Je chante et la montagne danse de Irène Solà
Publié aux éditions du Seuil
Résumé :
Dans un village perché en haut des Pyrénées, on conserve la mémoire des drames familiaux, des persécutions guidées par l’ignorance, des exécutions sommaires de la guerre civile. Mais rien, jamais, ne vient altérer la profonde beauté du lieu, terre propice à l’imagination, à la poésie, aux histoires transmises de génération en génération.
Chaque voix raconte : d’abord les nuages et l’éclair qui foudroya Domènec, le paysan poète. Puis Dolceta, qui ne peut s’empêcher de rire lorsqu’elle se rappelle avoir été pendue pour sorcellerie. Sió, qui dut s’occuper seule de ses deux enfants. Puis les trompettes de la mort qui annoncent l’immuabilité du cycle de la vie. Le chevreuil, l’ours, la femme amoureuse, l’homme blessé par balle, et les autres.
Dans ce lieu hors du temps, amitiés, mariages, deuils, naissances s’entrelacent au fil des saisons.
Ode à la puissance de la nature, Je chante et la montagne danse mêle les légendes et le folklore catalans aux histoires bien réelles de ceux qui habitent ce lieu protégé par ses montagnes. Aussi limpide que poétique, la langue d’Irene Solà est un doux murmure qui enveloppe, transporte et résonne longtemps.
À propos de l’autrice et du traducteur :
Irene Solà est une écrivaine, poète et artiste née en 1990 en Catalogne. Ses poèmes et ses courts-métrages ont été présentés à la Whitechapel Gallery de Londres, ainsi qu’à Barcelone, Santander et Gérone. Je chante et la montagne danse a obtenu quatre prix littéraires, dont le prix de littérature de l’Union européenne en 2019. Il sera traduit en dix-sept langues. Le livre a également été adapté au théâtre en Catalogne.
Edmond Raillard est professeur émérite à l’Université Grenoble Alpes et traducteur du castillan et du catalan. Il a reçu le Grand Prix de la Société des gens de lettres, le prix Laure-Bataillon, et le prix Rhône-Alpes du livre.
Mon Avis :
Lorsque Babelio m’a proposé ce roman à lire lors d’une masse critique privilégiée, j’ai tout de suite été attirée par le titre, qui amène une belle touche de poésie. La couverture est elle aussi très jolie et ajoute une jolie touche poétique. Ma première impression me disait que cela allait être une lecture douce et agréable. Et c’est vraiment ce que j’ai ressenti tout le long du roman.
Il est très difficile de résumer ce roman. C’est une histoire qui se vit au gré des déambulations de l’autrice. Il se passe dans les montagnes des Pyrénées, dans un petit village perché en haut, très isolé. On suit une famille, dont le père meurt dans un accident terrible au début de l’histoire. La parole va être ensuite donnée à des proches, des amis, les enfants de cet homme…mais aussi d’autres personnages hors du commun. Vont alors prendre la parole un nuage, un ours, un chevreuil, un chien, des sorcières, un voyageur. Tout un monde hétéroclite, auquel on ne s’attend pas à rencontrer. La naissance des montagnes nous est expliquée, en image avec un court texte, j’ai trouve cela totalement magique. L’histoire des Pyrénées aussi nous est contée avec Pyrène, et aussi la vie de sorcières, les Dones d’aigua, les dames de l’eau. Ces légendes ramènent une touche de fantastique et de féérie à l’histoire générale et j’ai beaucoup aimé cette originalité.
Irène Solà raconte tout cela avec beaucoup de dynamisme. C’est écrit comme une sorte de dialogue entre les humains, le monde animal, végétal, minéral et même irréel. J’ai été surprise au début par cette originalité que j’ai ensuite beaucoup appréciée. J’ai aimé écouter l’orage gronder, le champignon raconter sa pousse, le chevreuil sa naissance, son éducation. L’autrice l’amène avec tellement de naturel que rien ne choque et tout paraît normal dans la lecture. Je me suis attachée à la famille et aux habitants de ce village. Leur histoire est singulière, atypique, avec des bonheurs et des malheurs, des drames affreux, mais avec une résilience qui leur permet de se relever et de vivre au mieux.
Le tout se passe dans un décor féerique, je ne connais pas les Pyrénées, mais la façon dont l’autrice les dépeint met de très belles images dans la tête et dans les yeux. L’autrice dépeint les paysages avec beaucoup de sensibilité, elle a mis beaucoup de poésie, et jamais le texte n’est alourdi. Chaque chapitre donne une voix à un personnage différent. Et on se rend compte que petit à petit, le puzzle se met en place et on a une vue d’ensemble à la fin qui est très belle. On se rend compte alors que tout se tient, que tout a un sens et sert l’histoire qui a commencé au début avec la mort tragique du père.
Le style de Irène Solà est très beau, sensible, à fleur de peau, très poétique. C’est un régal de lecture. Chaque mot, chaque phrase amène une dose de beauté, créant de superbes images, comme de la magie. Les mots se lient et se délient, formant des phrases qui résonnent dans notre esprit. Il y a même tout un chapitre composé de poèmes pour un ami de la famille et je les ai trouvés très beaux, laissant passer de beaux messages. Je vous laisse d’ailleurs des citations en fin de chronique pour vous montrer toute la beauté du texte. J’ai aussi appris plein de choses sur le folklore catalan, et j’ai beaucoup aimé.
Il faut aussi souligner le très beau travail de traduction de Edmond Raillard qui a su retranscrire les émotions profondes, les images, qu’a voulu créer l’autrice avec la même sensibilité, et que ce soit avec le texte ou avec les poèmes.
Ce roman est une ode à la nature, à sa puissance, a sa force. J’ai voyagé avec cette histoire, j’ai été transportée dans un monde à la fois réel et imaginaire, je me suis régalée, j’ai relu certains passages plusieurs fois pour encore mieux m’imprégner de l’ambiance. La lecture est facile , fluide, j’ai passé un très bon moment. C’est un livre que je prendrai plaisir à relire, tout du moins certains passages. Ce livre apporte de la beauté dans la vie, c’est un beau voyage au travers les mots. L’autrice les a employés comme des ponts entre notre imaginaire et le sien, un moyen de nous emmener dans son monde et de nous éblouir.
Ce livre a obtenu quatre prix littéraires et traduit en dix-sept langues. Et ça se comprend aisément, ce roman le mérite amplement. Je suis très contente d’avoir fait cette belle découverte, je vais suivre Irène Solà, car j’aimerais beaucoup la lire à nouveau, m’imprégner à nouveau de sa magie. Je vous recommande ce roman, partez vous aussi dans ce magnifique voyage en Catalogne, dans ce village Pyrénéen, appréciez la poésie des mots de Irène Solà, et vibrez vous aussi, remplissez vous de toutes les émotions.
Il ne me reste plus qu’à remercier Irène Solà pour ce très beau moment de lecture. Et de remercier également les éditions du Seuil et Babelio de m’avoir permis de faire cette belle découverte que je n’aurais sans doute pas fait sans cette masse critique privilégiée.
Je me penche et je verse un jet de vers. Et je ne les mets jamais sur le papier. Pour ne pas les tuer. Parce que le papier, c'est l'eau douce du fleuve qui se perd dans la mer. C'est le lieu de tous les échecs. La poésie doit être libre comme le rossignol. Comme le matin. Comme l'air léger du soir. Qui va en France. Ou pas. Qui va où il veut. Et aussi parce que je n'ai pas de papier, ni de crayon.
Dans la poésie, il y a tout. Dans la poésie, il y a la beauté, la pureté, la musique, il y a les images, le mot prononcé, la liberté et la faculté d'émouvoir et de laisser entrevoir l'infini.
L'au-delà. L'infini qui n'est ni sur la terre ni dans le ciel. L'infini à l'intérieur de chacun. Comme une fenêtre tout en haut de la tête, dont on ignorait qu'elle était là et que la voix du poète ouvre un peu, un tout petit peu, et là-haut, dans cet interstice, il y a l'infini.
Je les aime, mes enfants, malgré mon âme boiteuse. Malgré le découragement et la lourdeur et la difficulté. Et pourtant, dans les promesses que j'avais faites, qu'on m'avait fait faire, ça ne disait pas que je devais les élever toute seule.
Certains hommes, leur langue se coince et se dessèche dans leur bouche, et ils ne savent plus l'ouvrir, même pour dire des jolies choses à leurs enfants, ou des jolies choses à leurs petits-enfants, et c'est comme ça que les histoires des familles se perdent, et tu ne connais plus rien d'autre que le pain sec que tu manges aujourd'hui et la pluie qui tombe aujourd'hui et comme tes os te font mal aujourd'hui. Tristesse de montagne.