Une bête au Paradis de Cécile Coulon
Publié aux éditions Le Livre de Poche
Résumé :
La vie d'Émilienne, c'est le Paradis. Cette ferme isolée, au bout d'un chemin sinueux. C'est là qu'elle élève seule, avec pour uniques ressources son courage et sa terre, ses deux petits-enfants, Blanche et Gabriel. Les saisons se suivent, ils grandissent. Jusqu'à ce que l'adolescence arrive et, avec elle, le premier amour de Blanche, celui qui dévaste tout sur son passage. Il s'appelle Alexandre. Leur couple se forge. Mais la passion que Blanche voue au Paradis la domine tout entière, quand Alexandre, dévoré par son ambition, veut partir en ville, réussir. Alors leurs mondes se déchirent. Et vient la vengeance.
Une bête au Paradis est le roman d'une lignée de femmes possédées par leur terre. Un huis clos fiévreux hanté par la folie, le désir et la liberté.
À propos de l'auteure :
Née en 1990, Cécile Coulon consacre sa thèse de Lettres Modernes au « Sport et à la littérature ». "Le Roi n'a pas sommeil" a obtenu le Prix Mauvais Genres France Culture / Le Nouvel Observateur 2012, et s'est vendu à près de 20 000 exemplaires. Avec "Le Rire du grand blessé", en 2013, elle nous a offert une fable d'anticipation sur la place de la littérature dans notre société. Elle est considérée comme l'une des voix les plus prometteuses de sa génération.
Mon Avis :
J'ai lu ce roman dans le cadre du Prix des Lecteurs du Livre de Poche, il fait partie de la sélection de mai dans la catégorie littérature. Pour expliquer en quelques mots comment fonctionne ce prix, nous sommes cent trente jurés dans chaque catégorie qui, chaque mois, de février à août, allons lire une sélection de trois romans, en choisir un, et à la fin des sept mois, nous devrons choisir le gagnant du Prix parmi les sept romans que nous aurons sélectionnés. C’est une belle aventure que j'ai déjà eu l’occasion de vivre, elle m'a permis de faire de très belles découvertes de romans et d'auteurs que je ne connaissais pas toujours.
Il s'agit d'une relecture pour moi, car j'ai déjà lu ce livre en décembre 2019, et j'ai à nouveau ressenti tout ce que j'avais pu vivre lors de ma première lecture. Je ressors séduite par l'auteure et satisfaite de ma lecture. J'ai lu ce livre rapidement, en un après-midi, l'histoire est prenante et une fois rentrée dedans, je n'ai pas su le lâcher. J'ai vécu avec une sorte d'épée de Damoclès au-dessus de ma tête, me demandant où l'auteure allait m'emmener, et ce qui allait surtout bien pouvoir se passer.
Une bête au paradis, c'est surtout une histoire de femmes. Celle d'Émilienne et de Blanche. Émilienne vit dans une ferme isolée, elle est veuve, son mari est mort d'un cancer. Sa fille et son gendre sont morts dans un accident de voiture, laissant leurs deux enfants orphelins. Émilienne va élever ses petits-enfants, Blanche et Gabriel, aussi bien qu'elle le peut. Elle est aidée dans son travail à la ferme par Louis, un jeune homme battu par son père, qui va quitter son foyer pour vivre avec Émilienne qui va l'adopter. On va donc suivre ces quatre personnages dans leur vie quotidienne à la ferme, Blanche veut marcher dans les bras de sa grand-mère, elle l'aide beaucoup dans le travail, aux soins des animaux. Arrivée à l'adolescence, elle va tomber amoureuse d'un copain de son lycée, Alexandre, avec qui elle vivra les premiers émois. Louis, secrètement épris de Blanche, va devenir très jaloux. Gabriel, lui, est un garçon plus renfermé sur lui-même, moins exubérant et plus réservé. Il est beaucoup moins intéressé par la ferme.
Tout ce petit monde vit dans cette ferme qui s'appelle le Paradis qui va être un personnage à part entière. Cette histoire est une sorte de huis-clos, on ne sortira pas beaucoup du Paradis, à part quelques scènes où on nous signale que les personnages sont au marché à la ville voisine. D'ailleurs, il n'y a pas de lieu d'indiqué, à aucun moment on sait où se passe tout le roman. J'ai lu dans une interview de Cécile Coulon qu'elle s'était inspirée d'une ferme du Limousin qui existe, la configuration des lieux, des animaux et des terres correspondent. Cette ferme tient une place très importante et représente un enjeu dans la vie de ses occupants.
J'ai trouvé les personnages particulièrement bien travaillés. Émilienne et Blanche sont des femmes fortes, au caractère bien trempé, qui savent ce qu'elles veulent et n'hésitent pas à le dire. Blanche connaitra une belle histoire d'amour avec Alexandre. En tant que lecteur, on sent tout le long que ce n'est pas gagné, que tout ne va pas se passer aussi facilement que ça. Parce qu'on voit la jalousie de Louis qui pourrait l'amener à faire une bêtise, parce qu'on voit aussi qu'Alexandre a des envies de partir et il est très difficile pour Blanche de quitter sa grand-mère et la ferme. Je me suis demandée bien souvent comment ils allaient tous arriver à concilier leurs vies. Les personnages masculins d'ailleurs ne sont pas effacés par les femmes. Ils tiennent eux aussi une place importante dans la construction de l'histoire car ils sont ceux qui pourraient faire flancher Blanche du destin qu'elle veut se tracer. Et tout le long du roman, je me suis demandée si Blanche allait succomber à Alexandre, si elle allait rester ou partir, si elle allait plutôt aller vers Louis, ou si elle allait rester seule, comme sa grand-mère.
Malgré que le récit soit à la troisième personne du singulier, je me suis attachée aux deux femmes, j'ai eu peur pour elles, de ce qu'elles pouvaient décider qui ne sera pas toujours le meilleur. Blanche ne sera pas épargnée par la vie, devra prendre des décisions qui auront de fortes répercussions pour elle. Je ne m'attendais pas du tout à certaines d'entre elles, mais la douleur peut faire faire des choses inacceptables.
C'est une histoire sombre, un huis clos où l'atmosphère est parfois irrespirable et très tendue. L'auteure retranscrit très bien toute la noirceur des personnages, elle est allée chercher ce qu'il pouvait y avoir de plus dur et tragique dans chacun d'eux. Comme je disais plus haut, je me doutais qu'il allait arriver un drame, mais quoi ? Rien qu'en décortiquant le titre, on se dit que quelque chose va se passer, on comprend que le Paradis, c'est le nom de la ferme, mais « la bête » c'est qui, c'est quoi ? J'ai jeté mes soupçons sur certains, je me suis totalement trompée au final. L'auteure nous décrit une personne manipulatrice au possible, qui fera tout par intérêt. Quand j'y pense maintenant, ça glace le sang, je suis toujours écœurée par ce genre de personne. Mais, je n'en dirai pas plus, ce serait dommage de dévoiler le nœud de l'histoire. En tout cas, Cécile Coulon n'hésite pas à faire souffrir ses personnages et à leur faire mener la vie dure.
C'est le premier roman de Cécile Coulon que je lis, c'est donc une totale découverte pour moi. J'ai apprécié son style, direct, franc, sans fioritures, elle dit les choses, ne les emballe pas dans du papier doré, j'aime beaucoup cette clarté. Elle a très bien décrit les lieux et les personnages qu'on arrive très bien à se les représenter. Un petit détail que j'ai beaucoup aimé, c'est que chaque chapitre commence par un verbe, « Partir », « Dire », « Continuer », « Cogner », etc... Et on se rend compte à la fin du chapitre que ce verbe correspond très bien à ce qu'il s'y passe. Moi qui ne suis pas douée pour résumer un texte, je trouve ça fort de le faire en un seul verbe. Le final, quant à lui, est abrupte et tombe comme un couperet, mais je l'ai trouvé fort réaliste. J'aurais peut-être aimé qu'il soit un peu plus approfondi, mais il fait son effet et colle bien avec l'ambiance générale. Les chapitres sont courts, cela donne du rythme à la lecture.
Pour conclure, je dirais que c'est une très bonne relecture pour moi, j’ai pris autant de plaisir dans ma lecture que la première fois, je me souvenais de certains faits, mais pas de tous les détails, et lire en sachant ce qu'il va se passer fait que j'ai été encore plus réceptive aux évènements. Je vais approfondir mes connaissances en lisant ces précédents romans, dont notamment Trois saisons d'orage dont j'entends beaucoup parler. Et son petit dernier, Kérosène, paru aux éditions L’Iconoclaste, qui me fait très envie.
Si comme moi, vous ne connaissez pas, tentez l'aventure. J'ai lu un peu de tout comme avis sur cette histoire, des positifs comme des négatifs. Pour moi, c'est positif. Je pense qu'il faut le lire pour se faire son propre jugement.
Cécile Coulon ne lira peut-être pas cette chronique, mon blog étant beaucoup trop petit pour qu'elle puisse en prendre connaissance, mais je lui adresse tout de même mes remerciements pour ce qu'elle m'a fait vivre au Paradis.
Un grand merci également au Prix des Lecteurs du Livre de poche qui m'a permis de relire et d’apprécier à nouveau ce roman.
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La vie d'Émilienne, c'est le Paradis. Cette ferme isolée, au bout d'un chemin sinueux. C'est là qu'elle élève seule, avec pour uniques ressources son courage et sa terre, ses deux petits-enfan...
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