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Marie-Nel lit

Les sang des Mirabelles de Camille de Peretti

17 Février 2021 , Rédigé par Marie Nel

Les sang des Mirabelles de Camille de Peretti

Publié aux éditions Le livre de poche

 

 

Résumé :

 

« Depuis deux saisons déjà, le vieux Hibou lui avait ouvert les portes de son officine et l’avait laissée feuilleter les pages de ses livres. Elle s’y était plongée avec délice, elle avait tout dévoré. Quelques mois et tout avait changé ; la jeune fille savait désormais que le monde ne se réduisait pas à une bobine de fil et à une aiguille. »
Au cœur du Moyen Âge, deux sœurs, Éléonore et Adélaïde, se bâtissent un destin singulier. Bravant les conventions, l’une découvre le véritable amour tandis que l’autre s’adonne en secret à sa passion pour la médecine. Mais cette quête d’émancipation n’est pas sans danger à une époque vouant les femmes au silence.

 

 

À propos de l'auteure :

 

Camille de Peretti est l’auteur de Thornytorinx (Belfond, 2005 ; prix du Premier roman de Chambéry), Nous sommes cruels (Stock, 2006), Nous vieillirons ensemble (Stock, 2008) et La Casati (Stock, 2011). 

 

 

Mon Avis :

 

J'ai lu ce roman dans le cadre du Prix des Lecteurs du Livre de Poche, il fait partie de la sélection de février dans la catégorie littérature. Pour expliquer en quelques mots comment fonctionne ce prix, nous sommes cent trente jurés qui, chaque mois, de février à août, allons lire une sélection de trois romans, en choisir un, et à la fin des sept mois, nous devrons choisir le gagnant du Prix parmi les sept romans que nous aurons sélectionnés. C’est une belle aventure que j'ai déjà eu l’occasion de vivre, elle m'a permis de faire de très belles découvertes de romans et d'auteurs que je ne connaissais pas toujours.

C’est le cas avec ce roman de Camille de Peretti, je ne la connaissais pas du tout et n’avais jamais vu son roman. Je suis donc très contente d'avoir pu la découvrir et la lire avec ce prix. Elle m'a transportée au Moyen-âge, en France, au temps où les femmes n’avaient surtout pas la parole, où l'homme régnait en maître absolu. Mais quelques femmes ont su se rebiffer et montrer qu'elles pouvaient être aussi utiles que des hommes, et surtout, elles ont montré qu'elles pouvaient elles aussi se consacrer à des travaux masculins.

 

J’ai ainsi fait la connaissance de deux sœurs, Éléonore et Adélaïde, surnommée la Salamandre et l'Abeille. Tous les personnages de ce roman  ont un surnom d'animal en rapport avec leurs caractères. Éléonore doit se marier avec Guillaume, l'Ours. On avait fait connaissance avec lui dans le prologue où on assistait à son apprentissage pour devenir chevalier, avec son meilleur ami Tancrède, le Dragon. Guillaume est un homme puissant, dont les terres, bien placées, sont convoitées. Il est veuf, sa première femme qu'il aimait plus que tout, est morte en mettant au monde leur enfant, mort lui aussi. Il ne se remettra jamais vraiment de cette double perte. Et c’est sans amour qu'il se marie avec Éléonore. Il a promis au père de celle-ci, le Loup, de prendre soin également de la sœur, Adélaïde.

Éléonore et Adélaïde sont différentes de caractère. La première est réservée, mais derrière cette réserve, elle cache un fort caractère et une grande volonté. Elle ne se laisse pas marcher sur les pieds, elle remplit ses devoirs conjugaux parce qu'elle doit le faire, mais elle ne ressent aucun attachement pour Guillaume, et pourtant, elle ne le laissera jamais tomber. Adélaïde est plus vive, plus extravertie, elle papillonne, elle a surtout une soif d'apprendre et de savoir. Elle se passionne pour la médecine, les plantes et leurs vertus, pour les soins sur les hommes. Elle passera beaucoup de temps avec le vieil apothicaire de la ville, qui lui transmettra le plus possible son savoir. Elle essaie de garder ses escapades secrètes, Cathaud, la sœur de Guillaume, surnommée l’Araignée, la surveille.  Les deux jeunes femmes vont vivre des drames, et à chaque fois, leur force de caractère va les aider à se relever et à avancer. Et à cette époque où la femme est juste bonne à écarter les cuisses, à enfanter et se taire, elles vont rencontrer pas mal d'obstacles.

 

Je me suis très vite attachée à ces deux  sœurs, à la fois différentes et semblables. Chacune, à leur façon, rêve de liberté et d’indépendance.  J'ai peut-être une légère préférence pour la plus jeune, Adélaïde. J'aime sa fraîcheur, son envie d'apprendre, sa joie de vivre communicative. Elles ne ressemblent pas aux autres jeunes filles de leur époque, elles ne sont pas effacées, elles savent lire, écrire, elles ont de la répartie et ne se laissent pas marcher sur les pieds, elles savent replacer leur interlocuteur quand celui-ci va trop loin. Ce sont deux femmes modernes et en avance sur leur temps, et bien sûr, cela ne sera pas toujours bien vu par les autres femmes et bien sur les hommes de leur entourage. Certaines voudront les réduire au silence, mais elles ne se laissent pas faire, et donnent du fil à retordre à leurs détracteurs. J'aime quand un roman montre comme ça des femmes qui essaient de se sortir du carcan imposé par les hommes. Bien sûr, c’est un roman, mais je me doute que des femmes comme elles ont dû exister, et ainsi faire évoluer le statut de la femme au travers des siècles qui passent.

 

Le style de Camille de Peretti est très bon, le vocabulaire correspond à l'époque tout en étant très compréhensible, les rites de l'époque sont bien expliqués, les décors sont bien décrits, sans lourdeurs, l'auteure arrive à nous faire imaginer très facilement les lieux. Les caractères des différents personnages sont bien travaillés. Les lieux ne sont pas exactement définis, mais on se doute de leur emplacement par rapport à des guerres de territoire ayant lieu entre les différents hommes au pouvoir. L’écriture est vraiment  belle, poétique, je me suis sentie transportée à l’époque du Moyen-âge avec les descriptions et la façon de parler des personnages.

Le fait d'avoir donné des surnoms d’animaux aux personnages, l'Ours, le Loup, la Salamandre, l'Abeille, le Rossignol, le Dragon, l’Araignée, donne au livre des allures de conte, comme on en lit chez les plus grands auteurs, et ressemble aussi à une chanson qu'un ménestrel pourrait véhiculer de cours en cours, de salons en salons. Ces noms d'animaux apportent encore plus de poésie au texte, comme une fable de La Fontaine.  Chaque surnom se réfère à un trait de caractère, et plus je découvrais les personnages plus je comprenais le rapport entre lui et son surnom. C’est une originalité de ce roman  que j'ai beaucoup aimé, qui donne un autre aspect.

Je parlais d'attachement, un peu plus haut, aux personnages. Celui-ci s'est ressenti malgré le choix narratif de l'auteure qui n'est pas celui auquel je suis le plus sensible d’habitude pour me mettre dans la peau des héros. En effet, ici, tout est raconté à la troisième personne du singulier qui fait garder une certaine distance avec les personnages. Mais là, cela ne m'a pas dérangée, et surtout j'ai très bien pu ressentir tout ce que pouvaient vivre les deux jeunes femmes. Et garder une certaine distance a justement été bénéfique pour mieux cerner les caractères de chacun.

 

J'ai beaucoup aimé cette histoire. Le style très fluide, m'a permis de le lire facilement et rapidement. Je suis toujours friande de romans historiques mais j'ai toujours un peu peur que le style soit trop compliqué ou trop ampoulé. Mais là, pas du tout. L'histoire est prenante, l'envie de savoir ce qu'il va arriver aux deux sœurs est tellement forte qu'on tourne les pages sans s'en rendre compte. Et ceci jusqu’à la fin. Je ne peux pas tout révéler, mais les péripéties sont présentes jusqu’au final et j'ai refermé le livre très satisfaite de ma lecture.

J'ai aimé les valeurs et les messages que Camille de Peretti a fait passer au travers de son histoire, j'ai aimé la place qu'elle a donnée aux femmes, que ce soient celles qui rêvent de liberté ou les plus traditionnalistes. Les hommes ne sont pas en reste non plus, il y a ceux qui, majoritairement, considèrent la femme comme une moins que rien, juste bonne à tenir une aiguille et à leur donner un héritier. Et il y a ceux qui sont admiratifs de ces femmes, qui les font passer avant eux et cherchent à les valoriser. Bon, ils ne sont pas nombreux, mais ils existent, et heureusement.

Le titre, Le sang des mirabelles, prend tout son sens avec un effroyable événement qui a eu lieu dans le village des Mirabelles, où d'innocentes victimes mourront alors qu'on essayait de les protéger…

 

En tout cas, qu'on ait aimé ou pas ce roman, une chose est sûre , c’est que l'auteure, Camille de Peretti, a dû faire un travail considérable en amont pour rendre son livre si authentique et être au plus près des événements et des mœurs de cette époque. Je suis toujours admirative devant cela. Et rien que pour ça, je vous recommande ce livre. J'aime les romans historiques, j'aime me plonger à d'autres époques, pour savoir comment les gens vivaient, je trouve ces romans très enrichissants au niveau culturel et intellectuel. Camille de Peretti a écrit d'autres romans, et après avoir refermé celui-ci, j'ai très envie de découvrir ses autres écrits. En tout cas, je vais la suivre de près, afin de la découvrir encore plus.

Si vous aimez les romans historiques, suivre des femmes hors du commun, je ne peux que vous conseiller ce livre, vous serez gâtés.

Pour ma part, je suis très contente d'avoir pu faire cette découverte grâce au Livre de poche et à son prix des lecteurs, je serais sûrement passée à côté de ce livre en temps normal, et cela aurait été bien dommage. C’est vraiment ce que j'aime dans les prix littéraires, ils m’amènent vers des lectures que je n'aurais sans doute jamais faites, c’est très enrichissant.

Je remercie sincèrement Camille de Peretti pour tout ce qu'elle m'a fait vivre le temps de ma lecture, et je remercie également le Livre de poche pour cette belle découverte faite grâce à leur prix des lecteurs.

 

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