Nuits d'été à Brooklyn de Colombe Schneck

Publié aux éditions Le Livre de Poche

Résumé :

Frederick a quarante et un ans, il est professeur de littérature, spécialiste de Flaubert, noir, marié, père d’une adolescente et vit, au moment des faits, dans une jolie maison en brique à Brooklyn. Frederick trompe sa femme. Sa maîtresse s’appelle Esther, elle est blanche, juive, parisienne, évidemment plus jeune. Elle vient de terminer ses études de journalisme. Elle est en stage pour trois mois à New York. Cet adultère est un événement minuscule, mais la vie personnelle est plus importante que les mouvements du monde, tant qu’on a la capacité d’y échapper.
Pourtant ce sont bien les mouvements du monde qui vont rattraper Frederick et Esther. Dans les archives, les traces des émeutes d’août 1991 sont nombreuses, elles mentionnent l’accident de voiture qui a causé la mort d’un petit garçon de sept ans et l’assassinat d’un jeune homme dans une rue de Brooklyn, mais rien sur leur amour et leurs peaux nues.

Ce livre est le récit d’une enquête. C’est une histoire de haine et une histoire d’amour.

À propos de l’auteure :

Née en 1966, Colombe Schneck est journaliste et romancière. À travers ses livres, elle poursuit une entreprise qui allie littérature et enquête familiale. Elle a notamment publié L’increvable Monsieur Schneck aux éditions Stock et La Réparation aux éditions Grasset, qui a été traduit dans plusieurs pays.

Mon Avis :

J'ai lu ce roman dans le cadre du Prix des Lecteurs du Livre de Poche, il fait partie de la sélection de mai dans la catégorie littérature. Pour expliquer en quelques mots comment fonctionne ce prix, nous sommes cent trente jurés dans chaque catégorie qui, chaque mois, de février à août, allons lire une sélection de trois romans, en choisir un, et à la fin des sept mois, nous devrons choisir le gagnant du Prix parmi les sept romans que nous aurons sélectionnés. C’est une belle aventure que j'ai déjà eu l’occasion de vivre, elle m'a permis de faire de très belles découvertes de romans et d'auteurs que je ne connaissais pas toujours.

Et cela va être le cas à nouveau ici, je ne connaissais pas ce roman, j’avais déjà entendu parler de l'auteure. C’est une belle découverte dans l'ensemble.

Colombe Schneck a basé son histoire entre ses personnages sur des faits réels qui ont eu lieu le 19 août 1991 à Brooklyn, 2 enfants noirs américains vont être renversés par la voiture du cortège d'un rabbin juif, le jeune garçon va mourir, la petite fille très lourdement blessée. Cet accident va entraîner des émeutes entre la communauté noire et la juive, provoquant de nombreux accidents dont l’agression d’un père et son fils. C’est dans ce contexte très mouvementé que deux personnes vont se rencontrer. Esther, est une jeune journaliste française, d'origine juive même si elle ne connaît pas son histoire familiale. Elle vient à New-York pour un stage de 3 mois. Elle fait la rencontre de Frederick, il est Nord-américain, issu de la bourgeoisie de Chicago, a quarante et un ans, est professeur de littérature. L'attirance va tout de suite avoir lieu entre eux. Le seul problème, c’est que Frederick est marié et père d'une adolescente. Leurs deux mondes sont en train de s'affronter à l’extérieur et eux vivent dans une bulle. Ils échangent chacun leurs opinions sur les événements extérieurs, Esther veut croire en une belle histoire d'amour, mais elle sait qu’elle ne reste pas longtemps en Amérique, et Frederick quitterait-il sa femme pour elle… c’est dans ce contexte mouvementé que l'on va regarder évoluer ce couple.

J'ai bien aimé suivre ce couple dans leur histoire intime mais aussi dans leur rapport aux évènements qui se passent autour d'eux. Lui est noir, elle est blanche juive, ils font tous deux parties des deux communautés qui s'opposent. Esther et Frederick sont la preuve que tout le monde peut s'entendre, pas de différence de couleurs de peau ou d’appartenance à une religion, tout humain peut s'entendre avec un autre. J'ai trouvé l’idée d'une histoire d'amour entre deux personnes dont les castes s’opposent, bien trouvée. L’être humain est capable des pires indifférence et atrocités au nom d'une religion ou d'une différence. Frederick a beau être d'un milieu bourgeois, il subira ces problèmes de couleur de peau par les personnes extérieures.

Je me suis attachée à ces deux personnages, à leur histoire d'amour, quasi improbable en me demandant comment elle allait évoluer, avec les embûches qu'ils traversent. On sent le drame arriver et en même temps, on espère très fort se tromper. On les suit dans leur torture psychologique à se demander s'ils ont raison d'entretenir une liaison. Colombe Schneck les a bien travaillés, dans leurs sentiments et leurs psychologues. Elle utilise la troisième personne du singulier pour raconter l'histoire. Ce choix narratif permet de garder une certaine distance avec  chacun des personnages, et c’est parfois appréciable pour ne pas prendre de plein fouet tout ce qui leur arrive. Je suis d’habitude plus sensible à une narration à la première personne qui me fait me mettre à la place du personnage. Mais ici, cela ne m'a pas empêchée de ressentir tout ce qu'ils vivent, que ce soit Esther ou Frederick.

L'auteure a également bien décrit les événements historiques, avec beaucoup de justesse, sans faire dans le sanguinolent ou le voyeurisme. Tout est rapporté comme dans un article de journal. On sent alors le métier de journaliste de Colombe Schneck, dans sa façon de raconter les faits, d’impliquer le lecteur dedans. J’ai vraiment bien aimé son style.

Le livre débute le 19 août 1991, le jour de l’accident. Les chapitres suivants vont se passer soit 2 mois avant, soit pendant, soit juste après. On change à chaque chapitre de temporalité, on voyage entre le présent et le passé. Cela peut déstabiliser, mais moi, j'ai plutôt bien aimé, j'ai trouvé que cela donnait du rythme à la lecture et créait même un certain suspense. Parfois, on savait à l'avance la finalité d'un fait, mais revenir en arrière permettait ainsi d'expliquer pourquoi la situation était ainsi. J’ai trouvé que ma lecture passait très vite avec une telle construction. Pour arriver à un final auquel on ne peut pas s’attendre en commençant le roman. Il nous montre bien ce que devient chaque protagoniste, et j'ai aimé cette fin qui clôt bien le tout.

J’ai passé un bon moment en compagnie de ces personnages et de leur histoire dans la grande histoire. J'ai appris plein de choses sur les émeutes et évènements de août 1991. Je ne m'en souvenais pas particulièrement. Et malheureusement, trente ans après, de tels drames pourraient arriver encore. À croire que les hommes referont toujours les mêmes erreurs, se battront toujours pour une couleur de peau différente ou pour une religion différente. Je trouve cela vraiment terrible et dramatique… Comme vous le voyez, cette lecture pousse à la réflexion, et j'adore quand mes livres ont ce double emploi de me distraire et m'informer en même temps. C’est très enrichissant.

Je découvrais Colombe Schneck avec ce livre, et il m'a donné très envie de lire d'autres romans d'elle. Une chose est sûre, c’est que je vais continuer à suivre son actualité et la relire à nouveau. Je ne peux que vous conseiller la lecture de ce livre, qui parle de faits importants un peu méconnus.

Il ne me reste plus qu’à remercier Colombe Schneck pour ce moment intense de lecture et à nouveau un grand merci au Prix des lecteurs du Livre de Poche qui me permet de sortir de ma zone de confort avec des livres que je n'aurais sûrement pas lus, et cela aurait été vraiment très dommage.

Nuits d'été à Brooklyn

Frederick a quarante et un ans, il est professeur de littérature, spécialiste de Flaubert, noir, marié, père d'une adolescente et vit, au moment des faits, dans une jolie maison en brique à ...

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