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Marie-Nel lit

La petite conformiste de Ingrid Seyman

26 Juin 2021 , Rédigé par Marie Nel

La petite conformiste de Ingrid Seyman

Publié aux éditions Le Livre de Poche

 

 

Résumé :

 

Esther est une enfant de droite née par hasard dans une famille de gauche, à Marseille, au mitan des années 1970. Chez elle, tout le monde – sauf elle – est excentrique. Sa mère est une secrétaire anticapitaliste qui ne jure que par Mai 68. Son père, juif pied-noir, conjure son angoisse d’un prochain holocauste en rédigeant des listes de tâches à accomplir. Il y a également un frère hyperactif et des grands-parents qui soignent leur nostalgie de l’Algérie en jouant à la roulette avec les pois chiches du couscous. Mais aussi une violence diffuse, instaurée par le père, dont les inquiétantes manies empoisonnent la vie de famille.
L’existence de la petite fille bascule lorsque ses géniteurs, pétris de contradictions, décident de la scolariser chez l’ennemi : une école catholique.

 

 

À propos de l'autrice :

 

Ingrid Seyman est journaliste et réalisatrice. La petite conformiste est son premier roman.

 

 

Mon Avis :

 

J'ai lu ce roman dans le cadre du Prix des Lecteurs du Livre de Poche, il fait partie de la sélection de juin dans la catégorie littérature. Pour expliquer en quelques mots comment fonctionne ce prix, nous sommes cent trente jurés dans chaque catégorie qui, chaque mois, de février à août, allons lire une sélection de trois romans, en choisir un, et à la fin des sept mois, nous devrons choisir le gagnant du Prix parmi les sept romans que nous aurons sélectionnés. C’est une belle aventure que j'ai déjà eu l’occasion de vivre, elle m'a permis de faire de très belles découvertes de romans et d'auteurs que je ne connaissais pas toujours.

 

C’est le cas pour Ingrid Seyman. Je ne la connaissais pas du tout et je n'avais pas vu passer ce roman lors de sa sortie en grand format. C’est un premier roman, et je trouve que l'autrice a fait fort pour une première fois. C’est le genre de livre que vous n'oubliez pas, à cause de l'histoire, mais surtout à cause de son style d'écriture, incisif, acéré.

Lorsque la toute première phrase est : « Je suis née d'une levrette, les genoux de ma mère calés sur un tapis en peau de vache synthétique. », le ton est tout de suite donné au roman. Ça pose l'ambiance d’entrée de jeu et on comprend que le style va être moderne et anticonformiste justement, tout l'inverse du titre. La parole est donnée à la fille de la famille, et on comprend aussi très vite que c’est elle qui va être « la petite conformiste » du titre.

Cette petite fille, c’est Esther. Elle naît au milieu des années 70, ses parents sont des ex-soixanthuitards, le père travaille dans une banque, la mère est secrétaire. Ils aiment se promener nus dans leur appartement, et font l'amour un peu partout n'importe quand, surtout dans le canapé le dimanche après-midi, devant « L’école des fans » de Jacques Martin. Esther aura un petit frère, né trois ans après elle. Elle appelle ses parents par leur prénom. Son père, Pascal, est originaire d'Algérie, c’est un pied-noir, expatrié d’Algérie en1962 pour venir vivre à Marseille. Les origines juives sont fortes, la grand-mère Fortunée prend beaucoup de place dans les décisions. La mère, Elizabeth, est française, et athée. L’excentricité de ses parents fait que Esther ne se sent pas à l'aise dans sa famille. Son père a de nombreuses manies, qui empoisonnent la vie de la famille. Il dresse en permanence de nombreuses listes qu'il répète comme des litanies. Esther va ainsi grandir dans cette ambiance, renforcée par les changements sociaux, on est en 1981 avec l’arrivée de la gauche au pouvoir et ses nombreuses promesses. Esther va chambouler l’ordre de vie de sa famille quand elle ira dans une école catholique et surtout qu'elle voudra se faire baptiser et sa communion. On s'imagine très bien que sa différence est très voyante au sein de cette famille.

 

Et tout ceci pour nous mener vers un drame qui sonne comme une évidence. J'aurais dû me douter, je sentais depuis le début du roman que quelque chose allait arriver, de quelle nature, je ne pouvais le dire. Quand j’ai assisté à ce drame, cela m'a paru évident, et pourtant je ne m'y attendais pas. Mais maintenant que je le sais, en effet, tous les signes étaient bien présents.

Je me suis attachée à Esther, tout en restant détachée d'elle, c’est assez ambigu comme ressenti. La narration à la première personne permet de s'attacher à elle, de ressentir toutes les émotions qui la traversent. Je suis toujours plus sensible à ce genre de narration, car elle me permet de rentrer dans la peau du personnage, de rentrer dans sa tête et de savoir ses pensées les plus intimes. Cela m'a permis de prendre sa place au sein de cette famille pas comme les autres, et je dois dire que l’expérience est assez perturbante. Comment aurais-je réagi face à de tels parents, je ne sais pas. Quand on est enfant, et surtout quand on arrive à l'adolescence, on rentre souvent en conflit avec ses parents, alors quand ceux-ci ressemblent aux parents d'Esther, on se dit qu'elle aurait pu tourner plus mal. Surtout on comprend qu'elle ait voulu faire des choses à l'opposé d'eux, école catholique, baptême, etc…

 

Cette famille est hors du commun, l’excentricité des parents fait qu’on  a l'impression qu'ils vivent dans un autre monde. Mais quand on remet ça dans le contexte de l'époque, c’est tout à fait crédible. La libération sexuelle et de la femme a bouleversé la société. Ces jeunes femmes se sont alors heurtées à leurs propres parents qui leur paraissaient totalement vieux jeu.

Ingrid Seyman a vraiment très bien retranscrit l'époque, l'ambiance qui y régnait. J’avais à peu près le même âge qu'Esther dans les mêmes années, je me souviens de l'élection de Mitterrand, du choc que ça a fait, je suis issue d'une famille stricte, à l'inverse de celle de Esther, et je me rappelle très bien cette époque où les gens prenaient de plus en plus de liberté et où cela choquait les personnes plus strictes. Bref, tout cela pour dire, que l'autrice a très bien détaillé ces années là, et je me suis parfois reconnue dans certains aspects ou certaines amies d'Esther.

 

Tout cela est porté par un style très fluide, ça se lit très facilement, sans lourdeurs et sans complications. J'ai beaucoup aimé les nombreuses touches d’humour qu'a mis l'autrice. Cela allège énormément le récit et surtout le drame que l'on sent sous-jacent. Certains scènes sont cocasses et apportent des bulles de légèreté. J'ai souvent souri. J'ai bien ressenti l’atmosphère, et j'ai surtout eu l'impression d'avoir une épée de Damoclès au-dessus de la tête, me demandant quand elle allait me tomber dessus. Par contre, j'ai eu du mal à m’attacher aux personnages, et je ne sais pas dire pourquoi. Peut-être parce que ça va un peu trop vite, et que j’aurais parfois aimé que certains aspects soient un peu plus développés. Comme la fin, un gros drame de passe à quelques lignes de la fin, d'ailleurs, n'allez surtout pas la lire par curiosité, car vous serez trop vite spoliés et ce serait vraiment dommage. Donc je disais, que j’aurais aimé que ça continue un peu. En fait, j'aimerais savoir ce qu'il s'est passé alors pour Esther. Mais le charme de ce livre, c’est aussi  justement ces drames et cette fin rapide.

 

J'ai passé un bon moment avec ce roman, ce n'est pas non plus un coup de cœur. C’est assurément une histoire que je n'oublierai pas de sitôt, je ne saurais pourtant pas vous dire ce qu'il m'a manqué pour que ce soit plus intense. C’est vraiment un ressenti personnel par rapport à l’histoire, et cela n'est sûrement pas partagé par tous.

Une chose est sûre, c’est que j'ai aimé la plume de Ingrid Seyman et j'aimerais beaucoup la lire à nouveau. Je vais donc la suivre de près afin de ne pas louper une future parution. Je suis curieuse de savoir quel sujet elle va traiter.

Je vous conseille bien sûr ce roman, il faut le lire et le découvrir et vous faire votre propre ressenti. Il est intéressant par les sujets qu'il traite et par l'ambiance, parfois très extravagante. Rien que pour ça, il faut le lire.

 

Je remercie Ingrid Seyman pour ce moment de lecture très intéressant et bien sur, un grand merci au Livre de Poche et son Prix des Lecteurs qui me permettent de sortir de ma zone de confort, et de faire des lectures que je n'aurais sûrement pas faites en temps normal.

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