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Marie-Nel lit

Les liens de Domenico Starnone

15 Avril 2021 , Rédigé par Marie Nel

Les liens de Domenico Starnone

Publié aux éditions Le Livre de Poche

 

 

Résumé :

 

Comme beaucoup de mariages, celui de Vanda et d’Aldo a essuyé le feu des épreuves, l’usure, le poids de la routine. Et pourtant, il en est sorti intact. Du moins au premier regard. La faille au sein de leur couple, la trahison d’Aldo, remonte à un passé lointain. À y regarder de plus près, les fissures et les morceaux recollés sautent aux yeux. C’est un vase craquelé qui peut se briser au moindre contact. Peut-être a-t-il même déjà éclaté, même si nul ne veut l’admettre.
À travers un récit subtil et tranchant, Domenico Starnone nous fait pénétrer dans l’intimité d’une famille napolitaine saisie à différentes époques – l’histoire d’une fuite, d’un retour, d’une débâcle qui lie ensemble chacun de ses membres et les précipite dans un redoutable carnage domestique.

 

 

À propos de l'auteur :

 

Né en 1943, à Saviano, près de Naples, Domenico Starnone est écrivain, journaliste et scénariste. Il a notamment écrit plusieurs livres satiriques sur le monde de l'éducation. Domenico Starnone a obtenu le prix Strega 2001 pour son roman Via Gemito, publié aux éditions Fayard, en 2004.

 

 

Mon Avis :

 

J'ai lu ce roman dans le cadre du Prix des Lecteurs du Livre de Poche, il fait partie de la sélection d’avril dans la catégorie littérature. Pour expliquer en quelques mots comment fonctionne ce prix, nous sommes cent trente jurés dans chaque catégorie qui, chaque mois, de février à août, allons lire une sélection de trois romans, en choisir un, et à la fin des sept mois, nous devrons choisir le gagnant du Prix parmi les sept romans que nous aurons sélectionnés. C’est une belle aventure que j'ai déjà eu l’occasion de vivre, elle m'a permis de faire de très belles découvertes de romans et d'auteurs que je ne connaissais pas toujours.

 

C’est le cas à nouveau ici avec ce roman de Domenico  Starnone. Je ne connaissais ni l'auteur ni le roman, je ne l'ai même jamais vu passer en grand format. Je suis donc très contente d’avoir lu et découvert cet auteur, c’est toujours très enrichissant. Ce livre m'a emmenée en Italie, à Naples notamment. Ce roman, publié en Italie, portait le nom de «  Lacci » : « Lacets » et est devenu « Les liens », les liens des lacets, entre autre, d'ailleurs ces lacets auront une place importante et l'anecdote autour d'eux marquera le père et les enfants. Bien sûr, on comprend la métaphore des lacets qui créent un lien, le lien entre les humains, familial, amical, amoureux. On pourrait dire déjà plein de choses rien qu'avec ce mot.

 

Les liens dont il va être question dans ce roman, nouent une famille, le père Aldo, la mère Vanda, le fils Sandro et la fille, Anna, sans oublier le chat Labès qui aura lui aussi un rôle majeur  Labès pour « La Bestiole », enfin ça, c’est que veut faire croire le père. Le livre est composé de trois parties. La première est assez courte, et est consacrée à Vanda, on est dans les années 70, elle raconte la trahison de son mari et la conséquence sur sa vie de femme et de mère. Cette partie est très courte. La seconde, la plus importante des trois, c’est Aldo qui parle. On est à notre époque actuel, lui et Vanda décident de partir en vacances une semaine, et une surprise de taille va les attendre à leur retour dans leur appartement. Cette surprise va semer le trouble, et faire remonter Aldo dans le passé, au moment de sa trahison , des conséquences qu'elle a eu sur sa vie de mari et de père. Et enfin la dernière partie, c’est la fille Anna qui parle et se passe peu de temps avant le retour des parents, elle est avec son frère Sandro et elle aussi revient sur le passé.

Je ne peux bien sûr rien révéler de plus, rien sur ce qui les attend à leur retour de vacances, car c’est un point très important qu'il faut découvrir par vous-même.  Pour ce qui est de la trahison, je pense que vous avez deviné de quelle nature elle peut être, dans un couple, y a pas beaucoup de possibilités. Aldo est un homme qui aime plaire, et il le sait. Vanda va donc payer lourdement cette trahison qui aura aussi des répercussions sur les enfants, et ce même quarante ans plus tard. C’est une cicatrice qui ne se refermera jamais totalement et il suffit de pas grand-chose pour la rouvrir. Mais je ne dis rien de plus, car c’est tellement bien de vivre tout cela comme a voulu le faire l'auteur, avec précision.

 

On va donc suivre les membres de cette famille, les liens entre eux qui se distendent, se resserrent, semblent casser pour mieux se réparer. Comme au début de la seconde partie, le narrateur nous donne leurs âges, et spécifie bien qu'ils sont encore ensemble, donc on se doute que ce que racontait Vanda dans la première partie fait partie du passé et que le couple a continué sa vie à deux. On apprendra au fur et à mesure comment s'est passé réellement cette vie.

Domenico Starnone brosse à travers eux le portrait d'une famille des années 60, un couple jeune qui se marie, la libération des mœurs ensuite qui crée des vagues dans la solidité du couple, la situation de la femme qui évolue, la conséquence de nos actes sur nos vies et celles de nos enfants. En plus on est en Italie, et les hommes sont réputés quand même pour être machos, on en a un bon exemple ici avec Aldo. Vanda est effacée, subit, et les enfants doivent composer avec des parents qui se déchirent et avec leur absence. J'ai trouvé que l'auteur avait très bien travaillé la psychologie de ses personnages, en profondeur et avec beaucoup de délicatesse en même temps. Les mots sont bien choisis, tout est toujours dans la subtilité, pas de mots vulgaires ou autres familiaux, le vocabulaire est lui aussi très bien employé.

 

J'ai ressenti beaucoup d'empathie pour Vanda, et pourtant, la partie où elle s'exprime est courte. Mais il ne m'a pas fallu beaucoup de pages pour ressentir toute l’émotion qui entoure cette femme. Ce qu'elle vit est touchant, je me suis sentie trahie à mon tour, et surtout je me suis mise à sa place et me suis souvent demandé comment moi je réagirai devant une telle situation. Et même quand c’est Aldo qui parle, j'ai continué à rester attachée à Vanda. J'ai eu beaucoup de mal à ressentir le même effet pour lui, c’est sûrement dû à ma condition féminine et au soutien que j’apporte ainsi à Vanda.

Cet attachement est redoublé par le choix narratif de l'auteur, puisqu’il a choisi celui auquel je suis le plus sensible et qui colle parfaitement au système de confession. Il a en effet choisi de raconter le tout à la première personne du singulier. Ce « je » est le plus adéquat pour des confessions, il permet de se mettre totalement dans la peau du personnage, de rentrer dans sa tête et de savoir très bien ce qu'il peut ressentir et la moindre sensation qui le traverse. Et comme l'auteur a donné la parole à trois personnages différents, j'ai réussi à me retrouver dans la peau de chacun. L’auteur a réussi à bien différencier les trois personnalités, en étant plus sensible quand le personnage était féminin, en ayant plus de poigne quand c’était masculin. Je trouve toujours cet exercice ardu.

 

Cette histoire est une véritable introspection dans la vie d'un couple qui pourrait très bien exister dans la vie réelle. Et ce que j'ai beaucoup aimé, c’est qu'il donne aussi la parole aux enfants, qui sont souvent les grands oubliés dans les histoires de cœur des parents. Ce qu’ils ressentent eux aussi est très important, ils ne vivent pas les situations de la même façon, leurs yeux d'enfant interprètent parfois bizarrement les situations.

Il règne tout de même un certain suspense. Car ce qui arrive dans le présent au couple soulève beaucoup de questionnement, et l’intérêt de savoir ce qu'il s’est passé est grand. Tout nous est dévoilé dans la dernière partie, et je ne m'attendais pas à une telle résolution, j'ai été agréablement surprise. Ce final, pour moi, rachète les petits défauts qui pourraient exister dans le reste du roman.

 

J'ai passé un bon moment avec ce livre. Ce n'est pas non plus un coup de cœur, car peut-être j'aurais aimé un peu plus d’approfondissement dans certaines situations ou évènements, mais vraiment, c’est plus du chipotage que du défaut. J'ai aimé aussi retrouver l'ambiance italienne que l'auteur a très bien retranscrit. En lisant, j'ai beaucoup pense à L'amie prodigieuse de Elena Ferrante. Et j'ai lu un article dans un magazine qui disait que beaucoup se demandaient si Dolenico Starnone n’était pas Elena Ferrante, rappelons que personne ne sait à quoi elle ressemble, on ne sait rien d'elle. Donc on  peut tout supposer. Ça rajoute une petite dose mystérieuse assez sympathique.

La lecture s'est faite rapidement, l'air de rien, j'ai lu ce livre en un peu plus d'une journée, il est assez court c'est vrai, mais il est aussi prenant, le style est fluide. Je ne pensais d'ailleurs pas être aussi prise dans le texte en lisant le résumé, j’ai trouvé l'histoire intéressante. C’est donc une belle surprise pour moi.

Si vous aimez les ambiances italiennes, l’introspection dans les ressentis et les événements, une histoire contemporaine, vous ne serez pas déçus avec ce livre. Quant à moi, je suis curieuse de lire un autre roman  de cet auteur, je le note donc dans ma liste à suivre.

Ce prix des lecteurs permet de faire des lectures que je n'aurais pas faites en temps normal, je serais sûrement passé à côté de belles découvertes, et rien que pour ça, faire partie de ce prix est un trésor inestimable.

 

Un grand merci à Domenico Starnone pour ce moment de lecture et au Prix des lecteurs du Livre de Poche pour cette très belle découverte.

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