Les mendiants par Xavier Hurbin
Publié aux éditions Lazare et Capucine
Résumé :
Apprenant sa mort prochaine, trop précoce, Eve a voulu ce grand cahier pour que son aimé, ses amis, l'accompagnent vers l'inconnu.
Avec ce témoignage écrit qui leur est demandé, elle fait aussi un sublime et dernier cadeau á ceux qui l'ont aimée, pour les aider dans leur propre chemin, aux confins de la vie et de la mort, du chagrin et de l'amour.
Voici une contribution pour tenter de comprendre un peu le mystère du vivant, celui de l'être dans ses profondeurs, une narration pour toucher le coeur, une poésie sans illusion mais déterminée pour dire l'indicible alors même que les mots semblent vains.
De ce récit, roman poétique, roman épistolaire, le lecteur ressortira bouleversé mais gonflé d'amour, quand les larmes sécheront.
Par la forme originale créant une musique des mots si pénétrante, par la puissance d'un texte semblant naître du plus profond de nos entrailles, le premier roman de Xavier Hurbin bouscule le genre et emmène le lecteur dans une expérience poignante et édifiante, déchirante et apaisante. Etonnant tribut, pour dire un peu l'Homme, esquisse sublime vers l'insondable.
Mon Avis :
Ce roman est une belle découverte. J'en ressors toute émue et bouleversée. En à peine une centaine de pages, il est arrivé à me faire vivre une montagne d'émotions. J'aime beaucoup les éditions Lazare et Capucine et je n'ai jamais été déçue par l'une de leur publication. Celui-ci va rejoindre ma bibliothèque avec un soin tout particulier, en plus, l'objet est très beau avec son grain de papier plus épais. Lorsque j'ai reçu ce roman, se trouvait dedans un mot de l'éditeur, Olivier de Lagausie, qui en une phrase a très bien résumé ce que j'ai ressenti : « Les mendiants, on aime, on n'aime pas. Si on aime, on pleure de magnifiques larmes. » J'ai aimé, même plus, j'ai versé des larmes. Je ne sais pas si elles sont magnifiques, mais elles le sont devenues à cause des mots qu'elles ont lu.
Ce roman est composé d'une trentaine de textes individuels, rédigés en forme de poème. Ils racontent tous une histoire et ont une continuité. Pour mieux s'imprégner de leur signification, il faut les lire à la suite les uns des autres. Chacun peut ensuite se lire indépendamment et s'apprécier dans le beau message qu'il porte. L'auteur a posé des mots pour calmer les maux. Et les uns comme les autres sont très émouvants. C'est une histoire qui pourrait sembler malheureusement banale, que malheureusement beaucoup de personnes vivent, mais à chaque fois, on ne peut être que touché par ce sujet.
L'idée ici est originale. Eve vient d'apprendre qu'elle a un cancer. En rentrant chez elle, elle prend un cahier sur lequel elle dessine une vigne, puis le laisse sur le bureau du salon. Chacun de ses amis, son mari, ses proches, pourront ainsi écrire sur les pages de ce cahier et partager ce qu'ils ressentent face au drame qui les touche tous de près. On va y croiser Jean, son mari. Comme on peut le comprendre, le début est surtout frappé par le refus de la maladie, il nie, ne veut pas voir sa femme dépérir et mourir. Lorsque celle-ci refusera les soins et la chimiothérapie, il sait alors quelle sera l'issue. Et ce que vont alors écrire chacun des proches d'Eve va être d'une force plus grande que la mort. J'ai ressenti la colère de chacun, puis une certaine acceptation, un espoir de voir la vie continuer, chacun se rend compte qu'il va perdre un être cher, il retrace les souvenirs communs, des pensées philosophiques sur la naissance, la mort, la poussière. Chacun des poèmes est profondément sensible et touchant. J'ai parfaitement ressenti les sanglots, les sourires, comme si je voyais défiler une série de personnes devant moi qui seraient venues me parler d'Eve. À travers ces textes, plus ou moins longs, l'auteur a su rendre réels les personnages. Et je me suis tout naturellement attachée à Eve, son histoire, son vécu, sa façon de vivre ses derniers instants, mais aussi à Jean. J'ai retrouvé en lui certains des aspects de ma vie personnelle lorsque j'ai été confrontée à la mort d'un proche. On ne peut que reporter un peu de son histoire personnelle au travers de ces personnages.
Certains sont relevés de citations de grands auteurs en rapport avec la mort et la vie et apportent encore plus de poids aux mots de Xavier Hurbin. Bien sûr, on sait au fur et à mesure où l'on avance dans le livre vers quoi on se dirige, l'intéressant ici, c'est le chemin que prend l'auteur pour nous y amener. Touchée par l'histoire de Eve, j'ai été émue devant son acceptation de la maladie et de la fin de sa vie. C'est un formidable message d'amour et de vie. Je trouve d'ailleurs que c'est souvent lorsqu'on côtoie la mort que la vie devient encore plus belle, c'est assez contradictoire, et pourtant ça se vérifie ici.
Chaque poème est signé par un proche de Eve ou par Eve elle-même. Ils sont tous très beaux à lire. Le livre étant court, je l'ai lu d'une traite, mais j'ai dû laisser un peu reposer mon esprit avant d'écrire cette chronique et j'ai alors pu relire certains au hasard de l'ouverture du livre, et j'ai pu vérifier le pouvoir qu'ils avaient sur moi.
Je vais, pour une fois, faire une chronique un peu moins longue que d'habitude. Ne voyez pas là un signe de désintérêt pour ce livre. Bien au contraire. Ce que j'ai ressenti à la lecture est presque indescriptible, j'ai surtout peur de gâcher avec mes mots la beauté de ceux employés par l'auteur. Ils ont tellement de profondeur qu'ils ne peuvent que résonner au fond de nous, même si nous n'avons jamais été confrontés au cancer, nous avons tous connu la perte d'un être cher, nous savons quelle blessure cela peut occasionner et combien elle peut avoir du mal à cicatriser, si elle cicatrise un jour...
Bien sûr, je vous recommande vivement ce livre, ce recueil de poèmes, ces derniers moments de vie d'une femme. Les mots de Xavier Hurbin sont beaux, pénétrants, puissants. Ils nous parlent à tous, ils nous font aimer la vie dans ce qu'elle a de plus simple, la force d'un instant. Je suis toujours épatée par le génie de ces écrivains d'arriver à véhiculer tant de messages et de beauté dans les quelques mots qu'ils apposent sur une feuille. Je félicite sincèrement l'auteur pour l'originalité de son texte, il aurait pu raconter l'histoire de cette femme classiquement, l'avoir fait sous la forme de prose donne encore plus de beauté aux phrases et aux mots qui les composent.
Ce livre est une très belle découverte. Il parle de la mort, et pourtant il est extrêmement positif et n'est pas triste. Mon premier réflexe à la fin de ma lecture a été de dire aux personnes proches de moi combien je les aime, on ne le fait jamais assez, emportés par la vie et la routine, et pourtant il faut le faire, ne pas attendre, pour qu'il ne soit pas trop tard et le regretter à jamais.
Un grand grand merci à Xavier Hurbin pour tout ce qu'il m'a fait vivre à travers ses mots, j'espère avoir été à la hauteur de ce que vous m'avez apporté.
Un énorme merci également à Olivier de Lagausie des éditions Lazare et Capucine qui m'a envoyé ce livre sans que je l'ai demandé. Peut-être n'y serais-je pas allée de moi-même, il a eu raison de le faire, je serais passée à côté d'un moment littéraire fort.