La prisonnière de la mer de Elisa Sebbel

Publié aux éditions Le livre de poche

Résumé :

1809. Les guerres napoléoniennes font rage. Alors qu’ils croyaient être rapatriés en France, 5000 prisonniers se retrouvent captifs sur l’îlot de Cabrera, dans les Baléares. Pour survivre, un maigre filet d’eau douce, des rations insuffisantes, des abris précaires qu’il leur faut bâtir eux-mêmes. 21 femmes les accompagnent, parmi lesquelles Héloïse, vivandière de 18 ans dont le mari a succombé en mer, emportant avec lui l’insouciance et la légèreté de la jeune femme.

Si la guerre avait déjà meurtri les hommes, le désespoir leur fait bientôt perdre la raison. Par chance, Henri, chirurgien de l’armée, se prend d’affection pour Héloïse. Entre privations, épidémies et tempêtes, les morts s’accumulent, l’espoir s’amenuise, et Héloïse ne songe qu’à se libérer enfin de cet enfer – jusqu’à ce nouvel arrivage de prisonniers et de Louis qui fait tout chavirer.

À propos de l’auteure :

Docteur en littérature française, Elisa Sebbel est enseignante-chercheuse dans une université espagnole. La Prisonnière de la mer est son premier roman et a reçu la mention spéciale du jury du Mazarine Book Day en 2018.

Mon Avis :

J'ai lu ce roman dans le cadre du Prix des Lecteurs du Livre de Poche, il fait partie de la sélection d’août dans la catégorie littérature. Pour expliquer en quelques mots comment fonctionne ce prix, nous sommes cent trente jurés dans chaque catégorie qui, chaque mois, de février à août, allons lire une sélection de trois romans, en choisir un, et à la fin des sept mois, nous devrons choisir le gagnant du Prix parmi les sept romans que nous aurons sélectionnés. C’est une belle aventure que j'ai déjà eu l’occasion de vivre, elle m'a permis de faire de très belles découvertes de romans et d'auteurs que je ne connaissais pas toujours.

C’est une relecture pour moi, j'ai déjà lu ce roman en janvier 2019, lorsqu’il était sorti aux éditions Mazarine. J'avais gardé un très bon souvenir de ce roman, et j’étais très contente de me replonger dedans. C’était important pour moi de le relire afin de mieux le comparer aux autres romans de la sélection du mois.

Une chose très importante à souligner avant de rentrer plus dans les détails, c’est de souligner le fait que ce roman est basé sur des faits historiques se rapportant au début du dix-neuvième siècle, au moment où Napoléon Bonaparte va mener de nombreuses batailles Des prisonniers de l'armée Napoléonienne sont envoyés sur l'île de Cabréra, le rocher.

Elisa Sebbel a donné la parole à une des femmes vivant parmi tous ces hommes. Elles sont une vingtaine sur ce rocher parmi cinq mille hommes. Elles sont notamment vivandières (cantinières) ou blanchisseuses. L'auteure relate ici les faits qui se sont passés sur le rocher, elle a juste ajouté de la romance dans les vies de ces femmes et hommes. Elle a fait un travail de recherche conséquent pour nous retranscrire si bien ce qu'il pourrait se passer, les conditions de vie des soldats, leur mode de ravitaillement, les maladies nombreuses et l'incapacité de les soigner correctement. Elle nous en parle d'ailleurs en détail à la fin du livre, nous donnant ces nombreuses sources.

On suit donc Héloïse, cantinière sur l'île, son mari est mort, elle a une amie Marie, veuve également, et maman de jumeaux. Celle-ci va trouver de l'aide près de Victor, Héloïse près d'Henri. Héloïse avait décidé de s'enrôler dans l'armée pour ne pas être séparée de son mari, Armand, qui trouvera malheureusement la mort. Elle continuera donc seule, avec l'aide de Marie.Au début de leur captivité sur l'île, elles vont se sentir « libres », mieux vaut être là que dans la cale d'un navire. Mais très vite, la faim, les conditions d'hygiène, le typhus vont être le quotidien d'Héloïse. Elle va vivre de dures épreuves, elle va aimer un homme, elle va tout faire pour protéger Marie et ses enfants, elle va tout simplement essayer de survivre.

Elisa Sebbel raconte très bien et avec précision la vie de ces personnes prises au piège dans cette île. C'est un récit poignant, on ne peut que ressentir la douleur et en être ému. Ces femmes doivent avoir un mental fort pour arriver à supporter tout ce qu'elles endurent, elles côtoient chaque jour la mort, sont parfois touchées de près et doivent tout de même continuer, survivre. Leur cœur est aussi malmené. Il est normal de chercher du réconfort, mais elles n'osent pas s'attarder, ayant peur pour la vie de leurs compagnons.

Je me suis très vite attachée à Héloïse, c’est une femme forte et fragile à la fois. En voulant suivre son mari par amour, elle montre une très grande volonté. Il faut quand même une bonne dose de courage pour partir faire la guerre aux côtés de son mari. Elle va réussir à surmonter les drames dans sa vie, elle arrivera toujours à se relever, et pourtant, la vie ne lui fera pas de cadeaux. Elle connaîtra la maladie, la violence des homme, la maladie, la famine. Elle use de systèmes pour arriver à répartir la nourriture sur des temps parfois longs, elle fera de menus travaux pour essayer de gagner quelques fèves. Henri la protégera des autres, il en tombera amoureux, mais Héloïse est tombée sous le charme de Louis. L’amour est tout ce qui leur reste de positif dans leur vie et leur fait oublier leurs conditions inhumaines.

J'ai lu des avis où le lecteur avait été dérangé par les histoires de cœur, qui n’avaient rien à faire dans ce genre de récit. Je ne suis pas d'accord avec cela. La romance ne m'a pas choquée, le sentiment amoureux est humain, et c’est tout ce qu'il reste de bien aux habitants de cette île. Les hommes et femmes vont vivre très proches les uns des autres, c’est tout à fait logique que des rapprochements ont lieu. De plus, aimer permet de se sentir vivre et exister, et c’est très important quand on vit dans les conditions extrêmes de détention sur une île. Je pense sincèrement que cela pourrait arriver dans la réalité, c'est humain, et je trouve moi, que c’est le contraire qui serait le plus choquant pour moi.

L'attachement aux personnages et à celui de Héloïse en particulier est renforcé par le choix narratif de l’auteure, qui est celui auquel je suis le plus sensible. Elle a en effet choisi de racontera la première personne du singulier, j'aime beaucoup ce « je » qui me permet de me mettre dans la peau du personnage, à connaitre la moindre de ses pensées en rentrant dans sa tête, à ressentir ses sentiments les plus intimes. Je peux vous dire que ceux-ci ont été très intenses.  J’ai vraiment eu l'impression d’être sur cette île aux côtés de tous les personnages.

Les lieux sont également bien décrits, sans amener de lourdeurs au texte. Cette île est paradisiaque, il fait beau et chaud, mais les lieux peuvent être très beaux, lorsque la vie y est dure, c’est très difficile de les apprécier. Elisa Sebbel partage sur les réseaux sociaux des images des lieux du livre,  et ils correspondent tout à fait aux descriptions. C’est une histoire que je verrais bien adaptée au cinéma.

C'est un roman qui se lit très facilement, et ce grâce au très bon style de l'auteure et à sa fluidité. J'ai très vite été plongée dans l'histoire dès le début pour n'en ressortir qu’à la toute fin. Le fait qu'il parle d'une partie de notre Histoire réelle le rend encore plus addictif. L'auteure a su avec justesse dépeindre les lieux, les personnages et leurs caractères. J'ai beaucoup aimé cette lecture, forte et difficile parfois dans les événements. Je ne vais pas oublier de sitôt Héloïse, Marie et les autres. Et lorsque j’ai vu à la toute fin les mots « à suivre », je me suis déjà réjouie de retrouver alors dans un deuxième livre, les aventures de Héloïse. C’est vrai qu'on la quitte dans une posture pas très bonne, qui envisage une suite encore très mouvementée. Je ne sais pas quand ce second volet sortira, mais j'ai déjà hâte.

Cette histoire est très enrichissante, Elisa Sebbel met l'accent sur une partie de notre Histoire trop méconnue Il devrait figurer parmi les écrits à étudier pour nos jeunes. J'aime beaucoup quand mes lectures ont ce double pouvoir de me divertir et m’enrichir en même temps. Je suis très contente d'avoir pu le relire, je l'ai autant apprécié qu’il y a deux ans.

Une très belle lecture que je vous recommande, où tout est conté avec beaucoup de justesse et de pudeur. Et je vous invite également à suivre Elisa Sebbel sur les réseaux pour voir les images de cette île de Cabréra, pour mieux vous imprégner de l'ambiance. De mon côté, je vais continuer à suivre Elisa Sebbel avec grand intérêt.

Un grand merci à Elisa Sebbel pour ce moment intense et pour tout ce que j'ai

appris. Et tous mes remerciements également au Livre de Poche qui m'a permis de le relire grâce à son Prix des Lecteurs.

La Prisonnière de la mer

1809. Les guerres napoléoniennes font rage. Alors qu'ils croyaient être rapatriés en France, cinq mille prisonniers se retrouvent captifs sur l'îlot de Cabrera, dans les Baléares. Pour survivr...

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