Changer l'eau des fleurs par Valérie Perrin
Publié aux éditions Albin Michel
Résumé :
Violette Toussaint est garde-cimetière dans une petite ville de Bourgogne. Les gens de passage et les habitués passent se réchauffer dans sa loge où rires et larmes se mélangent au café qu'elle leur offre. Son quotidien est rythmé par les confidences des visiteurs et la joie des fossoyeurs. Un jour, parce qu'un homme et une femme ont décidé de reposer ensemble dans son carré de terre, tout bascule. Des liens qui unissent vivants et morts sont exhumés, et certaines âmes que l'on croyait noires, se révèlent lumineuses. Changer l'eau des fleurs est un hymne au merveilleux des choses simples. Après le succès des Oubliés du dimanche, Valérie Perrin, virtuose dans l'art d'explorer les sentiments, nous livre un deuxième roman bouleversant où suspense, sensibilité et justesse éclatent à chaque page.
À propos de l'auteure :
Photographe et scénariste, Valérie Perrin travaille aux côtés de Claude Lelouch. Son premier roman Les oubliés du dimanche, a reçu de nombreux prix, dont celui de Lire Elire 2016 et de Poulet-Malassis 2016.
Mon Avis :
Cela faisait un petit moment que je voyais passer ce roman, cette couverture sur les réseaux sociaux. J'avais très envie de le lire, il suscitait beaucoup de passion chez ceux qui l'avaient lu, j'ai voulu me faire ma propre opinion. Grâce à un prêt à ma médiathèque, j'ai réparé cette lacune et je peux dire que moi aussi j'ai lu ce très beau roman de Valérie Perrin. Oui, je dis très beau, car c'est le cas, pour moi tout au moins. C'est quand même un beau bébé de plus de 550 pages et je ne les ai pas vues passer. Du moment où je l'ai commencé jusqu'à celui où je l'ai fini, j'ai vécu en apnée dans la vie de cette femme qu'est l'héroïne du roman. Et puis, ma fille s'appelle comme elle, Violette, je n'avais jamais encore lu de romans avec un tel prénom, je sentais que j'allais être touchée par elle.
Je ne vais pas trop revenir sur l'histoire en elle-même, le résumé en dit juste assez pour donner envie et ce serait vraiment dommage de ne pas le découvrir de la façon dont le souhaite l'auteure. Je me suis très vite attachée à Violette, c'est une femme courageuse. On la découvre au début en gardienne de cimetière, ce n'est pas un boulot banal, je pensais que ce métier existait dans un temps plus ancien, alors que tout se passe ici dans les années 90 et 2000. On la découvre dans son cimetière, avec les fiches qu'elle fait sur chacun des enterrements pour pouvoir parler avec la famille ou les amis du défunt. Elle vit seul avec les nombreux chats qu'elle recueille et avec son chien, sa fidèle Eliane. Ses principales rencontres se font avec les fossoyeurs, avec ceux qui s'occupent des pompes funèbres et avec le curé. Chacun se respecte et vient en aide à l'autre, que ce soit moralement ou physiquement. Violette est également passionnée par ses fleurs et son jardin. Elle aime s'occuper de son potager, proposer ses propres fleurs à la vente pour les visites au cimetière. Elle trouve une grande paix lorsqu'elle est dans son jardin. Violette vit au rythme des enterrements, des visites, des jours qui passent. Jusqu'au jour où un homme, commissaire de son état, vient car sa mère a demandé que ses cendres reposent sur la tombe de son amant, enterré dans le cimetière de Violette. Celle-ci ne sait pas que cet homme va changer son horizon. Il remet à Violette le journal de sa mère où elle raconte toute sa vie, avec son mari et son fils, mais aussi avec son amant. Et Violette va elle aussi nous raconter son histoire, son passé, de garde-barrière dans l'Est de la France, près de Nancy, sa vie de femme mariée, le comportement de son époux, Philippe Toussaint. Plusieurs destins vont ainsi s'entrecroiser tout le long des pages, certains auront des points communs, et tous se retrouveront toujours autour de ce cimetière.
J'ai beaucoup aimé suivre la vie de Violette. Elle la raconte parcimonieusement. Les chapitres consacrés à elle sont coupés par ceux concernant d'autres personnages, tout aussi importants. Je me suis très vite attachée à ce personnage féminin, son histoire ne peut que nous toucher, elle n'a pas une vie facile, elle vivra de grands drames, se relèvera à chaque fois, et continuera de vivre, de se consacrer aux autres. Elle donne beaucoup, n'attend plus rien des autres tellement elle a été déçue. Je me suis aussi attachée aux autres personnages, comme Irène ou Léonine, Julien ou Gabriel. Même celui qui m'était antipathique au début de l'histoire, devient au bout d'un moment plus sympathique, quand on découvre sa propre histoire et son propre vécu, on comprend mieux son comportement.
Ce sentiment d'attachement à l'héroïne principale est dû aussi au style narratif de Valérie Perrin. Elle utilise en effet la première personne du singulier pour faire parler Violette. Ce « je » donne un effet très intime et m'a permis de m'identifier encore mieux au personnage. Certains chapitres concernant un autre personnage sont eux écrits à la troisième personne, ce qui renforce le sentiment de distance que l'on peut avoir envers lui. Au début, les chapitres oscillent entre ces deux personnes. Arrivé à peu près à la moitié du roman, sont rajoutés des chapitres concernant le journal d'Irène. Là aussi, je n'ai pu que m'attacher à cette femme. Le roman prend alors plusieurs voix. Je pensais qu'elles n'avaient aucun rapport entre elles, et je me suis rendue compte ensuite que je me trompais, et qu'au contraire, elles allaient impliquer des conséquences dans la vie de chacune. Un peu comme l'effet d'un battement d'ailes de papillon qui a des répercussions à l'autre bout de la Terre. Ici, c'est pareil. L'arrivée d'untel a provoqué ça, qui a engendré ceci, et donné cela...un enchevêtrement de situations venant d'horizons différents qui se rejoignent à un moment donné...
Pour tout cela, la lecture fut rapide et s'est faite avec une certaine avidité. J'avais envie de savoir ce qui allait se passer, comment l'un ou l'autre allait s'en sortir, ce qui allait advenir au final et qu'en seraient les conséquences. Le style de Valérie Perrin change selon ce qu'elle raconte, selon le personnage. Il peut y avoir du langage parlé quand il s'agit de retranscriptions de dialogues ou de pensées, comme d'un langage plus soutenu quand cela concerne un journal ou un personnage plus classe. J'ai été un peu déstabilisée au début par le fait que l'auteure mette entre parenthèses à côté d'un nom de défunt de cimetière, ses dates de naissance et de mort, mais je me suis fait très vite à cette originalité. Les références à des chanteurs et leurs chansons sont nombreuses et je les ai beaucoup appréciées. Elles tombent toujours au bon moment dans l'histoire, et très hétéroclites, on peut retrouver du Jacques Brel ou du Serge Reggiani comme du Benjamin Biolay ou Raphaël Haroche. Ces phrases rapportées à chaque début de chapitre donnaient le ton de celui-ci.
Par contre, je me suis fait totalement avoir par le fond de l'histoire. Je pensais en effet tomber sur une lecture feel good, mais non, c'est un roman beaucoup plus dramatique. Je ne m'attendais pas à ce qu'a pu vivre Violette, aux douloureuses épreuves auxquelles elle a dû faire face. Je me suis bien souvent dit que le sort s'acharnait sur elle, mais à chaque fois, elle est arrivée à affronter la douleur et à continuer à vivre. Son histoire véhicule plein de beaux messages sur la vie en générale, sur la résilience, sur l'espoir et sur l'amour. Les différents décors sont également bien retranscrits, que ce soit vers Nancy, ou en Bourgogne ou encore sur une plage près de Marseille. À chaque fois, j'ai pu ressentir l'atmosphère de ces lieux, l'importance de ceux-ci dans la vie de tous ces personnages. Et à aucun moment Valérie Perrin ne verse dans le larmoyant ou dans le pathos, et pourtant ça aurait pu, quand on voit les épreuves qu'ils traversent tous. On retrouve même certaines touches d'humour qui détendent une situation ou un moment particulier.
Je pense que vous l'aurez compris, j'ai passé un excellent moment en la compagnie de Valérie Perrin, de son histoire et de ses personnages. Je n'ai trouvé vraiment rien de négatif à ce roman, j'ai pris beaucoup de plaisir à le lire. Je n'oublierai pas de sitôt Violette, elle restera marquée au fond de moi. Cette lecture m'a donné envie de suivre cette auteure, et de lire son premier roman, Les oubliés du dimanche. Et je pense même que je vais me procurer ce roman ci, je prendrai beaucoup de plaisir à relire certains passages, certaines phrases marquantes.
Si vous ne connaissez pas encore Valérie Perrin, n'hésitez pas si vous aimez vivre des moments forts pendant votre lecture. Je comprends, en tout cas, le succès que ce livre a pu avoir. Je ne pense pas qu'elle lira cette chronique, mais je lui envoie tous mes remerciements pour ce qu'elle m'a fait vivre de si fort et de si précieux pendant ma lecture. On ne peut qu'aimer la vie quand on a fini ce roman....