leur pays. Ils se pensent loin du tumulte, et vont vite découvrir que c'est tout le contraire. J'ai aussi eu un gros faible pour Dorota, la gouvernante de la famille Sadler, elle est drôle, dévouée, elle a un faible pour la cuisine italienne, elle se sacrifierait pour les Sadler, elle a énormément de courage. C'est un personnage qui apporte beaucoup de lumière dans l'histoire, par son humour, sa façon de dédramatiser les situations, je l'ai beaucoup aimé. 

Ce fut une lecture passionnante pour moi, je n'ai trouvé aucune longueur. Bien sûr, le rythme est plus lent au début lorsqu'on fait la connaissance des personnages, de leurs lieux de vie, de leur histoire personnelle, mais cela ne m'a pas dérangé du tout, cela m'a permis de bien me fixer les rôles de chacun dans ma tête afin de mieux comprendre ensuite leur implication. Le rythme devient plus dense et rapide lorsque les malheureux événements commencent. Je me suis retrouvée emportée avec eux dans cette avalanche de mauvaises nouvelles, de drames, la noirceur de  la guerre pénètre les phrases et les mots. On suit en fait deux histoires qui s'entremêlent à la perfection, celle d'une famille allemande après une première guerre qui a fait de gros dégâts, et celle de l'Allemagne qui ne se relève pas et se laisse entrainée par un tyran. L'autrice mêle tout cela avec beaucoup de finesse et de délicatesse, amenant des personnages qui ont réellement existé, ce qui donne encore plus de réalisme et d'impact aux propos de l'autrice. Ce réalisme est réhaussé quand on sait que l'autrice s'est inspirée de l'histoire de sa propre famille, cela donne un poids supplémentaire lorsque la réalité rejoint la fiction. Les personnages ne sont pas tout blancs ou tout noirs, comme le fut l'Allemagne à ce moment là. L'autrice décrit également très bien les comportements d'alors, le courage de certains, la peur d'autres, la lâcheté, la délation, toutes ces choses qui ont fait bien souvent encore plus mal. J'ai apprécié que l'autrice montre tout cela, ce n'est pas édulcoré ou rendu trop beau, c'est vrai et elle nous montre toutes les qualités ainsi que tous les défauts. Un autre point que j'ai particulièrement apprécié, c'est que l'autrice a aussi mis le doigt sur un point qui n'est pas toujours évoqué dans les romans se passant pendant une guerre, c'est le sacrifice des animaux, leur mauvais traitement, la chair à canon qu'ils deviennent, j'ai trouvé que cela était trop souvent oublié et pourtant, ce fut un vrai carnage. Mais ce roman n'est pas que sombre, il amène aussi beaucoup d'espoir dans une vie meilleure, et c'est tellement important quand on est entourés de noirceur. 

J'ai passé un très bon moment de lecture avec ce roman. Les 450 pages n'ont jamais été indigestes, c'était un réel plaisir de retrouver mon livre et de me replonger à chaque fois dans l'histoire. J'ai aimé suivre cette famille, et je me suis réjouis de savoir que j'allais la retrouver dans un second opus. Je vais enfin avoir certaines explications, des nouvelles de personnages qui ont disparu, j'ai déjà hâte de l'avoir entre les mains. J'avais déjà beaucoup apprécié le style de l'autrice dans les deux précédents romans, et cela se confirme une nouvelle fois avec ce troisième. La belle fluidité des mots et des phrases fait que la lecture se fait sans heurts. Les descriptions ne sont pas trop pesantes, juste ce qu'il faut pour tout s'imaginer. La narration à la troisième personne du singulier permet de garder une distance avec les personnages et surtout leurs émotions, je ne me suis pas tout pris en pleine face, même si j'ai ressenti tous ces moments très touchants. Je n'ai vraiment ressenti aucun défaut dans ce livre. J'ai juste relevé deux ou trois coquilles qui se sont sûrement glissées au moment de la traduction, ce sont seulement des oublis de mots, ce n'est pas grave du tout. J'ai beaucoup aimé que l'autrice mette en début de livre la liste des personnages et leurs interactions, cela permet de s'y retrouver encore mieux si on n'arrive pas à se remémorer son identité. J'ai quitté les personnages avec une certaine peine, j'aurais aimé rester encore un peu avec eux, mais je sais que je les retrouverai l'année prochaine, et ça atténue ce sentiment de pas assez. 

Si vous ne connaissez pas encore Hanni Münzer, je ne peux que vous la recommander. Vous avez le choix entre ses trois romans, ils sont tous aussi bien l'un que l'autre. Je suis sûre que vous serez vous aussi touchés par la sensibilité et la délicatesse de l'autrice. 

Bien qu'Hanni Münzer ne lise jamais cet avis, je lui adresse tous mes remerciements pour tous ces bons moments passés en compagnie de son histoire et de ses personnages. Un grand merci également à Mylène des éditions de l'Archipel pour sa confiance renouvelée en mon blog. 

On ne choisit pas toujours ses larmes. Elles sont comme les nuages dans le ciel, qui vont et viennent mais ne restent jamais. N'oublie jamais ça, petit coeur : le soleil revient toujours et assèche toutes les larmes.

Dans ta vie, tu pleureras beaucoup, beaucoup de larmes de joie, d'accord ? Parce que les larmes qu'on rit, on ne peut plus les pleurer.

Une maison était plus que de la pierre et du bois, elle était liée au destin de ceux qui y naissaient et y mouraient. C'étaient ses habitants qui faisaient d'une maison un foyer où on se souvenait d'eux pour toujours

Les tyrans de ce monde avaient peut-être le pouvoir de voler leur liberté aux gens, de les enfermer, de les tuer. Mais ils ne pouvaient pas leur prendre leurs rêves. Tout le monde portait en soi son propre univers, unique. Kathi se dit pour la première fois que c'était peut-être là ce qui manquait aux tyrans. En regardant par la fenêtre, ils ne voyaient que l'obscurité. Ils avaient perdu la lumière, n'étaient plus capables de voir la beauté du monde. Avec tous ses défauts et ses rayures et ses cicatrices. L'âme des tyrans était aveugle.

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