Tant qu'il y aura des cèdres de Pierre Jarawan
Publié aux éditions Le Livre de Poche
Résumé :
Après avoir fui le Liban, les parents de Samir se réfugient en Allemagne où ils fondent un foyer soudé autour de la personnalité solaire de Brahim, le père. Des années plus tard, ce dernier disparaît sans explications, pulvérisant leur bonheur. Samir a huit ans et cet abandon ouvre un gouffre qu'il ne parvient plus à refermer. Pour sortir de l'impasse, il n'a d'autre choix que de se lancer sur la piste du fantôme et se rend à Beyrouth, berceau des contes de son enfance, afin d’y dénicher les indices disséminés à l'ombre des cèdres.
Voyage initiatique palpitant, Tant qu'il y aura des cèdres révèle la beauté d'un pays qu'aucune cicatrice ne peut altérer. À travers cette quête éperdue de vérité se dessine le portrait d'une famille d'exilés déchirée entre secret et remords, fête et nostalgie.
À propos de l’auteur :
Né en Jordanie d'un père libanais et d'une mère allemande, Pierre Jarawan est un auteur, poète, scénariste et modérateur allemand. Champion de Slam depuis plusieurs années en Allemagne, il a publié deux romans, Tant qu'il y aura des cèdres et Un chant pour les disparus.
Mon Avis :
J'ai lu ce roman dans le cadre du Prix des Lecteurs du Livre de Poche, il fait partie de la sélection de mars dans la catégorie littérature. Pour expliquer en quelques mots comment fonctionne ce prix, nous sommes cent trente jurés dans chaque catégorie qui, chaque mois, de février à août, allons lire une sélection de trois romans, en choisir un, et à la fin des sept mois, nous devrons choisir le gagnant du Prix parmi les sept romans que nous aurons sélectionnés. C’est une belle aventure que j'ai déjà eu l’occasion de vivre, elle m'a permis de faire de très belles découvertes de romans et d'auteurs que je ne connaissais pas toujours.
C’est le cas à nouveau ici avec ce roman de Pierre Jarawan. Je ne connaissais ni l'auteur ni le roman, je ne l'ai même jamais vu passer en grand format. Je suis donc très contente d’avoir lu et découvert cet auteur qui m'a emmenée dans un beau voyage au Liban. Je dois bien avouer que je n'avais encore jamais lu de romans avec le Liban en toile de fond, je connais à peu près les conflits qui y règnent, mais pas plus que ça. Ce roman aura au moins eu le mérite de m’éclairer sur le sujet.
On va suivre Amir, un jeune garçon d'origine libanaise. Ses parents sont originaires de ce pays, ils ont fui le Liban juste après leur mariage et se sont installés en Allemagne. Amir à des relations fortes avec son père, qui lui raconte de belles histoires, qui l’emmène partout avec lui. Un jour, ce père qu’Amir vénère, va disparaître sans un mot, sans aucune explication. Il se retrouve seul avec sa mère et sa petite sœur née entre-temps, et leur ami Hakim et sa fille Yasmin, qui a quitté le Liban en même temps que les parents d’Amir. Alors que sa mère et sa sœur se tournent vers l'avenir et se sentent bien en Allemagne, le jeune garçon va grandir avec le souvenir de son père toujours bien présent, même obsédant, et dès qu’il sera en âge de voyager seul, il partira vers ce pays inconnu de lui mais qu'il a tellement l’impression de connaitre par les récits de son père. Et on va suivre Amir dans sa découverte du Liban, et dans ses recherches. Il va faire des rencontres surprenantes là-bas, il va se lier d’amitié, il va aussi se rendre compte des difficultés des Libanais pour vivre dans la paix. Ce qui est loin d’être facile avec toutes les tensions que ce pays connaît avec les Palestiniens, les Syriens, etc…
Je me suis vite attachée à Amir, c’est un garçon très intelligent et fier de ses origines. Son père est tout pour lui, on peut même dire que c'en est assez obsédant pour lui. Il est vraiment tourné vers le passé, et je dois bien avouer que c’est parfois déroutant. Tout ce qu'il fait se comprend, c’est vrai que connaitre ses racines est très important. Par rapport à sa sœur, il a connu son père, a vécu avec lui, il a des souvenirs et il est persuadé qu’il est reparti dans son pays. Là-bas, il va découvrir une autre facette de son père, retrouver d'anciens amis, des parents. Il va suivre sa trace, dans ses anciens boulots, là où il a vécu. Cette quête d’identité ronge Amir et l’empêche de vivre son présent sainement.
Je comprenais sa démarche et en même temps, parfois, j'avais envie de lui dire d'avancer, de ne pas rester toujours dans le passé mais d'avancer, et qu'il risquait de passer à coté de beaucoup de choses dans le présent à force d’être toujours dans le passé. Mais, personne ne peut dire comment on aurait réagi à sa place.
En plus d'une quête identitaire, ce roman est un très beau voyage au pays des cèdres. On entend bien souvent parler du Liban à cause des guerres et des drames qui s'y passent, et ce livre donne une autre vision, celle sur le peuple, sur le paysage, sur les villes, les petits villages perdus dans le sable. L’auteur en parle très justement, il a beaucoup de similitudes avec son personnage masculin, comme lui il est né au Liban et vit en Allemagne, alors il est très bien placé pour raconter ce que vit Amir. On sent qu'il a mis beaucoup de son propre ressenti dans son personnage. Il décrit très bien son pays, ce Liban auquel il est fortement attaché, et il n'y a rien de mieux que découvrir ce pays au travers les yeux de ceux qui l'aiment et le connaissent. Cela donne une autre image que celle que peut nous proposer les médias qui sont toujours dans le scénario catastrophe.
C’est un premier roman pour Pierre Jarawan, et on ne peut qu’être admiratif devant la qualité littéraire de cet écrit. Le style est très bon, les phrases bien tournées. Il y a eu parfois quelques redondances, qui ont provoqué quelques longueurs pour moi. Et je me suis parfois un peu perdue dans les débuts de chapitre, ne sachant pas toujours à quelle période du temps on se trouvait. Car ça ne suit pas un schéma linéaire, allant de la petite enfance à la vie de l'homme au présent. On est parfois dans le présent, on repart ensuite dans l'enfance, pour revenir à des moments au Liban, etc…ça oscille comme ça entre divers périodes et il m'a fallu parfois un petit temps d'adaptation pour me rappeler où et quand on était.
J'ai beaucoup aimé le choix narratif utilisé par l'auteur qui est celui pour lequel je suis la plus sensible. Il a en effet raconté à la première personne du singulier, j’aime beaucoup l'utilisation de ce « je » qui me permet de me mettre complètement dans la peau du personnage principal et ainsi de ressentir la moindre de ses pensées et de ses émotions. J'ai ainsi pu me glisser dans la peau et la tête d'Amir et j'ai pu mieux le comprendre. Et à travers lui, j'ai ressenti également l'auteur et ce qu'il voulait faire passer à travers ses mots. L’écriture a d'ailleurs de beaux accents poétiques, j'ai relevé plusieurs paragraphes, mais je voulais vous partager celui-ci qui m'a fortement marquée :
« Il existe deux sortes de sentiments qu'on peut associer au mot départ. Un départ peut être triste, car ce qu'on quitte est trop précieux et important qu'on ne le regrette pas. Et un départ peut être joyeux, car ce qui vous attend est une promesse si radieuse qu'elle n'éveille pas à la tristesse mais une joie anticipée. La vie regorge de départs. Et à chacun d'eux, le sentiment qu'on éprouve est différent. C’est la raison pour laquelle on s'autorise à employer ce mot au pluriel. En revanche, c’est toujours au singulier qu'on parle du retour. Pourquoi ? Parce qu'il n’existe pas plusieurs façons de rentrer vivement chez soi. Où est-on chez soi ? Là où l'on a laissé son cœur, dit-on. On ne rentre qu'une fois chez soi, car on ne possède qu'un cœur, et c’est lui qui décide. »
Ce long paragraphe est tiré d'une histoire que raconte le père à son fils, Amir. Et quand on connait toute l’histoire de cet homme, on comprend qu’à travers les contes et les personnages qu'il inventait, il faisait passer des messages à son fils. D'ailleurs celui-ci s'en rendra compte au fur et à mesure de ses découvertes sur son père.
Le final m’a laissée un peu dubitative. Je ne peux rien vous révéler, bien sûr, elle ne m'a pas déçue, c’est juste que je m'attendais à d'autres raisons pour le départ du père. Je me suis un peu retrouvée avec un effet de « tout ça pour ça » ! Je ne peux bien sûr rien dire de plus, ceux qui ont lu le livre comprendront sûrement de quoi je veux parler. Je m’attendais vraiment à d'autres révélations..
J'ai donc passé un bon moment avec ce livre, très complet et qui traite de beaux sujets et transmet de belles valeurs sur les relations filiales, sur la paternité, sur l'attachement à un pays. C’est un livre plein d’espoir pour tous ceux qui ne vivent plus dans leurs pays de naissance. Mais après tout, on peut toujours retrouver ce pays dans sa tête, dans ses souvenirs. Cela fait pareil quand on change de régions, celle qu'on a connu enfant a toujours une place particulière dans nos cœurs.
Je suis très contente d’avoir découvert et lu Pierre Jarawan. J'ai vu qu'il avait écrit un second roman Un chant pour les disparus qui va nous emmener une fois de plus au Liban avec un enfant et une nouvelle quête. À voir comment cela se passe cette fois et si ça ne ressemble pas trop à ce premier roman, vu que les résumés sont très similaires. Mais il y a tellement de choses à dire sur ce pays, il a une histoire tellement chargée, que je suis sure qu'il y a de quoi raconter d’autres histoires. Je lirai en tout cas cet autre roman avec plaisir, maintenant que je connais Pierre Jarawan.
Je ne peux que vous conseiller ce livre, qui est très beau et très instructif. J'aime quand mes lectures ont ce double rôle de me divertir et de m'instruire, ça enrichit énormément. Et grâce au Prix des Lecteurs, j’ai fait une lecture vers laquelle je ne serai sans doute pas allée d'habitude.
Je remercie donc Pierre Jarawan pour ce beau voyage dans son pays natal et remercie également le livre de poche pour cette découverte.
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Après avoir fui le Liban, les parents de Samir se réfugient en Allemagne où ils fondent un foyer soudé autour de la personnalité solaire de Brahim, le père. Des années plus tard, ce dernier ...
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