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Marie-Nel lit

La goûteuse d'Hitler de Rosella Postorino

29 Juillet 2020 , Rédigé par Marie Nel

La goûteuse d'Hitler de Rosella Postorino

Publié aux éditions Le Livre de Poche

 

 

Résumé :

 

1943. Reclus dans son quartier général en Prusse orientale, terrorisé à l'idée que l'on attente à sa vie, Hitler a fait recruter des goûteuses. Parmi elles, Rosa.

Quand les S.S. lui ordonnent de porter une cuillerée à sa bouche, Rosa s'exécute, la peur au ventre : chaque bouchée est peut-être la dernière. Mais elle doit affronter une autre guerre entre les murs de ce réfectoire : considérée comme « l'étrangère », Rosa, qui vient de Berlin, est en butte à l'hostilité de ses compagnes, dont Elfriede, personnalité aussi charismatique qu'autoritaire.

Pourtant, la réalité est la même pour toutes : consentir à leur rôle, c'est à la fois vouloir survivre et accepter l'idée de mourir.

Couronné en Italie par le prestigieux prix Campiello, ce roman saisissant est inspiré de l'histoire vraie de Margot Wölk. Rosella Postorino signe un texte envoûtant qui, en explorant l'ambiguïté des relations, interroge ce que signifie être et rester humain.


 


 

À propos de l'auteure :


 

Née à Reggio de Calabre en 1978, Rosella Postorino vit actuellement à Rome où elle est journaliste et éditrice chez Einaudi. Ses trois premiers romans, La stanza di sopra, L'estate che perdemmo Dio et Il corpo docile, ont été couronnés par plusieurs prix littéraires.

La Goûteuse d'Hitler est son premier roman traduit en français.


 


 

Mon Avis :

 

J'ai lu ce livre dans le cadre du Prix des Lecteurs du Livre de Poche, il fait partie de la sélection de juillet dans la catégorie Littérature. J'avais déjà lu ce roman lors de sa sortie en 2019 en broché aux éditions Albin Michel, j'ai eu envie de le lire à nouveau pour pouvoir faire mon vote de ce mois en toute connaissance des histoires. Et je suis contente de l'avoir relu, j'ai passé à nouveau un très bon moment en compagnie de ces femmes.

J'ai déjà lu des romans parlant de la guerre, je trouvais original de le faire sur un sujet rarement traité, les femmes qui goûtaient les plats d'Hitler avant que celui-ci ne les consomme, de peur d'être empoisonné. Ce roman est basé sur une histoire vraie. L'auteure s'est appuyée sur un témoignage de Margot Wölk, la dernière goûteuse d'Hitler encore en vie, malheureusement décédée avant que l'auteure ne puisse la rencontrer. Mais elle avait décidé avant sa mort de rendre publique ce qu'elle avait vécu pendant la guerre.


 

Tout se passe pendant la seconde guerre mondiale, en Allemagne. Elles sont dix, dix femmes à être recrutées pour goûter les plats servis à Hitler. Parmi elles, se trouve Rosa, l'héroïne de cette histoire. Elle a toujours vécu à Berlin, ça lui sera d'ailleurs souvent reproché par ses « collègues » qui l'appelleront « la Berlinoise ». Son mari, Gregor, est à la guerre. Restée seule à Berlin, elle part vivre chez ses beaux-parents, dans un village de Prusse Orientale, près du quartier général d'Hitler. Là, elle sera recrutée par les S.S pour devenir une des femmes qui devra goûter les plats servis à Hitler. Cruel travail, puisque chaque bouchée peut être fatale. Mais les hostilités et les dangers sont aussi au sein du groupe de femmes, certaines sont très vindicatives et cruelles. Le seul avantage pour ces femmes est de manger à leur faim, ce qui est bien rare en ces temps troublés. C'est cependant un cruel dilemme, puisqu'elles doivent choisir entre se nourrir et mourir à n'importe quel moment.


 

En plus du danger de manger des plats empoisonnés, il va falloir que Rosa lutte contre certaines adversités au milieu du groupe de femmes. Des affinités vont se nouer avec certaines, Rosa les défendra parfois contre des injustices, mais d'autres la considèreront toujours comme une étrangère et lui feront vivre de durs moments. Rosa est une femme courageuse et pleine de caractère. La guerre lui amènera bien des tristesses, et elle trouvera parfois du réconfort là où elle n'aurait pas penser le trouver. Mais cet amour clandestin la mène en même temps vers des angoisses difficiles à gérer.

Tous les sujets de la guerre seront traités derrière ce portrait de femmes, les camps, les dénonciations de juifs. Même l'attentat échoué contre Hitler en juillet 1944. C'est un roman complet, qui traite de tous les sujets que l'on connait, autour de la vie de Rosa et de ses compagnes. J'ai également appris plein de choses que je ne connaissais pas sur Hitler. J'ai été surprise d'apprendre qu'il était végétarien et qu'il ne supportait pas de voir un animal souffrir. Il avait même raconté un soir à table à ses invités qu'il avait visité un abattoir et n'avait pas supporté de marcher dans le sang. Quand on pense à ce que lui a pu demander de faire à ses hommes dans les camps de concentration qui sont en quelque sorte des abattoirs pour humains, on est choqués de lire de telles choses sur lui. Son cuisinier raconte aussi qu'il proscrivait la viande, incitait ses compatriotes à la radio à manger du pot-au-feu de légumes, mais son cuisinier rajoutait du lard dans sa soupe sans qu'il s'en aperçoive. C'est un homme tout en contradiction. Le bunker dans lequel il est caché à côté de Gross-Partsch est bien caché par des feuillages, mais alors c'est une véritable ville à lui tout seul puisque pas moins de 2000 personnes y vivent et 4000 personnes y travaillent, c'est assez hallucinant ! Je suis toujours friande de telles anecdotes sur les hommes célèbres, l'auteure a dû faire un gros travail en amont pour emmagasinner toutes ces informations. Celles-ci sont très bien intégrées au récit plus romanesque. J'aime quand mes lectures ont ce double pouvoir, celui de me divertir et de m'apprendre des faits inconnus de moi alors. Et ça me pousse en plus à faire d'autres recherches sur le même sujet. Quand un livre arrive à titiller ma curiosité, c'est que c'est un bon livre.


 

L'histoire est composée de plusieurs parties. La dernière est très intéressante, puisqu'elle nous amène dans les années 1990 où l'on retrouve certains personnages (je ne vous dirai pas lesquels) et on peut voir ainsi comment ils ont évolué et comment ils s'en sont sortis. J'aurais juste aimé qu'elle soit un tout petit peu plus longue, avoir d'autres explications un peu plus poussées. La première partie, quant à elle, pose l'action et les personnages. J'ai apprécié cette construction. Le choix narratif de l'auteure fait que le sentiment d'attachement à Rosa est renforcé, puisqu'elle utilise la première personne du singulier pour raconter. Je suis très sensible à l'emploi du « je » qui me permet de me mettre dans la peau du personnage principal, de ressentir la moindre de ses émotions, de rentrer dans sa tête et de vivre au plus près de lui. Et ici, j'ai ainsi pu accompagner Rosa dans sa vie de chaque jour, dans ses repas, dans ses joies et ses peines, dans sa lutte pour survivre. L'auteure dépeint bien chacun des traits de caractère qui peuvent apparaître dans un monde hostile, l'individualisme comme la solidarité. Elle a également bien représenté le climat qui peut régner dans un groupe de femmes, qui ont la peur au ventre et qui parfois l'expriment assez violemment.


 

J'ai beaucoup aimé ce roman que j'ai lu vite, en deux après-midis. Il faut dire que les chapitres courts donnent beaucoup de rythme à la lecture. L'auteure a rendu son style léger, avec juste ce qu'il faut de descriptions. Je n'ai pas trouvé de lourdeurs et le sujet a tellement été passionnant pour moi que la lecture s'est fait avec beaucoup de facilité. J'ai tellement lu de livres sur le thème de la guerre que j'aime trouver des sujets originaux, et c'est le cas ici. Je suis vraiment satisfaite d'avoir découvert ce roman et son auteure. Elle arrive à parler d'Hitler et de ses proches avec neutralité, sans verser plus dans le pathos. Bien sûr, le ton est parfois dramatique, ce serait difficile de faire autrement quand on parle de guerre, d'éradication et de pressions. Le fait qu'ici, ce soit des Allemands qui soient confrontés à d'autres Allemands apporte encore une nouvelle dimension très intéressante à voir évoluer. Bien souvent dans les romans, ce sont deux nations étrangères qui s'affrontent, mais là, on se rend compte que les Allemands aussi ont souffert (je n'en doutais pas du tout) dans leur propre pays et qu'ils ont vécu aussi des moments terribles. Je trouve qu'il est bon de le rappeler dans des romans accessibles à tous.

L'auteure véhicule de beaux messages à travers ses personnages, et celui que je retiendrais le plus est l'amitié entre les femmes, le soutien qu'elles peuvent s'apporter face aux dangers et ils seront nombreux ici. Face à l'ennemi, elles sont soudées. Bien sûr, il y a toujours quelques cas qui cherchent toujours à avoir un certain favoritisme, mais elles sont plus rares que celles qui se soutiennent. L'amour est présent aussi, mais c'est un sentiment qui prime moins que l'amitié. La peur est un sentiment qui revient également beaucoup et ça se comprend. En tout cas, une fois de plus, on peut se rendre compte que l'humain, quand il est dans les difficultés, fait montre de solidarité envers les siens, et j'espère qu'il en sera toujours ainsi...


 

Rosella Postorino est une jeune auteure. Ce roman est le premier traduit en français. J'espère sincèrement qu'il en sera de même avec d'autres de ses écrits, nouveaux ou plus anciens. Je suis curieuse de lire une nouvelle histoire pour voir si elle confirme son talent de raconteuse d'histoire. J'aime bien me faire une deuxième idée avant de suivre de plus près l'auteure. Je reste en tout cas à l'affût au cas où le succès de ce roman permette d'en publier un second en français. En tout cas, mon deuxième avis sur ce roman-ci reste très positif et je suis contente d'avoir pu le relire.


 

Je pense que vous l'aurez compris, je vous recommande La goûteuse d'Hitler, surtout si vous aimez être surpris par l'originalité d'un sujet rarement traité avec comme décor la seconde guerre mondiale. Je suis très satisfaite de cette seconde lecture. Ce n'est pas non plus un coup de cœur, il m'aura manqué un chouilla de quelque chose pour que ce le soit, à vrai dire, je ne sais pas ce qu'il m'aurait fallu de plus. Mais ça reste tout de même une très bonne lecture que je n'oublierai pas de sitôt.

 

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