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Marie-Nel lit

La boite à outils de Gérard Besnier

31 Janvier 2019 , Rédigé par Marie Nel Publié dans #littérature

La boite à outils de Gérard Besnier

 

Publié aux Éditions François Bourin

 

 

Résumé :

 

Lorsque Nicolas Dédacin Amoraus quitte précocement les bancs de l’école, son père le félicite : le voilà digne d’hériter de la noble boîte à outils familiale ! Et le jeune héros d’emporter fièrement ce berceau, ce « cercueil » comme disent les ouvriers, dans la campagne normande des années 1970, où fleurissent des utopies de travail « alternatif »…

Nicolas s’apprête donc à soigner son apprentissage auprès de bons gars biberonnés au travail vrai ! À moins que ces autoproclamés professionnels de génie ne soient que de doux dingues, plus enclins à refaire le monde par les mots que par les actes ? Jugez vous-même : un mécano donneur de leçons, un « menuisier » roublard, un ouvrier agricole au patois incompréhensible, un séminariste illuminé…

Sans parler de ces jeunes femmes au féminisme intransigeant !

De rencontres hasardeuses en catastrophes, les tribulations de Nicolas dessinent un étonnant parcours initiatique, déjanté et émouvant. Et pour tracer sa propre route, peut-être devra-t-il se détourner du testament qu’il avait accepté.

 

Dilettante, Gérard Besnier a été mécanicien (deuchiste), menuisier (meubles), bibliothécaire (municipal), professeur de lettres (agrégé), traducteur (italien). Il signe là son premier roman.


 


 

Mon Avis :


 

En voilà un roman original, je le sentais déjà rien qu'en lisant le résumé, et cette première impression a été la bonne. J'ai été de surprises en surprises tout le long de l'histoire, très riche, très pointue. C'est le premier roman de Gérard Besnier et c'est plutôt une réussite. Il a un style particulier, bien à lui, que je n'ai pas encore rencontré pour l'instant dans les autres romans.

Même son personnage principal a un nom tout ce qu'il y a de plus original, Nicolas Dédacin Amoraus. Il a hérité de la boite à outils de son père, rénovée avec amour par sa mère. Cette boite où chaque outil donne un double poids, celui de l'outil en lui-même et celui de la transmission paternelle. Ce n'est pas une boite comme on a l'habitude de voir, elle est toute en bois et sa mère a aménagé l'intérieur. Elle fait d'ailleurs penser pour beaucoup à un cercueil, c'est pour dire ! Mais Nicolas la bichonne, en prend soin, car elle va lui servir cette caisse ! Il est tout d'abord laveur de cars, il travaille de nuit avec son amie Marceline. Sa boite ne lui sert pas et reste dans un placard. Suite à un incident, il se retrouve sans travail et Marceline l'a mis à la porte. Le voilà reparti chez son copain Jakhno, qui s'amuse à retaper sa vieille voiture dans un garage où il a l'idée d'y faire rentrer Nicolas en apprentissage. Là, il va aller aussi de déboires en déboires, et après un nouvel incident, il se retrouve une fois de plus sans travail. Cette fois, il mènera sa boite à outils en apprentissage de menuiserie.. où il se retrouvera lui-même en tant que prof...mais ses ennuis ne vont pas s'arrêter là... n'est-il pas quelque peu responsable de tout cela ? Est-il digne de cet héritage ? Il se le demandera bien souvent, soupçonnant qu'il n'y ait pas que le mauvais sort qui entre en jeu...

Ce Nicolas est un personnage intéressant dans sa personnalité. Il est sûr de lui sans y être, c'est un homme sensible et honnête, beaucoup de personnes sauront abuser de sa gentillesse. On se rend vite compte au fur et à mesure qu'on avance dans le roman qu'il n'est pas si bricoleur que ça et que bon nombre de soucis sont dûs à son incompétence. Cela va donner des situations parfois rocambolesques et insoupçonnées qui ajoutent une bonne dose d'humour décalé.

 

Cet humour se retrouve également dans tous les personnages qui vont entourer Nicolas. Dans le copain mécanicien, le garagiste, le menuisier, les élèves apprentis, le collègue au patois incompréhensible jusqu'à la femme du café. Ce n'est pas un univers entièrement masculin, il y a également des femmes, des petites amies de Nicolas, des collègues féminines. J'ai trouvé que c'était elles qui avaient le plus les pieds sur terre par rapport à tous les autres et qui savaient le mieux analyser les situations (et je ne fais pas de féminisme là, c'est une constatation).


 

Un accent particulier est à faire sur l'écriture et la narration du récit. En effet, j'ai été surprise de constater que l'on avait un double effet. Des chapitres en italique ponctuent ceux écrits normalement. Ils sont plus ou moins courts, parfois juste une phrase. Ce personnage qui interpèle le lecteur à qui il s'adresse directement se différencie du narrateur, en reprenant ce qu'il vient de se passer dans le chapitre ou en émettant un avis précis contre l'un ou l'autre. D'ailleurs, il décide que celui qui lit est une lectrice et pas un lecteur. Il prend parfois la lectrice à partie, la prenant un peu pour plus bête qu'elle n'est de temps en temps. Moi, j'ai bien aimé cela, rajoutant ainsi un personnage supplémentaire au roman. Il m'a parfois éclairée sur certaines situations, il donne son avis, dit ce qu'il pense de Nicolas et des autres. J'ai trouvé cette façon de faire très originale. Cela donne en tout cas beaucoup de reliefs à la lecture, qui somme toute, s'est avérée assez addictive. Le final inattendu, on est allé jusqu'au bout des pensées et actes de Nicolas.


 

J'ai passé un bon moment de lecture, déstabilisant et inédit dans sa construction. À noter également le haut niveau littéraire de l'auteur, avec des descriptions justes et précises de chaque métier. On ressent très bien qu'il connait son sujet et en lisant sa biographie, on s'aperçoit d'ailleurs qu'il a été mécanicien auto et menuisier, d'où les nombreuses connaissances dans les noms d'outils et les façons de travailler. Une haute qualité littéraire où les grandes phrases côtoient l'argot et le patois. Une lecture appréciable, et en plus, le livre est en lui-même très beau en tant qu'objet, la couverture est dans une matière mate et granuleuse, la photo est représentative de l'ambiance des années 70.

Un roman qui par son originalité restera marquant, que je vous conseille si vous avez envie de vivre une aventure littéraire. Un grand merci à Gérard Besnier pour cette lecture dépaysante et je remercie également les éditions François Bourin pour l'envoi de ce service presse au format papier.

 

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