Psy, jeûne et randonnée de Fanny Gayral

18 Juillet 2023 , Rédigé par Marie Nel

Publié aux éditions Eyrolles

Résumé :

À 33 ans, Angela est médecin généraliste à Tours. Elle dédie sa vie à ses patients, et à sa mère, qui souffre de dépression. Autant dire que la jeune femme ne s'accorde pas une minute, et néglige sans scrupules sa propre santé, sa vie amoureuse et sociale. Mais cette abstraction d'elle-même ne passe pas inaperçue auprès de ses confrères. Ils se cotisent pour lui offrir un cadeau très spécial : un stage consacré au jeûne et à la randonnée... De quoi faire pâlir cette grande amatrice de fromages fermiers ! Contrainte et forcée, Angela débarque sur l'île de Ré et entame une semaine de marches laborieuses et de bouillons clairs, en joyeuse compagnie. De quoi bousculer toutes ses certitudes...

À propos de l'autrice :

Fanny Nodet-Gayral est Docteur en médecine et écrivaine. Elle a exercé comme médecin généraliste à la maison médicale de La Croix-en-Touraine pendant dix ans (2010-2020), avant de cesser son activité de médecin pour se consacrer à l’écriture et à la pratique de psychothérapie; des grumeaux", a obtenu la seconde place du Prix Nouveau Talent 2015 (éditions JC Lattès / Fondation Bouygues); plus de 150 manuscrits y étaient en compétition.

"Le début des haricots", son deuxième roman, paru en décembre 2015, a conquis plus de 1000 lecteurs sur Amazon.

"Plus que toute autre chose" (2017) est son troisième roman.

Mon Avis :

C'est le titre qui m'a tout de suite attirée dans ce livre, résonnant comme un programme bien-être, et je ne me suis pas trompée puisque c'est ce que va vivre l'une des héroïnes. La couverture a fini de me séduire, elle a un petit air d'été de vacances qui est de saison. En plus, je découvrais une autrice que je ne connaissais pas, tout était réuni pour titiller ma curiosité.

J'ai donc fait la connaissance d'Angela, c'est une jeune médecin généraliste de 33 ans qui vit à Tours. Elle se dévoue pour son travail, ses patients, mais aussi pour sa mère, qui vit seule et est dépressive. Autant dire qu'elle n'a jamais un moment pour elle, pour se reposer ou se distraire. Sa vie est entièrement tournée vers les autres. C'est pour ces raisons que ses collègues lui offrent un cadeau de bienvenue original, une semaine de stage jeûne et randonnée. Elle est contente de ce cadeau et en même temps très angoissée. Elle hésite même à refuser, mais ses collègues l'obligent. Comment faire avec sa mère, comment la laisser seule, Angela met en place tout un système pour que sa mère ne soit jamais laissé seule à elle-même. Là voilà donc partie sur l'île de Ré pour faire ce stage hors du commun, où les participants se soumettent à un jeûne, et où il font des randonnées. Le jeune est difficile à tenir pour Angela, très friande de fromage. Les participants vont s'entraider. Ça remue pas mal de choses chez Angela, surtout psychologiquement. Cette distance et cet isolement lui permettent de faire le point sur sa situation privée.

Dans un même temps, nous suivons également Cécile, une psychothérapeute. Elle reçoit une nouvelle patiente, Estelle, qui veut commencer une psychothérapie. Elle a également des problèmes relationnels avec une mère trop présente et étouffante. Estelle n'arrive pas à lui dire de la laisser mener sa vie comme elle l'entend. Avec l'aide de Cécile, elle va décortiquer son passé, sa relation avec sa mère.

Au début, je me demandais quel rapport il pouvait exister entre les deux jeunes personnes. On n'a pas tout de suite la réponse, mais une fois que je l'ai eue, tout s'est bien imbriqué et j'ai compris le lien qu'il y avait entre les deux femmes, Estelle et Angela. Elles ont toutes deux un rapport mouvementé avec leurs mères respectives, elles ont du mal à montrer qui elles sont et ce qu'elles veulent pour elles-mêmes. Elles se remettent beaucoup en question, elle veulent vivre leurs vies sans pour autant couper les ponts avec leurs mères. Les relations mère-fille ne sont jamais simples. Ce sujet m'a beaucoup parlé, je suis maman de trois jeunes femmes, ce n'est pas toujours simple, et j'ai été aussi la fille de ma mère, et ça n'a pas toujours été simple. J'ai retrouvé beaucoup d'elle dans les mères d'Estelle et Angela. Ce côté dépressif et à la fois du genre à se mêler de tout... Comme le dit si bien Angela à la fin du livre, il ne faut pas oublier que nos mères sont des femmes elles aussi, qui ont leur passé, leur histoire, leur vécu, et que parfois elles font ce qu'elles peuvent. J'ai trouvé cette pensée si juste.

J'ai d'ailleurs beaucoup aimé les autres messages et valeurs qui circulent dans ce livre et que l'autrice fait passer à travers les deux femmes. Ça m'a parlé à moi, et je pense que ça parlera à beaucoup d'autres lecteurs, on a tous une maman, sinon on ne serait pas là. Malgré tout, je ne me suis pas attaché tout de suite aux personnages, j'ai eu comme une sorte de distance avec elles, alors que la narration est à la première personne du singulier, ce qui d'habitude me fait ressentir les émotions beaucoup plus fort. Je pense que je me suis mise dans une sorte de défense par rapport aux émotions, et j'ai pris plus de recul que d'habitude. Mais cela n'a pas duré, et mes barrières sont tombées. Je pense que c'est aussi dû au fait que j'ai perdu ma maman il y a peu, je fais moi-même un gros travail sur ma relation avec elle. Peut-être aurais-je dû lire ce livre plus tard.

En tout cas, quand mes défenses sont tombées, j'ai ressenti beaucoup plus de choses pour les protagonistes. Angela m'a touchée, j'ai eu envie de l'aider, de lui dire de profiter de cette semaine de repos, j'ai réussi à me la représenter comme une amie réelle. Estelle est elle aussi très touchante. J'ai cependant gardé une petite distance avec elle car c'est la psychothérapeute qui raconte l'histoire d'Estelle, c'est moins direct. J'ai d'ailleurs trouvé cette médecin géniale, j'aimerais beaucoup avoir la même, je ne connaissais pas du tout la Gestalt Thérapie, et je trouve ce procédé de soins fort intéressant. Je me disais en lisant que l'autrice en parlait fort bien, mais en lisant sa biographie, j'ai vite compris vu qu'elle est médecin elle même et surtout psychothérapeute. Et du coup, tout ce qu'elle démontre ou dit dans ce livre a encore plus de poids, car elle connait bien le sujet. J'ai d'ailleurs eu la sensation que le dernier chapitre en italique concernant la psy et Estelle reflétait vraiment les pensées de l'autrice sur la psychothérapie. Et lorsque son mari lui dit à la fin "En fait, ton bouquin, c'est une déclaration à la psychothérapie.", j'ai ressenti exactement la même chose pour ce livre de Fanny Gayral. C'est une façon pour elle de remercier ses patients qui ont fait aussi ce qu'elle est aujourd'hui.

Les autres personnages qui gravitent autour d'Angela sont ceux qui font la semaine de jeûne et randonnée avec elle, ils sont fort sympathiques, une mention spéciale pour Jean-Luc qui m'aura bien fait rire. Ça fait du bien, ça crée des petits moments de pause dans la lecture. Les sujets abordés sont multiples, il n'y a pas que la relation mère-fille, il y a aussi les relations avec les autres, la vie affective, le stress occasionné par la vie de tous les jours, entre le travail, les enfants, c'est vrai qu'une semaine comme celle qu'Angela passe ne peut faire que du bien, pour déconnecter et se remettre en question. Cette histoire parlera à beaucoup tellement de nombreux sujets sont abordés, il est aussi question de résilience, de don de soi, de deuil. C'est parfois tout doux, c'est aussi parfois plus dur, plus violent, plus incisif. Chacun vivra cette lecture de façon différente, selon sa propre histoire personnelle.

Je découvre Fanny Gayral, j'ai beaucoup aimé son style d'écriture, il y a beaucoup de fluidité, pas de lourdeurs dans les descriptions. Les lieux sont bien dépeints. Les chapitres alternent entre ceux concernant Angela et ceux pour Estelle. Ces derniers sont en écriture italique, ce qui permet de mieux repérer le changement de personnage. Cette alternance donne beaucoup de rythme à la lecture. J'ai trouvé le rythme plus lent lorsque c'était les chapitres d'Estelle, mais ça se comprend, ce sont des séances de psy, c'est plus calme, on suit au rythme de la discussion et la réflexion entre la médecin et sa patiente. On est plus dans la réflexion que dans l'action, celle-ci on la retrouve avec Angela.

J'ai bien aimé la lecture de ce livre. J'ai bien aimé les messages qu'il délivre, j'ai été touchée par certaines réflexions, et j'aime quand mes lectures ont ce double effet de me divertir et de me pousser à la réflexion. J'ai aussi aimé découvrir la plume de Fanny Gayral, que je vais continuer à suivre et que je lirai à nouveau avec plaisir. Je ne peux que vous conseiller ce livre si vous aimez les histoires touchantes et qui vous poussent dans vos retranchements.

De mon côté, il ne me reste plus qu'à remercier Fanny Gayral pour ce très bon moment passé en compagnie de ses personnages. Et je remercie également les éditions Eyrolles pour leur service presse de qualité.

La détresse d'une personne qu'on aime est une ancre. Elle nous arrime aux grands fonds. On ne peut se dérober.m

On n'imagine jamais, lorsqu'on rencontre une personne pour la première fois, la profondeur des mondes souterrains qu'elle abrite, on ne songe pas au sédiment tassé sous sa peau, expériences, émotions, souvenirs, invisibles derrière la façade et pourtant là, lointains et proches à la fois. On se fait une idée, une image. On aplatit les gens.

Je n'imaginais pas que les psys mettaient autant de conscience sur chacune de leurs interventions. On voit bien que ce n'est pas une science exacte, qu'il y a des tergiversations.

Plus que les phrases, c'est la texture du silence qui m'est restée.

Il m'appartient aussi de savoir laisser partir mes patients. On ne boucle jamais tout, on ne termine pas une thérapie comme on place la dernière touche de couleur sur une toile de peintre, mais on va simplement jusqu'où il est possible, ou nécessaire, d'aller avec ce patient, cette patiente.