La familia grande de Camille Kouchner
Publié aux éditions du Seuil
Résumé :
C'est l'histoire d'une grande famille qui aime débattre, rire et danser, qui aime le soleil et l'été. C'est le récit incandescent d'une femme qui ose enfin raconter ce qui a longtemps fait taire la familia grande.
À propos de l’auteure :
Camille Kouchner, 45 ans, est maître de conférences en droit. La Familia grande est son premier livre.
Mon Avis :
Avec le mouvement « Metoo », la parole des femmes se libèrent, et celle des hommes aussi, car n'oublions pas que les hommes sont touchés aussi, preuve en est de ce roman. Et c’est tellement bien que les personnes agressées prennent la parole, racontent. Plus il y en a qui le feront, et plus d'autres le feront aussi. Dans le même genre de livre, il y a celui de Vanessa Springora, Le consentement, que j'ai lu aussi. Je trouve important de lire de tels livres, ce n'est pas du voyeurisme, ce n'est pas pour voir où savoir, je me doute des faits. Je lis ces romans pour donner de la voix à leurs autrices, pour leur apporter mon soutien, même s'il est tout petit, et surtout pour donner de l'importance à ce que ces personnes ont vécu, pour montrer la gravité des faits, pour que la parole se libère et que les victimes n'aient plus peur de parler. Car c’est le silence qui donne de la force aux agresseurs.
Dans ce livre, Camille Kouchner nous raconte ce qui est arrivé à son frère jumeau, mais c’est aussi et surtout un portrait de sa famille dans les années 1970, une époque où tout se libère, où les comportements sont complètement débridés. Camille est la fille de Bernard Kouchner, le fondateur de Médecins sans frontières, politicien ensuite, et de Evelyne Pisier, dont la sœur, Marie-France, est une actrice très connue. Évelyne est quant à elle, professeure de droit et politologue. Camille a un frère jumeau, Victor, et un frère aîné, Colin. Ce ne sont pas les vrais prénoms de ses frères, elle a voulu les épargner, par contre, elle a donné les vrais pour ses parents et famille. Sa mère se sépare de son père, celui-ci de plus en plus absent, et se met en couple avec Olivier Duhamel. Une autre famille bien connue. La vie avec eux est complètement dissolue, ils passent leurs vacances dans leurs propriétés à Sanary sur mer, où ils reçoivent toute la famille, tantes, oncles, cousins, où tout le monde fait ce qu'il veut, où ils font la fiesta. Comme on peut s'imaginer à cette époque de libération en tout genre. Camille est attachée à son beau-père, celui-ci est cool et sympa. Camille déchantera quelques temps plus tard, quand à l'adolescence, son frère lui racontera les fois où le beau-père est venu dans sa chambre…vous imaginez la suite….Il va être difficile pour Camille, déjà d’accepter ces faits, d'accepter que son beau-père ne soit pas si gentil que ça, elle n'a jamais mis en doute la parole de son frère et je trouve ça très beau. Et cela va surtout être très compliqué pour elle d’en parler avec sa mère qui soutiendra toujours son mari. On sent un malaise tout de même au sein de cette famille, car plusieurs membres se suicideront, sans laisser vraiment d’explications.
Comme bien souvent, il faut un drame pour qu'un secret soit déterré, et ici cela va être la mort de sa mère, Evelyne. Ce sera l'explosion alors de la « familia grande » où des positions seront prises. La tante de Camille et Victor, Marie-France Pisier, sera la première à soutenir sa nièce, mais malheureusement elle est retrouvée morte dans sa piscine, bien avant la mort d'Evelyne. Une mort qui reste énigmatique, mais ça, c’est un autre débat…C’est surtout lorsque son frère aîné aura des enfants qui doivent partir en vacances chez les grands-parents, que Camille et son jumeau vont décider de dire la vérité, pour que de tels faits ne se renouvellent pas sur la nouvelle génération.. et ça se comprend complètement. Je n'ose imaginer l’appréhension que l'on doit avoir en tant que parents quand nos enfants côtoient celui qui nous a agressés…
Je vous ai parlé longuement du contenu du livre, mais je n'ai pas tout dévoilé, il y a encore plein de faits à découvrir, et il faut surtout s’imprégner de l'ambiance de cette famille, qu’il est difficile pour moi de retranscrire puisque je ne la connais pas. Camille Kouchner parle sans fards, raconte comme cela doit être raconté, avec beaucoup de lucidité sur l’époque, sur ce que celle-ci pouvait amener comme comportements extrêmes par moments. La libération sexuelle n'excuse rien, la libération des mœurs non plus. Rien n'excuse de tels gestes. Le frère de Camille, Victor, ne voulait pas parler de cela, comme toute victime de viols, incestueux ou pas, il se sent coupable, et essaie d'enfouir ses souvenirs pour pouvoir vivre. Mais c’est loin d’être bon. Et plus le temps passe, et plus c’est compliqué de parler. Camille a eu ce courage, et celui de parler d'une famille très connue médiatiquement. Je n'ose imaginer les remous que ce livre a dû faire dans la vie de chacun des membres de cette famille.
Bien sûr, je me suis attachée très vite à Camille et à son frère. Il est vraiment très difficile de faire autrement. C’est un récit, donc c’est écrit à la première personne du singulier, ce qui donne encore plus de force, on a l'impression que l'autrice se confie à nous. Les faits qu’elle énumère nous montre la façon dont beaucoup ont vécu dans ces années débridées. Je pense que beaucoup se reconnaîtront dedans. Cela n'a pas été le cas pour moi, car je suis issue d'une famille très stricte et guindée, ce qui ne m'a pas empêchée non plus de connaitre des faits graves comme ceux racontés dans ce livre. Comme quoi, l’état d’esprit de la famille et sa position sociale ne changent pas grand-chose quand un malade sexuel rôde.
J'ai lu ce livre très vite, en un peu moins d'une journée, il n'est pas très long, et la structure est assez aérée. Mais c’est aussi dû au contenu du livre. Une fois rentrée dans la famille Pisier-Kouchner-Duhamel, il m'a été très difficile d'en sortir. En même temps, je cherchais des renseignements sur chacun d'eux sur internet, car les ramifications de cette famille vont très loin. L'air de rien, j'ai appris encore beaucoup sur l'époque, sur certains comportements. Et surtout, je suis vraiment émue de ce qui est arrivé à ce jeune garçon, et je lui souhaite de devenir l'homme qu'il veut être.
Ce livre est à lire, il faut laisser la parole s'exprimer, et c’est vraiment une chance que cela soit possible maintenant. C’est tellement plus facile de cacher, et cela fait tellement mal. Et surtout, ce livre ne raconte pas seulement l'inceste, comme les médias veulent nous le dépeindre, c’est bien plus que cela, c’est le portrait d'une famille pendant un changement sociétal. C’est écrit avec beaucoup de pudeur et de sensibilité, et il montre également la force de la fratrie, capable de garder un secret mais aussi de révéler la vérité tout en protégeant l'autre. C’est aussi la destruction lente de la relation mère-fille, quand la mère ne veut pas soutenir sa fille ou son fils, quand elle continue d’être aveuglée par un soi-disant amour. Et pourtant cette fille aimera sa mère jusqu’au bout, la lettre qu'elle adresse à la fin du livre à sa mère, est bouleversante et m'a énormément émue.
Ce livre dégage une grande force. Je pense surtout que l’écrire a dû être bénéfique à son autrice. Mettre des mots par écrit sur les maux est une formidable thérapie. Rien que ça déjà est libérateur, et si en plus cet écrit est lu par d’autres, l'effet est décuplé.
Peut-on dire avoir aimé cette lecture ? Je ne peux pas aimer les faits qu'il s'y passe, je ne peux pas aimer le viol, l'inceste, les secrets, les mensonges, la vie débridée, non je ne peux pas aimer. Mais par contre, j'ai aimé la façon dont Camille raconte sa famille, j'ai aimé son courage de parler, de défendre son frère, de le protéger lui et les autres enfants. J'ai aimé son amoureux qui l'a toujours soutenue, j'ai aimé comment elle s'en sort et comment elle aide son frère. J'aime que la parole soit enfin donnée aux victimes et surtout qu’elle ne soit jamais mise en doute…
Alors lisez ce témoignage, lisez d'autres livres, pour que la libération de cette parole ne soit pas vaine.
Merci à Camille Kouchner, tout simplement merci, d’avoir été et d’être encore cette sœur…
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