Les fureurs invisibles du coeur de John Boyne
Publié aux éditions Le livre de poche
Résumé :
Cyril n’est pas « un vrai Avery » et il ne le sera jamais – du moins, c’est ce que lui répètent ses parents, Maude et Charles. Mais s’il n’est pas un vrai Avery, qui est-il ? Né d’une fille-mère bannie de la communauté rurale irlandaise où elle a grandi, devenu fils adoptif des Avery, un couple dublinois aisé et excentrique, Cyril se forge une identité au gré d’improbables rencontres et apprend à lutter contre les préjugés d’une société irlandaise où la différence et la liberté de choix sont loin d’être acquises.
À propos de l'auteur :
John Boyne est né en Irlande en 1971. Auteur de dix romans et de quelques livres pour la jeunesse dont le célèbre Garçon en pyjama rayé (Gallimard, 2006), il signe ici son roman le plus personnel et le plus ambitieux.
Mon Avis :
J'ai lu ce livre dans le cadre du Prix des Lecteurs du Livre de Poche pour lequel il fait partie de la sélection de juin en catégorie littérature. Je ne connaissais pas du tout John Boyne avant de recevoir ce livre, je n'avais jamais vu passer ce roman au format broché. Comme quoi, je le répète à chaque fois, mais ce prix permet de faire des découvertes livresques vers lesquelles je ne serai sûrement jamais allée. Et il aurait été vraiment dommage de passer à côté de cette histoire, dans laquelle j'ai été embarquée dès le départ et qui a été prenante tout au long de ses 850 pages. C'est une histoire marquante, qui m'a profondément heurtée et touchée.
Dès la première page, on rentre dans le drame de tout le livre. On est en Irlande, en 1945, et tout commence dans une église, pendant la messe. Une famille est réunie sur les premiers bancs, des parents, six garçons et une fille. Le prêtre désigne cette famille et plus particulièrement la jeune fille de seize ans. Celle-ci est enceinte, elle se fait insulter par ce prêtre, maltraitée, il lui demande de donner le nom du père, ce qu'elle ne fera pas, il va alors la jeter hors de l'église en lui commandant de partir sur le champ, de quitter la ville et de ne plus jamais y remettre les pieds. Ce qu'elle fera. Elle, c'est Catherine. Elle partira ainsi en bus à Dublin, elle rencontrera dans ce bus un jeune garçon qui l'accueillera dans l'appartement de son ami. Elle ira jusqu'au bout de sa grossesse, un nouveau drame va alors éclater le jour de son accouchement.
On se retrouve ensuite propulsé sept ans plus tard avec un petit garçon, Cyril Avery, qu'on devinera très vite être le fils de Catherine. Il a été adopté par Charles et Maude Avery, mais comme le dit toujours son père adoptif, « il n'est pas un vrai Avery ». Cette phrase il va l'entendre tout au long de son enfance et de sa vie d'adulte. Il appelle d'ailleurs ses parents adoptifs par leurs prénoms. Charles est un riche homme d'affaires dont les magouilles lui vaudront quelques séjours en prison. Maude est une romancière qui ne veut surtout pas que ses livres aient du succès. Pour elle, un grand écrivain, c'est celui dont on ne parle pas. Cyril va grandir dans cette ambiance, où il ne manquera jamais d'aisance matérielle mais où il manquera cruellement d'affection. Il va rencontrer le fils de l'avocat de son père, Julian, qui deviendra alors son grand ami. Julian est un garçon opposé à Cyril, joyeux, bout-en-train, beaucoup plus déluré que Cyril. Celui-ci va, au fil des années, ressentir des sentiments plus profonds pour son ami, et va ainsi découvrir qu'il est plus attiré par les hommes.
Mais nous sommes en Irlande, dans les années 50, 60 et plus, où l'homosexualité est interdite, punie par la loi, tout comme les avortements. Une femme doit se marier, avoir des enfants, et surtout laisser la place à son mari, elle ne doit pas travailler. Un système tellement rétrograde et créant ainsi de nombreux problèmes dans la vie des Irlandais. Cyril va donc devoir cacher son homosexualité, il ne l'avouera que bien plus tard à son ami Julian et se verra alors rejeté. Il partira d'Irlande, ne supportant plus d'y être ainsi non toléré, il rejoindra Amsterdam puis New York où il pourra enfin vivre comme tout le monde, sans se cacher, bien qu'il y ait de l'intolérance partout. Il ne reviendra en Irlande qu'au début des années 90, où il pourra régler certaines choses du passé. Et on ira ainsi jusqu'en 2015, où Cyril a 70 ans, et a enfin atteint la plénitude dans sa vie, bien qu'elle soit occupée par beaucoup de fantômes du passé.
Ce roman nous fait ainsi traverser soixante-dix ans de la vie d'une personne, d'un jeune garçon à un vieillard, avec tout ce qu'il va pouvoir traverser tout au long des années. John Boyne a ainsi pu dépeindre les mentalités d'un pays et leurs transformations pendant toutes ces années. Il a mis le doigt sur des faits qui semblent tellement inimaginables lorsqu'on les lit à notre époque et pourtant, ils ont bien existé. Comment pouvait-on alors juger et rejeter une personne parce qu'elle était enceinte hors mariage, parce qu'elle ressentait des sentiments pour des personnes du même sexe. Et avec quelle méchanceté ces personnes pouvaient être rejetées, les paroles acerbes et piquantes, les expressions de dégoût sur les visages, tout cela est tellement ignoble et honteux. J'étais horrifiée en lisant de voir de tels comportements, j'avais de la peine pour Cyril, sa mère et tous les autres personnages qui ne pouvaient tout simplement pas vivre comme bon leur voulait. J'ai ressenti tout au long du livre une sensation nauséabonde, pas à cause de l'histoire, mais par ce qu'elle racontait, par ce qu'elle expliquait. Je me sentais vraiment mal vis à vis de ces personnes malheureuses et j'avais honte de ce que les autres pouvaient dire ou faire. Car Cyril ne va pa être épargné dans sa vie d'adulte, même aux États-Unis. Le fait tout simple de tenir la main d'un homme va lui valoir de graves soucis et mener tout droit à un drame qu'il aura toujours du mal à surmonter. Ça me terrifiait de voir de tels comportements..J'ai eu beaucoup de peine pour Cyril et pour tout ce qu'il a vécu. Il a fallu qu'il soit fort pour arriver à mener sa vie, à passer outre tout cela, et à essayer d'être heureux. Et sans le savoir, il croisera plusieurs fois sa mère biologique. Il fut un moment dans le roman où j'étais en attente de ces retrouvailles, ou de savoir ce qui avait bien pu se passer pour Catherine, vu qu'on l'avait quittée à son accouchement à la fin du premier chapitre. J'avais vraiment peur de ne jamais avoir les réponses à ce questionnement, mais si, elles sont arrivées avant la fin, et j'étais très contente de retrouver cette femme courageuse. Mais je n'en dirai pas plus, je ne veux pas tout vous raconter. Il serait d'ailleurs très difficile de tout vous dire, il s'en passe des choses en plus de huit cents pages, comme dans une vie après tout. Ce roman est une belle épopée d'une vie qui aurait pu être si simple si l'environnement l'avait voulu.
Je me suis très vite attachée à Cyril, à Catherine, à Julian, Alice, et tous les autres. L'attachement à Cyril est renforcé par le choix narratif que l'auteur a employé pour raconter l'histoire. Cyril est le narrateur et raconte sa vie. L'auteur a donc employé la première personne du singulier, j'aime beaucoup ce procédé. Ce « je » me permet de mieux ressentir ce que vit ou pense le personnage principal, je rentre dans sa tête, dans sa peau, je me mets à sa place et je vis à travers lui. Et avec tout ce que Cyril va endurer, je peux vous dire que certains moments vont être très difficiles à passer. Les émotions ont été très vivaces, et surtout bien retranscrites par l'auteur. C'est une lecture riche en sentiments de toutes sortes et surtout opposés bien souvent. J'ai été souvent émue, et très souvent dégoûtée, en colère, en révolte même contre ces jugements envers des personnes qui ne demandent qu'à vivre, tout simplement. La religion a d'ailleurs une grosse responsabilité dans ces pensées détestables. John Boyne a bien souligné ce fait et il a eu tellement raison. Quand on connait un peu l'histoire de l'Irlande et son attachement profond à l'église, on comprend combien des gens dans la situation de Catherine ou de Cyril ont dû se battre pour rester en vie.
Je crois que je pourrais vous en parler encore longtemps tellement de tels agissements m'ont indignée. Le principal n'est-il pas d'être heureux et bien dans sa peau, qu'importe la couleur de peau, le pays de naissance, l'orientation sexuelle, ou l'avis personnel, du moment qu'on se sent en adéquation avec notre être le plus profond. Et encore de nos jours, en 2020, certains auraient encore tendance à avoir les mêmes avis...ça me fait froid dans le dos.
Sinon, je ne peux pas finir cette chronique sans vous parler de la construction du livre qui est assez particulière et originale. Il est divisé en trois parties principales qui portent des titres qui collent parfaitement au récit : Honte, Exil et Paix. Dans ces parties, des chapitres qui sont tous liés à des dates, et ce qui est assez ingénieux, c'est qu'à chaque fois sept années les séparent. Généralement, il se passe quelque chose d'important dans la vie de Cyril à la fin d'un chapitre, et lorsqu'on commence le suivant, sept ans plus tard, on se demande ce qui a pu arriver avant, ce qui est expliqué petit à petit par le narrateur, en l’occurrence Cyril. J'ai beaucoup aimé cette façon de faire, c'était un peu déroutant au début, car je me posais plein de questions sur les sept années écoulées, mais au final, j'ai trouvé cela très original et plutôt bien trouvé.
Je pense que vous l'aurez compris, mais ce roman a été une très bonne lecture, et surtout je pense qu'il restera marqué en moi un moment. J'ai même ressenti une certaine tristesse en quittant Cyril à la fin, mais, comme on dit, la boucle est bouclée, il fallait bien le laisser partir. Le final est beau, et porteur d'espoir, malgré les embûches, malgré les soucis, il reste finalement de bons souvenirs de vie et une envie aussi de retrouver les êtres disparus en acceptant sa propre mort. J'ai vraiment été remuée jusqu'à la fin, jusqu'au dernier mot.
Malgré le bon petit pavé que ce livre pouvait représenter, surtout pour un format poche, ma lecture a été rapide et surtout addictive. Je n'avais qu'une hâte lorsque je quittais le livre, c'était de le retrouver au plus vite pour continuer. Je pense qu'une telle histoire est difficile à oublier. En tout cas, moi, je n'oublierai pas de sitôt l'histoire de Cyril. C'est une histoire qui devrait être lue pour ne pas reproduire les mêmes avis, les mêmes choses. Laissons les gens vivre comme ils le veulent, et surtout, occupons nous de nous avant d'aller juger les autres... Comme vous pouvez le voir, je suis vraiment marquée...
J'ai particulièrement apprécié la plume de John Boyne. Je le découvre ici, j'ai vu qu'il avait écrit d'autres romans, beaucoup de jeunesse, mais il est sorti en février de cette année un roman, L'audacieux monsieur Swift, aux éditions Jean-Claude Lattès, le résumé me semble fort intéressant, je le note pour une future lecture. Un auteur de plus à suivre et à continuer d'apprécier.
Le choix pour la sélection de juin va être très compliquée. Les trois romans lus ont tous les trois été de très bonnes lectures...ça va vraiment être très difficile. Je vais laisser reposer un peu avant de faire mon vote. En tout cas, c'est un plaisir à chaque fois renouvelé. Je remercie sincèrement le Livre de Poche pour cette très belle aventure.
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Les Fureurs invisibles du coeur
Cyril n'est pas " un vrai Avery " et il ne le sera jamais - du moins, c'est ce que lui répètent ses parents, Maude et Charles. Mais s'il n'est pas un vrai Avery, qui est-il ? Né d'une fille-mèr...
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