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Marie-Nel lit

Le rouge n'est plus une couleur de Rosie

30 Avril 2021 , Rédigé par Marie Nel

Le rouge n'est plus une couleur de Rosie

 

Publié aux éditions Le Livre de Poche

 

 

Résumé :

Kate et Max se rencontrent à l'université, et les deux amis deviennent immédiatement inséparables. Très vite, Kate fait la connaissance de la famille de Max – une famille bourgeoise, cultivée, très différente de la sienne – qui l'accueille chez elle à bras ouverts. Mais lors d'une fête d'anniversaire, pendant que la soirée bat son plein au rez-de-chaussée, le cousin de Max entraine Kate dans une chambre  l'étage. Elle n'ose pas refuser et la porte se referme. Sa vie s'écroule alors, seconde après seconde, sans qu'elle ait la force de regarder son agresseur. Ses yeux fixent le ruban écarlate cousu dans le col du garçon pendant que celui-ci la viole ; pour Kate, le rouge ne sera plus jamais une couleur.
Ce premier roman de Rosie Price nous offre une réflexion subtile et poignante sur la mémoire traumatique, le sacrifice que l'on consent au silence, et le courage de nommer. Le rouge n'est plus une couleur explore le lent retour à la vie d'une jeune femme après un viol sans coups ni cris, mais aussi les réactions dd'une famille, puissante et en apparence sans histoires, lorsque l'un des siens est accusé. Un texte fulgurant, la naissance d'une écrivaine britannique majeure.

 


À propos de l'auteure :

Née en 1992 et diplômée de la prestigieuse université de Cambridge, Rosie Price a travaillé dans une agence littéraire londonienne avant de se consacrer pleinement à l’écriture. Unanimement salué par la critique anglo-saxonne, Le rouge n’est plus une couleur est son premier roman.

 


Mon Avis :

 

J'ai lu ce roman dans le cadre du Prix des Lecteurs du Livre de Poche, il fait partie de la sélection d’avril dans la catégorie littérature. Pour expliquer en quelques mots comment fonctionne ce prix, nous sommes cent trente jurés dans chaque catégorie qui, chaque mois, de février à août, allons lire une sélection de trois romans, en choisir un, et à la fin des sept mois, nous devrons choisir le gagnant du Prix parmi les sept romans que nous aurons sélectionnés. C’est une belle aventure que j'ai déjà eu l’occasion de vivre, elle m'a permis de faire de très belles découvertes de romans et d'auteurs que je ne connaissais pas toujours.

 

Je connais déjà ce roman  pour l'avoir lu en août 2020. Lorsque je l'ai lu à ce moment là, c'est le sujet du résumé qui m'avait tout de suite intéressée. Et aussi le fait que ce soit un premier roman. Je me souvenais du sujet de ce livre et de l'histoire dans sa globalité tellement il m'avait marqué lors de ma première lecture. Et pourtant, cela ne m'a pas dérangée de le lire à nouveau, pour replonger dans l'ambiance, et pour pouvoir lieux le comparer aux autres livres du Prix.

Mon seul point négatif sur tout ce roman et ce depuis ma première lecture, je trouve que le résumé en dit beaucoup trop et en dévoile trop sur le contenu de l'histoire. Et encore, j'ai recopié celui au dos du livre, car sur le net, sur les sites d'achat de livres, la quatrième de couverture est toute autre et encore plus explicite. Donc je savais d'entrée de jeu qu'il allait s'agir d'un viol sur une jeune femme et de ses difficultés pour vivre avec.


J'ai donc fait la connaissance de Kate et Max. Ce sont deux amis, ils se sont rencontrés à l'université et deviendront inséparables, vivant l'un chez l'autre, Kate allant en vacances chez Max. Ils dorment ensemble, font la fête ensemble, mais il n'y aura jamais rien d'intime entre eux, tout restera toujours au stade d'une profonde amitié. Ils n'ont pas les mêmes origine sociales. Kate vit seule avec sa mère, ancienne alcoolique qui fait de la poterie pour compenser son envie de boire. Max vient d'une famille plus aisée, son père William est médecin, sa mère Zara est réalisatrice de films, sa sœur Nicole est avocate. C'est une famille d'un haut standing, mais Max ne le montrera jamais ou ne s'en vantera jamais. Il sait rester simple et proche de Kate. Kate se sent bien dans cette famille, il faut dire aussi qu'à chaque fois qu'elle va chez eux, elle est très bien accueillie, comme si elle était leur propre fille. Tout pourrait aller donc dans le meilleur des mondes, jusqu'à cette fête d'anniversaire où Kate va connaître l'horreur. Un instant, quelques minutes tragiques qui vont anéantir sa vie. Le cousin de Max fait partie de la fête, il va l'attirer dans une des chambres et la violer. Kate va couper son esprit pour ne pas penser à ce qu'elle est en train de subir, se concentre sur le fil rouge qu'elle voit dans le col du jeune homme. Elle ne dira rien à Max, elle s'enfuira juste après, taisant les faits. La honte, la peur, le dégoût lui feront garder le silence et se mettre à l'écart pendant quelques mois. Un viol est un acte qui marque la chair au plus profond, qui reste cruel et pour la vie. On va ensuite continuer à suivre Kate pendant les deux années qui ont suivi cet événement terrible, on va assister à sa reconstruction, lente et progressive, jusqu'à arriver à tout révéler à la famille de Max, et les dégâts que de telles révélations peuvent occasionner dans une famille.

Je n'en dirai pas plus, c'est déjà bien assez. Le livre fait un peu plus de quatre cents pages, et le viol arrive vers la centième page. Donc le spoil du résumé n'est pas très important, il reste quand même trois cents pages que l'on ne connait pas et où l'on va suivre les jeunes gens. Ces cent premières pages permettent de poser les personnages, de faire les présentations de tout le monde, de planter le décor. Toute cette mise en place est très importante pour mieux comprendre les réactions de chacun par la suite. C'est donc une partie nécessaire. Donc au final, même si je savais en attaquant ma lecture vers quoi j'allais aller, je n'avais tout de même pas toutes les infos pour appréhender l'histoire.

Je me suis très vite attachée à Kate et à Max, avec un attachement plus profond pour Kate, et ce, à cause de ce qui va lui arriver. C'est une jeune femme tellement vivante, sûre d'elle, gaie et pleine de vie, et ce crime va tellement la changer. J'ai également beaucoup aimé le personnage de Zara, la mère de Max, avec qui Kate a beaucoup de similitudes. Kate arrivera à se confier à certaines personnes de son entourage sans révéler l’identité de son agresseur,. Ce que j'ai particulièrement apprécié, c’est que personne n'a douté de la véracité des dires de Kate, tellement de femmes subissent des viols et ne sont jamais écoutées, personne ne les croit ou on leur dit qu'il fallait ne pas provoquer l'homme par l'habillement ou autre. Où ces hommes trouvent le droit de violenter ces femmes parce qu'elles font la fête ou parce qu'elles ont une jupe courte ? Ce n'est quand même pas difficile de comprendre ce qu'un « non » veut dire. J'ai alors pensé à la chanteuse Angèle et à sa chanson « Balance ton quoi » quand elle dit « Quand une fille dit non, c'est non, c'est pas peut-être ». Ben voilà, tout est dit...
Bien sûr, mon histoire personnelle fait que je me suis reconnue plus d'une fois dans ce que vit Kate. Je ne connais pas le vécu de l'auteure, Rosie Price, mais tout ce que ressent Kate, tout ce qu'elle vit, toutes les questions qu'elle se pose, tout le dénigrement qu'elle a sur elle, sur sa personne, tout cela est bien réel et fait partie du quotidien d'une femme violée. L'auteure a travaillé avec beaucoup de justesse et de sensibilité le personnage de Kate. Tout est très vraisemblable et arrive dans la vraie vie. L'histoire de Kate est une histoire qui peut arriver à tout le monde...malheureusement, à l'époque à laquelle on vit.

L'auteure relate ce que pense Kate, mais aussi Max. On a ainsi des points de vue différents sur une même situation. Le choix narratif de l'auteure est judicieux. Elle a en effet utilisé la troisième personne du singulier pour faire parler ses personnages. D'habitude je suis plus sensible à une narration à la première personne, mais ce « il » et ce « elle » m'a permis de garder une certaine distance avec les personnages qui n'est pas négligeable. Car ce qu'ils vivent est tellement fort et puissant que le « je » aurait été trop intimiste et trop percutant. Là, on ressent beaucoup plus de douceur. Et on a le même détachement que Kate face à ce qu'elle vit.
Mais il n'y a pas que l'histoire du viol dans ce livre. Il y a aussi les histoires de famille, pesantes, la volonté de vouloir garder une fratrie unie malgré le décès des parents. L'oncle de Max a des problèmes de dépendance à l'alcool, de dépression et on va suivre également son évolution, ce que cela entraine comme problèmes dans sa vie et dans sa relation avec les membres de la famille. Ils resteront tous toujours soudés, ouverts les uns aux autres, et toujours avec une volonté d'entraide. Avec le départ du dernier parent, l'auteure va aussi mettre l'accent sur les problèmes de succession et ce que cela peut perturber dans une famille, avec des désaccords sur l'héritage. Et bien sûr, c'est un roman où l'amitié a une place prépondérante, beaucoup plus importante que l'amour. Je me suis longtemps imaginée durant ma lecture, que Max et Kate allaient finir ensemble, et j'ai été plutôt agréablement surprise que l'auteure emprunte une autre voie pour eux deux.

J'ai aimé suivre ces personnages. Peut-être aurais-je même aimé les suivre encore davantage, car la fin est très importante et j'aurais aimé rester un peu plus longtemps avec les personnages et surtout avec Kate pour savoir si tout allait vraiment bien se passer pour elle. Mais ce ne sont que des personnages de papier, Kate n'existe pas, je ne dois pas m'inquiéter plus que cela pour elle. Elle a pris tellement d'importance pendant ma lecture, que j'avais vraiment l'impression qu'elle existait dans la réalité.

C'est un roman très humain, qui ne peut pas laisser indifférent, qui marque. J'ai aimé que le sujet du viol soit traité avec tellement de sensibilité et de tact de la part de l'auteure. J'ai aimé aussi que ce ne soit pas le sujet principal, que l'auteure parle d'autres valeurs humaines. C'est un livre que j'ai relu assez vite. J'avais tellement envie de savoir comment allait s'en sortir Kate, que je me dépêchais de tourner les pages, mais j'avais envie en même temps de rester encore un peu avec elle. Même après une deuxième lecture, j'ai ressenti les mêmes sensations que la première fois.

Je suis charmée par la plume de Rosie Price, toute en douceur, en nuances, les descriptions ne sont pas lourdes, la lecture se fait facilement. C'est un premier roman pour elle, et vraiment, il est de qualité. Je vais noter son nom et le retenir surtout, car j'aimerais beaucoup la lire à nouveau dans un autre contexte, pour voir si elle continue à me plaire comme dans ce premier roman.

Le sujet est dur, mais il ne doit pas vous arrêter pour lire ce livre. Il faut lire ces livres avec de tels sujets. Il ne faut pas faire l'autruche, de tels actes existent toujours, des hommes comme ceux là continuent de prendre la femme pour un objet sexuel. Il faut lire le témoignage de ces femmes, il faut lire les histoires de femmes qui subissent, qui essaient de survivre, et qui veulent oublier. Mais comme toute plaie, c'est une blessure qui met beaucoup de temps à se refermer, et quand c'est fait, la cicatrice reste douloureuse à vie. On se construit avec, mais c'est toujours là...

Je ne peux que vous conseiller de lire ce livre, pour le sujet important, pour la beauté de la plume de l'auteure, et pour les messages profonds qu'elle transmet au travers de son histoire.

Bien que Rosie Price ne lise jamais cette chronique, je la remercie sincèrement pour la profondeur de son récit et la justesse. Et un grand merci aux éditions du Livre de Poche qui m'a permis de lire à nouveau ce roman grâce au Prix des Lecteurs.

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