Ici n'est plus ici de Tommy Orange
Publié aux éditions Le livre de poche
Résumé :
« Être indien en Amérique n’a jamais consisté à retrouver notre terre. Notre terre est partout ou nulle part. »
À Oakland, dans la baie de San Francisco, les Indiens ne vivent pas sur une réserve mais dans un univers façonné par la rue et par la pauvreté, où chacun porte les traces d’une histoire douloureuse. Pourtant, tous les membres de cette communauté disparate tiennent à célébrer la beauté d’une culture que l’Amérique a bien failli engloutir. À l’occasion d’un grand pow-wow, douze personnages, hommes et femmes, jeunes et moins jeunes, vont voir leurs destins se lier. Ensemble, ils vont faire l’expérience de la violence et de la destruction, comme leurs ancêtres tant de fois avant eux.
Débordant de rage et de poésie, ce premier roman, traduit dans plus d’une vingtaine de langues, impose une nouvelle voix saisissante, véritable révélation littéraire aux États-Unis. Ici n’est plus ici a été consacré « Meilleur roman de l’année » par l’ensemble de la presse américaine. Finaliste du prix Pulitzer et du National Book Award, il a reçu plusieurs récompenses prestigieuses dont le PEN/Hemingway Award.
À propos de l’auteur :
Tommy Orange est un auteur américain qui appartient à la tribu des Cheyennes du Sud. Diplômé de l’Instituteur of American Indian Studies, il a fait sensation sur la scène littéraire américaine avec son premier roman, Ici n’est plus ici. Celui-ci a été traduit dans plus de trente langues et à reçu le prix Pen/Hemingway Award.
Mon Avis :
J'ai lu ce roman dans le cadre du Prix des Lecteurs du Livre de Poche, il fait partie de la sélection de juin dans la catégorie littérature. Pour expliquer en quelques mots comment fonctionne ce prix, nous sommes cent trente jurés dans chaque catégorie qui, chaque mois, de février à août, allons lire une sélection de trois romans, en choisir un, et à la fin des sept mois, nous devrons choisir le gagnant du Prix parmi les sept romans que nous aurons sélectionnés. C’est une belle aventure que j'ai déjà eu l’occasion de vivre, elle m'a permis de faire de très belles découvertes de romans et d'auteurs que je ne connaissais pas toujours.
Et c’est le cas ici pour ce roman et cet auteur. Je n'avais pas entendu parler de lui, et n'avais pas vu ce livre lors de sa sortie en broché. Je suis vraiment très contente d'avoir fait cette découverte. Je ne sais pas si je serai allée vers lui sans ce prix, et cela aurait vraiment été très dommage.
C’est un premier roman pour cet auteur, et il a mis d’emblée la barre très haute. Il va m'être très difficile de vous résumer l'histoire. C’est le genre qui ne se résume pas, il se lit au fur et à mesure des chapitres. Tout ce qu'il faut savoir, c’est que l'on est à Oakland, en Amérique avec une communauté d'Indiens qui ne vivent pas dans une réserve, mais dans la ville, pauvrement et chichement. Ils essaient de conserver leurs traditions, de vivre avec les blancs. Pour continuer à vivre leurs coutumes ancestrales, un grand Pow-Wow va être organisé, avec un concours de danse, où ils pourront alors exprimer leurs rites. C’est l'occasion pour eux de ressortir les costumes, de se retrouver entre tribus et de fêter leurs racines. On suit douze personnages, avant et pendant cette fête. Certains d'entre eux sont des participants, d'autres font partie de l'organisation. Tous ont comme point commun leurs racines et leur envie de faire entendre leur voix. On va ainsi les suivre tous, indépendamment, on va découvrir leur histoire, leur passé, avec comme point d'orgue final, le Pow-wow, où tous vont être réunis, sans le vouloir, sans le savoir même parfois. Et tout ne va pas se passer comme ils le voudraient. L’histoire se répète, la violence, la destruction…
Je ne peux pas parler de chacun des personnages, au risque de faire une chronique bien trop longue. Je vais donc en parler plus généralement. Parmi eux, il y a de tous les âges, des jeunes, des moins jeunes, des plus vieux. Tous ont un passé à porter, certains ont été abandonnés à leur naissance, d'autres ont été abusés, violentés, ce sont les mères qui ont laissé leurs enfants,…Tous ont en commun de vouloir survivre, de vouloir mener une vie meilleure. Chacun d'eux m'a marquée, je me suis attachée à beaucoup d'entre eux. Ils ont tous des faits dans leurs vies qui font que cela les rend particuliers et intéressants à suivre. Et surtout, j'ai cherché à savoir tout le long ce qui pouvait tous les lier. Car on comprend vite qu'ils ne sont pas là par hasard et que l'on va tous les retrouver dans une scène finale qu'est le Pow-wow. Mais qui va faire quoi, pourquoi, ça je ne l'ai su qu’à la toute fin. On a des indices au fur et à mesure des chapitres, on devine, mais le résultat final est beaucoup plus inattendu.
Je dois bien avouer que j'ai eu peur en commençant ma lecture de me perdre et de mélanger quand j'ai vu tous ces personnages. J'ai pris des notes pour me rappeler du plus gros à savoir sur chacun, mais elles ne m'ont pas servi à grand-chose car je me souvenais bien de qui était qui finalement. La construction de ce roman est particulière et le rend original. Il est divisé en quatre parties, et chaque chapitre concerne un personnage. Il est joué comme une saynète. On apprend à connaître les personnes, leur passé, et on les voit évoluer dans le présent et préparer cette fête. Les chapitres sont alors plus ou moins longs selon les faits et on les retrouve toujours individuellement dans des chapitres qui leur sont consacrés. Ce n'est que dans la dernière partie où tout s’accélère, où les chapitres raccourcissent. Cela devient très haletant, il y a beaucoup de rythme, on sait que l’on arrive au point crucial, là où l'auteur a voulu nous mener, et cela devient très palpitant. L'effet monte crescendo tout le long, avec le Pow-wow au sommet.
Tommy Orange raconte avec beaucoup de justesse la difficulté d’être Indien en Amérique. Alors que ce sont tout de même eux les premiers sur cette terre, ce sont eux qui doivent faire des efforts pour s’intégrer au monde des hommes blancs et non l’inverse. Quand on y pense, c’est tout de même assez aberrant. Dans un long prologue, il raconte comment les Indiens ont été traités avec l’arrivée des Blancs sur leur territoire. Le ton est ainsi donné et on sait dans quoi on s'engage. Le reste est romancé, mais il n’empêche que l'on sait que tout ce que l'auteur décrit dans les faits ou dans les caractères de ses personnages existe réellement. Et cela fait froid dans le dos. Il met l’accent sur les difficultés d’intégration et d’acceptation, de se faire une place parmi les Blancs, d’être reconnus aussi et de pouvoir continuer à vivre leurs traditions. Quand on voit ce qu'ils subissent comme brimades et rejets, on comprend aisément leur envie de violence, de se venger et de se montrer dans un monde où on fait tout pour les étouffer. Franchement, je ne comprendrais jamais l'humain qui cherche toujours à avoir la suprématie et le pouvoir sur d'autres. On a tous le droit de vivre, qu'importe notre couleur de peau, nos traditions, nos croyances, nous sommes tous des êtres vivants.
Ces multiples histoires poussent à la réflexion et montrent bien ce que l'Homme peut faire. Le besoin de retrouver ses racines est important pour chacun de nous, l'envie de renouer avec nos traditions est légitime aussi. Ce livre fait réfléchir sur tout cela, on peut y faire des rapprochements avec d'autres civilisations qui ont essayé de survivre malgré le mépris des autres.
J'ai beaucoup aimé ce roman pour toute cette force qu'il dégage. C’est en plus très bien écrit. L'auteur a su mettre beaucoup d’intensité dans ses mots et ses descriptions. Il a su également retranscrire l'ambiance, les décors, les costumes. J'ai réussi à voir chacun d’eux dans mon imagination, à entendre les tambours et voir les pas de danse. Et en même temps, pas de lourdeurs dans le récit. Ce livre s'est lu rapidement. Ce fût peut-être un peu laborieux au début pour se souvenir de chacun des personnages, mais c’est vraiment le temps d'une cinquantaine de pages. Comme je le disais plus haut, les événements font que l'on repère vite qui est qui, qui fait ou va faire quoi. La construction donne également beaucoup de rythme à la lecture, quand on a fini un chapitre avec un personnage, on a hâte de le retrouver dans un prochain pour savoir ce qui va lui arriver. Et c’est ainsi que les pages défilent sans s'en rendre compte, et la tension devenant de plus en plus forte, j'ai eu beaucoup de mal à lâcher mon livre.
C’est vraiment une réussite pour un premier roman. Tommy Orange étant lui-même issu de la tribu des Cheyennes, on sait que tout ce qu'il dit dans ce roman a une grande part de réalité, et c’est encore plus prenant et émouvant. C’est un auteur que je vais continuer de suivre, car j'ai beaucoup aimé son style, son originalité, sa façon de raconter une histoire, de nous faire rencontrer des personnages hors du commun.
Je vous recommande vraiment ce livre si vous avez envie de lire un roman profondément humain, qui véhicule de très beaux messages, de très belles valeurs humaines. Et comme dans tous les peuples, les liens de familles, l'amour entre les personnes, sont ce qu'il y a de plus importants. Vous en apprendrez encore un peu plus sur ce peuple amérindien, vous serez baignés dans leurs traditions.
Ce livre m'a vraiment donné envie de découvrir d'autres auteurs amérindiens et d'autres histoires sur eux. Je vais le garder en mémoire un petit moment, grâce à son originalité et à sa profondeur.
Je sais bien que Tommy Orange ne lira jamais cette chronique, mais je lui adresse mes remerciements pour tout ce qu’il m'a fait vivre pendant cette lecture. Et un grand merci au Livre de Poche qui me permet de sortir de ma zone de confort avec le Prix des lecteurs.
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