Le labyrinthe des femmes de Coline Gatel
Publié chez Préludes éditions
Résumé :
Lyon, 1898. Six mois se sont écoulés depuis que le professeur Alexandre Lacassagne a demandé à Félicien Perrier, l’un de ses étudiants, de créer une équipe de scientifiques dédiée à la résolution des affaires criminelles. Et celle-ci est bientôt dépêchée sur les lieux d’une macabre découverte : à qui appartiennent ces corps de femmes décomposés trouvés dans les entrailles de la Croix-Rousse ? Pourquoi ont-ils été déposés là, comme sur un autel sacrificiel ? Est-ce l’œuvre d’un fou ou d’une secte ? Le vieux bateau-morgue reprend du service. Au meilleur de sa forme depuis que son ami Freud se livre sur lui à des séances d’hypnose, Félicien va réunir, une à une, les pièces de cet étrange puzzle.
Pendant ce temps, Irina Bergovski, journaliste au Progrès, mène l’enquête à l’asile d’aliénés du Vinatier où elle a été enfermée.
À propos de l'auteure :
Après des études en histoire, Coline Gatel s’essaie très jeune au journalisme avant de se tourner vers la publicité et les métiers du livre, dont l’édition. Elle est lauréate du concours « À la recherche des talents de demain » pour son premier roman, Les Suppliciées du Rhône.
Mon Avis :
Il y a peu, je vous parlais dans une chronique, du roman «Les suppliciées du Rhône qui est le premier roman de Coline Gatel. Je vous avais expliqué combien j'avais aimé cette lecture qui m'avait emmenée dans le Lyon de la fin des années 1800, dans les débuts des enquêtes policières plus poussées. J'ai pris donc grand plaisir à retrouver Coline Gatel et surtout ses personnages, Félicien Perrier, Irina Bergovski, Bernard Lecuyer et le professeur Lacassagne. J'adore la sensation de me plonger dans un livre quand je sais à l'avance que je vais apprécier chaque page.
Je ne vais pas trop revenir sur le contenu de l’histoire, car c’est tout de même une histoire à suspense, et ce serait dommage de trop en dévoiler et de vous gâcher l’effet qu’a voulu créer l'auteure. Ce second roman commence donc six mois après la fin du premier, en juillet 1898. Félicien Perrier est en fâcheuse posture, mais il peut compter sur son amie Irina pour le sortir de là. Après les terribles meurtres qui ont eu lieu six mois auparavant sur des jeunes femmes, une terrible découverte est faite dans les galeries souterraines sous la Croix-Rousse à Lyon. Un charnier, des corps de jeunes femmes en décomposition, posés sur un autel fait d'os plus anciens. Le professeur Lacassagne va donc demander à Félicien de pratiquer des autopsies sur les cadavres et de rechercher les causes des morts. Du coup, le vieux bateau-morgue va reprendre du service, Félicien et Bernard vont donc chercher à comprendre ce qui est arrivé à ces femmes.
Dans un second temps, on suit Irina. La jeune journaliste s'est mise dans la tête de mener une enquête à l'asile où sont enfermées des femmes sous de faux prétextes. Elle aura alors l’idée de s'y faire enfermer elle-même pour mieux mener l’enquête. Elle ne sait pas dans quoi elle a mis les pieds, et ce qu’elle va y subir dépasse ce qu'elle avait pu imaginer.
Bernard va, de son côté, se lier d’amitié avec un homme qui l’entraînera lui dans des lieux secrets où des hommes veulent refaire la société…et pas toujours sous un bon jour…
Et bien sûr, nous allons retrouver notre cher Félicien, toujours fidèle à lui-même, dans son excentricité, sa façon de vivre un peu déjantée, dans ses excès de tout. Je l’ai déjà dit dans ma première chronique, Félicien me fait penser à Sherlock Holmes, dans ses excès comme dans ses déductions. Et j'adore ça ! Il est parfois désopilant, mais tellement drôle aussi. Il cache derrière son indifférence un grand cœur, il aime son travail, il aime trouver des réponses. Il fait parfois peur avec certains comportements, mais il est toujours loyal et fidèle en amitié. Il a de belles valeurs.
Tous les personnages sont très bien travaillés par l'auteure. Ils représentent très bien la société de cette époque. On a Félicien qui se fiche des convenances, qui fume, qui va dans des maisons closes, Irina qui est une femme qui porte des pantalons et qui a des idées féministes qui choquent pour l'époque. Elle va être rejointe par un nouveau personnage féminin, Marie-Victoire, institutrice, et qui elle aussi défend la liberté des femmes. Et au milieu de tous ces esprits novateurs, on a Bernard, qui est plutôt rétrograde, pour lui, la place de la femme est à la maison, à s'occuper de son foyer, de son mari et de ses enfants. Ce sont quand même les pensées des trois-quarts des gens, ceux qui pensent comme Félicien ou Irina sont peu, et surtout ne le disent pas, même s’ils défendent leurs opinions à travers des journaux ou réunions. Je dois bien avouer que j'ai été étonnée par les pensées de Bernard, je le pensais plus ouvert d'esprit que ça, suite à ma lecture du précédent roman, il m'a souvent énervée…mais je n'en dirai pas plus, à vous de découvrir pourquoi. Je me suis attachée à chacun d'eux. J'ai apprécié que l'auteure développe un peu plus certains, comme par exemple Irina. On va en apprendre plus sur elle, sur son passé et son histoire personnelle. Et je peux vous dire que ce qu'elle a vécu fait froid dans le dos et ce qu'elle vivra lorsqu'elle sera internée n'est pas mieux !! Que de méthodes violentes !! et surtout, ces pauvres femmes étaient internées pour rien, parce qu'elles avaient haussé la voix ou faisaient une crise de nerfs…pour rien quoi….Comment a-t-on pu traiter les femmes de cette façon, je sais bien que c’était y a plus de cent ans, mais quand même… Il y a même un illustre personnage qui va apparaître au début du roman, j’ai beaucoup aimé le trouver là
À côté de ces personnages aux personnalités fortes, il y a bien sûr le contexte de l'histoire. On est, comme dans le premier roman, dans le domaine de la médecine médico-légale, avec les premières empreintes, les premières photographies, le monde est en train de changer partout. Les premières bicyclettes apparaissent, qui font dire aux autres que les gens sont dérangés de se déplacer ainsi, sur des roues. Ça fait sourire, dans l’échelle du temps, ce n'est pas une époque si lointaine, un peu plus de cent ans… Et bien sûr, l'accent est porté sur l’enquête sur ces meurtres de femmes dont les circonstances sont une fois de plus horribles. Les scènes d’autopsie sont toujours aussi bien détaillées, cela les rend très réalistes. Je les ai trouvées un peu moins présentes que dans le premier roman, mais elles font tout de même bien partie du déroulé de l’enquête, qui va avoir un final percutant. Si seulement je pouvais vous en parler ! Plus j’avançais dans les pages, et plus je pensais que Coline Gatel allait nous réserver une surprise comme elle sait le faire, ça me faisait un peu l'effet du calme avant la tempête…et je ne m’étais pas trompé ! C’est le genre d’événements qui fait relever la tête du livre et s'exclamer « oh non, elle n'a pas osé !! » Vous voyez de quoi je parle ? Et bien, c’est ce qu’il m’est arrivé…ah on peut dire que Coline Gatel m'a bien eue…
Et bien sûr, il ne faut pas que j'oublie de parler des lieux qui ont une place très importante dans l'histoire. On est à Lyon, et les ruelles, les traboules, les bouchons, tout y est bien décrit. Les églises aussi, et ce dédale de galeries souterraines sous la Croix-Rousse. L’atmosphère, l’ambiance, tout est bien dépeint, les habits aussi. J'ai été pendant toute ma lecture complètement dépaysée, dans une autre époque, avec d’autres façons de vivre. J’ai beaucoup aimé ce voyage, je me suis régalée.
Tout ceci est sublimé par la plume et le style de Coline Gatel, très fluide, très pointue et précise. On sent derrière l'histoire tout le travail de recherches qu'elle a dû faire en amont pour être aussi précise sur les mots, les expressions, les lieux et les faits historiques. Certains personnages parlent en argot, certains mots ne sont plus usités, ils sont à chaque fois expliqués en bas de page. N'ayez crainte, cela n’alourdit pas du tout la lecture, tout reste très fluide et très compréhensible. Cela donne une touche d’authenticité et transporte encore plus le lecteur dans ce monde. En tout cas, j'ai encore appris plein de choses pendant cette lecture sur des faits de société, et j'adore quand mes lectures ont ce double pouvoir de m’instruire tout en divertissant. J'ai trouvé les scènes tellement réalistes, que je verrais bien ce roman adapté en série ou film télévisé. Il y a matière à faire quelque chose de très bien et très addictif, digne de certaines séries sur Nerflix
Ce roman est à la fois un polar très bien mené, un roman historique très bien renseigné et une chronique sociale très bien fournie également. J'ai passé à nouveau un excellent moment avec ce second opus, qui vaut le premier. Vous n’êtes pas obligés d'avoir lu Les suppliciées du Rhône avant de lire celui-ci. C’est mieux quand même, pour mieux cerner les personnages principaux, mais ne pas l'avoir lu ne vous spoilera pas les faits de celui-ci.
Je sais que Coline Gatel est en train d’écrire la suite et qu'un troisième verra donc le jour l’année prochaine. Je ne vous dis pas comme mon impatience est grande et comme j'ai hâte de retrouver ces personnages, cette ambiance. J’étais tellement bien dans ma lecture que j'essayais de la ralentir pour y rester, mais le suspense était trop grand et je voulais savoir…cruel dilemme dans ces moments là…
Il ne me reste plus qu’à remercier Coline Gatel pour tout ce qu'elle m'a fait vivre le temps d'une lecture, à la féliciter pour cette histoire criante de réalisme. Et je remercie également Préludes Éditions qui m'a permise de lire ce roman au format papier, l'objet livre est de toute beauté, me permettant ainsi de l’avoir dans ma bibliothèque.