L'hôtel du cygne de Zhang Yueran
Publié aux éditions Zulma
Résumé :
Venue du lointain Sichuan, Yu Ling travaille à Pékin depuis dix ans et rêve de changer de vie. Au détour d’un pique-nique, avec son acolyte M. Courge, ils fomentent le kidnapping de Dada, charmant petit garçon de l’élite chinoise dont elle est la nounou. Mais une fois avalées les pattes de crabe du Kamtchatka et les brochettes d'ailes de poulet, le plan tombe à l'eau, adieu la rançon : le grand-père de Dada vient d’être inculpé pour corruption, le père est arrêté, la mère a disparu. Yu Ling se retrouve seule avec l'enfant. Dans la grande villa aseptisée, Dada dresse une tente pour y accueillir tous ceux qui comme lui n'ont pas d'amis : l’Hôtel du Cygne.
Dans le huis clos de cette drôle de famille recomposée, Zhang Yueran dresse le portrait tout en nuances de la Chine d’aujourd’hui.
À propos de l'autrice :
Née dans la province du Shandong en 1982, Zhang Yueran vit à Pékin. Elle est l'une des voix les plus prometteuses et singulières de la littérature chinoise aujourd’hui.
Le Clou, son premier roman traduit en français, a créé l’événement. Un ouvrage majeur de la Chine contemporaine.
Mon Avis :
J'ai découvert ce roman avant sa sortie officielle grâce aux Explorateurs de la rentrée organisés par Lecteurs.com, dont je fais partie. Dans un premier temps, j'ai lu le tiers du livre et donné un premier avis, qui était plutôt positif. J'ai maintenant fini ce livre et voici donc mon avis complet.
Mon premier sentiment à la lecture du premier tiers s'est confirmé avec la suite et fin, dans l'ensemble, j'ai bien aimé cette histoire. Je voudrais tout d'abord souligner que le résumé en dit un peu de trop pour moi. Il donne des informations sur le grand-père et les parents du petit garçon que j'aurais aimé découvrir par moi-même. Heureusement, tout n’est pas dévoilé. Je ne vais pas revenir de trop sur le contenu, ce serait dommage de tout révéler.
J'ai aimé suivre ce huis-clos. Tout va se jouer pendant tout le livre entre la nourrice Yu Ling et le petit garçon, Dada. Tout ce qu'avait prévu Yu Ling pour essayer de se sortir de sa vie, échoue. L’enlèvement de Dada devait lui permettre de demander une rançon à sa famille, très aisée. Mais l’arrestation du grand-père de Dada, suivie de celle de son père, remet tout en question.
Au début, je ne comprenais pas trop pourquoi Yu Ling agissait ainsi. Je n'arrivais pas à la voir comme quelqu’un de méchant et de criminel. Son ami, M. Courge, est beaucoup plus roublard qu'elle. On sent chez elle un amour pour Dada, et du respect pour ses patrons, et notamment pour la mère de Dada. Et, c’est au fur et à mesure de ma lecture, que j'ai compris d’où venait cet attachement pour le jeune garçon, et alors, Yu Ling m'a parue très humaine. Avec le passé qu'elle a, c’est une femme courageuse, et pleine d'honneur. Elle prend soin de Dada comme si c’était son enfant.
Dada, justement, est un petit garçon plein de vie, qui aime sa nounou et souffre de l'absence de ses parents. Il représente très bien ce qu'est un enfant dans une famille aisée, avec un père à la très bonne situation et une mère occupée ailleurs. C’est alors la nourrice qui prend le relais et s'occupe de l'enfant. Le manque des parents est alors fort pour lui, et en même temps, il ne se rend pas compte de l'absence prolongée de ses parents. Il est très touchant, il n’a pas d'amis, pas de copains d'école, il est très solitaire, et j'ai eu bien souvent envie de le réconforter.
L'autrice a très bien dépeint la famille chinoise, avec ses codes d'honneur, ce qu'elle admet de faire ou pas. Peut-être rentre-t-on dans une sorte de cliché avec les gens fortunés qui trempent dans les affaires louches et la corruption, mais il en existe malheureusement tellement, et surtout dans des pays comme la Chine, que cela ne paraît même plus étrange, mais au contraire tout à fait normal.
Je me suis très vite attachée à Dada, j’ai très vite eu envie de le protéger. Comme je le disais plus haut, j'ai eu un peu de mal avec le personnage de Yu Ling au début, mais par la suite, j'ai très vite ressenti une certaine compassion pour elle.
Le choix narratif de l'autrice à la troisième personne du singulier n'est pas celui auquel je suis la plus sensible. Et en même temps, je trouve que c’est tout à fait approprié à ce genre de récit. Cela permet au lecteur de garder une certaine distance par rapport aux événements et aux émotions, et ce n’est pas négligeable ici, car les émotions sont parfois fortes. Plus j’avançais dans le livre et plus j’étais émue. La fin est belle, pleine d'espoir et de bienveillance.
Le style de l'autrice est très bon, d'une belle fluidité. Une fois plongée dans le livre, j'ai eu beaucoup de mal à m’arrêter. Il y a une cent cinquantaine de pages environ, j’ai lu donc sur la journée. J'avais tellement envie de savoir ce qui allait arriver que je ne me rendais pas compte du temps qui passait. L'histoire est vraiment addictive et immersive.
La construction est particulière. Il n'y a pas de chapitres. L'histoire est découpée en trois parties, correspondant aux événements importants. Et à l’intérieur de ces parties, pas de découpages en chapitre. Il n'y a pas non plus de dialogues avec des retraits à la ligne, comme on connait habituellement. Les dialogues sont insérés dans les paragraphes, avec des guillemets. Cela m' un peu déstabilisée au début, il m'a fallu un petit temps d'adaptation, mais finalement, la lecture s'est bien passée et j'ai trouvé tout de même de la fluidité au texte. J'avais peur qu’un texte compact crée des lourdeurs, mais non, le très bon style de l'autrice rattrape tout cela.
J'ai donc passé un bon moment avec ce livre et l'histoire de Yu Ling et Dada. J'aime beaucoup la signification du titre. L’hôtel du cygne est un espace que se créée le petit garçon avec une tente, pour pouvoir accueillir ceux qui, comme lui, n'ont pas d'amis. Le symbole est vraiment très joli. D'ailleurs, ce livre est plein de poésie dans les mots, dans les actes. Il est d'une extrême délicatesse, j'ai ressenti toute la sensibilité de l'autrice à travers ses mots. Et j'en ai été bien souvent très émue.
Je pense que je n’oublierai pas de sitôt ce livre, son histoire et ses personnages. Je découvre Zhang Yueran et je suis très contente de l'avoir fait. Je vais continuer à la suivre pour ne pas rater ses prochaines parutions. Elle a écrit un autre livre, Le Clou, dont le résumé me tente beaucoup.
Je ne peux, bien sûr, que vous recommander ce roman qui vous emmènera dans une Chine moderne et ancienne en même temps.
Je remercie sincèrement Zhang Yueran pour tout ce qu'elle m'a fait vivre pendant cette lecture ainsi que les éditions Zulma pour cette belle découverte.