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Marie-Nel lit

Guetter l'aurore de Julie Printzac

20 Mai 2023 , Rédigé par Marie Nel

Guetter l'aurore de Julie Printzac

Publié aux éditions Pocket

 

 

Résumé :

 

Été 1941. Les Brodsky, juifs, ont fui la zone occupée et la menace nazie pour se réfugier dans le sud de la France. Rattrapés par les nouvelles lois de Vichy, ils se retrouvent en résidence forcée au pied des Pyrénées, dans une grande demeure délabrée.
Peu à peu, la vie s’organise. Esther, l’aînée des enfants, rencontre Clara. L’heure est à l’adolescence, aux premiers émois et aux grandes amitiés. C’est également le temps de l’engagement dans la Résistance, des luttes pour survivre, mais aussi des rafles. Dans la tourmente, Esther et Clara font tout pour rester maîtresses de leur destin. C’est compter sans la brutalité de l’Histoire…

 

 

À propos de l'autrice :

 

Éditrice et traductrice, Julie Printzac vit à Paris. Elle est l'autrice de La Solitude des femmes qui courent (JC Lattès, 2017 ; Le Livre de Poche, 2018) et de Guetter l'aurore (Les Escales, 2022).

 

 

Mon Avis :

 

J'ai lu ce roman dans le cadre du Grand Prix des Lecteurs Pocket pour lequel il est sélectionné. Je l'avais vu passer lors de sa sortie en grand format aux éditions Les Escales, il m'avait alors déjà intéressée, je suis très contente de l'avoir lu et d'avoir découvert Julie Printzac que je ne connaissais pas.

L'histoire de ce livre m'a beaucoup émue. Il se passe sur une double temporalité, entre aujourd'hui et les années 1940, pendant la seconde guerre mondiale. De nos jours, Déborah vient de se séparer de son amoureux et revient vivre chez sa mère, à Meudon. Sa grand-mère Esther y vit également, elle a des périodes de lucidité et d'autres où elle remonte dans le passé. Lorsqu'un jour, elle parle d'une certaine Clara, en l'appelant et la cherchant, Déborah essaie de savoir de qui il s'agit, mais cela semble troubler énormément sa grand-mère qui ne dit rien et se mure dans le silence. Sa mère ne connaissant pas non plus cette personne, Déborah décide de partir à la recherche de cette Clara, et va ainsi se rendre sur les traces de la famille de son aïeule, dans les Pyrénées, à Saint-Girons. 

Nous retournons ainsi dans le passé d'Esther, au moment où ses parents et grands-parents ont dû fuir leur maison en Ariège. Durant l'été 1941, les juifs de France furent frappés par une décision administrative, ils devaient quitter la ville, chaque famille s'est vu attribuer un lieu de résidence. Les parents d'Esther reçurent l'ordre de s'installer à Saint-Girons, dans les Pyrénées, à la frontière avec l'Espagne. Nous allons donc suivre cette famille, son installation dans ce village, les amitiés qu'elle va pouvoir lier avec d'autres juifs, mais aussi avec des résidents qui les aident et leur apportent leur protection. Esther va continuer sa vie, aller à l'école, s'amuser. La vie est loin d'être facile, la famille est logée dans un château qui n'a aucune commodités, ni eau, ni électricité. Mais ils s'en contentent, heureux d'échapper à l'ennemi. Esther va se lier d'amitié petit à petit avec une élève de son école, Clara. Elle est issue d'une famille juive elle aussi. D'autres amitiés vont se nouer avec d'autres jeunes. Des rivalités aussi. Certains enfants reproduisent la même haine que leurs parents vis-à-vis des Juifs. On suit donc la vie de ces familles déracinées de leurs foyers, l'entraide entre elles, leur quotidien pendant la guerre, la normalité de vie qu'elles essaient de garder en se réunissant, en faisant des fêtes. 

Lorsque l'autrice a fini de raconter les événements de la jeunesse d'Esther, elle nous ramène à l'époque actuelle dans les recherches de Déborah sur la jeunesse de sa grand-mère. Cette partie là est beaucoup plus courte, mais tout aussi forte en émotions. On apprend ce que sont devenus certains personnages, ceux qui ont aidé aussi. Et Déborah va enfin savoir pourquoi sa grand-mère est tellement remuée quand elle parle de son amie Clara. 

Le sujet fait que l'histoire est très émouvante. L'autrice raconte avec beaucoup de réalisme la vie de ces jeunes et de leurs parents pendant la guerre. Je suis épatée par leur façon de faire comme si tout allait bien, afin de protéger leur famille, ils ont une force en eux qui m'a énormément émue, cette faculté de normaliser leur vie, de perpétuer leurs traditions, de ne pas faire de bruit pour ne pas déranger. J'ai déjà lu beaucoup de romans sur cette période, mais à chaque fois, il y a une façon de faire de la part de l'autrice qui rend son histoire différente d'une autre sur le même sujet. L'autrice s'est inspiré de faits réels, qu'elle a plus ou moins changés, mais son récit repose tout de même en grande partie sur des témoignages. Cela rend le récit encore plus émouvant lorsqu'on le lit, enfin en tout cas, c'est comme cela que je le ressens personnellement. Il y a ainsi des moments très forts, comme on peut se douter en temps de guerre. J'ai trouvé cependant que l'autrice arrivait à alléger l'ambiance en nous racontant les péripéties des jeunes, leurs amitiés, les premiers émois amoureux. Mais tout de même, toujours avec cette épée de Damoclès au-dessus de leurs têtes qui est la guerre. 

Je me suis très vite attachée à Esther et à sa famille, à ses frères, à ses parents aussi. Sa mère qui aime lire et se rend très souvent dans la librairie du village, qui se fait conseiller des romans par une amie, des livres qu'elle n'a pas l'habitude de lire, j'ai assisté à une certaine émancipation de cette femme et je l'ai trouvée très attachante. Cela fait beaucoup réfléchir sur ce que l'on aurait fait à leur place. Je ne sais pas moi-même, mais une chose est sûre, j'aurais surement cherché à les aider, du mieux que je pouvais. Et en même temps, je comprends ceux qui ne faisaient rien, la peur de la colère de l'ennemi était trop importante pour certains. Comme vous pouvez le voir, c'est un livre qui fait réfléchir. 

J'ai beaucoup aimé suivre Esther, puis Déborah. J'ai beaucoup aimé le caractère d'Esther, enjoué, drôle, et en même temps très réservé. Clara ose plus qu'elle, elle répond, elle s'affirme plus, cela fait parfois peur à Esther, mais elles sont toutes deux inséparables. Et puis, il y a les autres personnages, Daniel, le frère d'Esther, qui a parfois du mal avec ses sentiments, le père d'Esther, les parents de Clara, le maire du village.. tout un panel de personnages très intéressants à suivre, dans leur caractère, dans leurs émotions. 

La construction de l'histoire est bien faite, avec un début et une fin dans le présent, et tout le reste dans le passé. J'ai aussi aimé la double narration, qui rend le texte encore plus immersif. Lors du présent, la narration est à la première personne du singulier, j'ai aimé être dans la tête de Déborah et ressentir ses émotions, c'est ce qui m'a encore plus aidée à aimer Esther. Et lors des chapitres au passé, la narration est à la troisième personne et j'ai trouvé cela très judicieux, car cela m'a permis de garder une certaine distance avec Esther et de ne pas me prendre de plein fouet toutes les émotions qui la traversent. Cela ne m'a pas empêché de très bien ressentir chaque sentiment. L'autrice les dépeint très bien. Tout comme elle décrit très bien les lieux, les personnages, sans pour autant alourdir le texte et le rendre lourd à lire. J'ai adoré son style, sa façon de raconter la vie de tous ces personnages, la construction de son livre, et les événements qu'elle relate, les tristes comme les joyeux. Je ne peux rien dire bien sur, certains personnages vont disparaitre, et j'ai ressenti une profonde tristesse. Je suis vraiment passé par toutes les émotions possible. 

La lecture s'est faite facilement et rapidement. J'avais parfois envie de ralentir pour rester un peu plus longtemps avec les personnages. J'ai eu un peu de mal à les quitter. J'ai passé un très bon moment avec ce livre, poignant, émouvant, mais aussi très optimiste, tolérant. Même quatre vingt ans plus tard, il est important de lire des livres sur cette trouble période. Pour ne pas oublier, pour se remémorer ce que des humains peuvent faire à d'autres humains, pour une idéologie débile, pour une religion. Ce n'est pas un énième roman sur l'histoire de la guerre, ou la persécution des Juifs, c'est un roman sur une famille qui tente de survivre. Que de désastres et de catastrophes au nom d'un Dieu qui n'a rien demandé et dont on ne sait même pas s'il existe. Enfin, je m'égare, mais c'est vraiment révoltant de tuer des personnes pour cela. Je suis toujours révoltée. Et si lire des histoires comme celle-ci peut permettre à certains de réfléchir et de ne pas reproduire la même chose, alors ce sera un grand pas de fait. 

Je suis très contente d'avoir découvert la plume de Julie Printzac. J'ai beaucoup aimé son style fluide, sa sensibilité, sa délicatesse, la poésie de ses mots. Elle rend d'ailleurs hommage à Gaston Massat, poète natif de Saint-Girons et résistant pendant la guerre, avec un poème qu'elle nous partage en guise de prélude, "Voici ma voix". Dans la bibliographie, elle nous partage les titres des documents sur lequel elle s'est appuyée pour écrire ce roman, et on se rend compte alors de l'importance du travail fait en amont, et on comprend alors pourquoi l'histoire est aussi bien étayée en faits réels. Je vais suivre cette autrice de près, j'ai vu qu'elle avait écrit un autre roman, La solitude des femmes qui courent, où il va être à nouveau question de secrets, de famille, d'amours et d'amitiés. Le résumé m'a beaucoup tentée. 

Je ne peux que vous recommander ce roman si vous aimez les histoires vraies, bouleversantes. Je vous le recommande également pour rendre hommage à toutes ces personnes qui n'avaient rien demandé et qui ont souffert dans leur chair pour l'égo de certains hommes. 

Il ne me reste plus qu'à remercier Julie Printzac pour tout ce qu'elle m'a fait vivre pendant la lecture de son roman et à la féliciter pour la beauté de cette histoire. Je remercie également les éditions Pocket, qui, grâce à leur prix, m'ont permis de découvrir cette autrice et de lire des livres que je n'aurais peut-être pas lus en temps ordinaire. 

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