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Marie-Nel lit

Saudade de Cristina de Amorim

1 Mai 2023 , Rédigé par Marie Nel

Saudade de Cristina de Amorim

Publié aux éditions KaPlume

 

 

Résumé :

 

Ana est enceinte quand elle doit fuir le Portugal des années 1970, sous la dictature de Salazar. En France, elle est recueillie par Mademoiselle Claudine, mannequin libertine aux idéaux féministes.

Trente ans plus tard, sa fille Gorete est devenue une jeune femme libre et indépendante. Mais plusieurs drames vont subitement frapper son existence, obligeant Gorete à faire face à un passé méconnu. Découvrant la signification du mot saudade, « épine amère et douce », la jeune femme se lance dans une quête de ses origines et un devoir de mémoire. De Buenos Aires à Porto, du tango au fado, elle parvient peu à peu à lever le voile sur les secrets de sa famille.

Une nouvelle histoire s’écrit. Celle d’hommes et de femmes aux destins croisés, miroirs de plusieurs générations et de la mélancolie joyeuse de tout un peuple.

 

À propos de l'autrice :

 

Cristina lit tout ce qui lui tombe sous la main depuis son plus jeune âge.

Adolescente, Jane Austen et Albert Cohen ne quitteront plus sa table de chevet. Elle rêve alors d'écrire, à son tour. Elle se lance avec "Une carte postale du bonheur", son premier roman, tiré de sa propre histoire, qui vous fera passer du rire aux larmes.

Dans son deuxième roman, intitulé "Saudade", Cristina livre un roman très émouvant sur la quête des origines, le deuil, le déracinement. Partez en voyage à Porto et à Buenos-Aires, vibrez au son du fado et du tango, laissez-vous toucher pas le destin de 3 femmes bouleversantes. Vous apprendrez également ce que signifie "Saudade", ce mot qui n'existe qu'en langue portugaise. Fernando Pessoa écrivait qu'elle est la poésie du fado. Amália Rodrigues en parlait comme d’une épine amère et douce.

 

 

Mon Avis :

 

J'avoue avoir été, dans un premier temps, attirée par la couverture. Cette jeune femme, toute de rouge vêtue, m'intriguait, avec une vue magnifique sur une ville et sur un pont. J'apprendrai plus tard que cet endroit existe vraiment et qu'il fait partie intégrante du roman. Et puis, il y a ce titre, Saudade. C'est un mot que l'on ne peut définir en français, il fait partie du vocabulaire portugais et exprime une nostalgie, une mélancolie, un mot plein de poésie qui raconte à lui seul une histoire. Tout me plaisait dans ce livre. Et une fois fermé, je peux dire que tout m'a plu. 

C'est l'histoire d'une famille, sur plusieurs générations, au travers de deux femmes, Ana, et sa fille Gorete. On suit au début Ana, en70, elle vit au Portugal, pendant les heures sombres de ce pays qui vit sous la dictature de Salazar. Elle vit une belle histoire d'amour avec Pedro, communiste. Pris dans la révolution, et sans pouvoir revoir Pedro, Ana doit quitter le Portugal pour la France. Elle est enceinte et donnera naissance à une fille, Gorete. Elle sera recueillie à Paris par une femme qui deviendra sa bienfaitrice, Mademoiselle Claudine, à l'esprit très libre, et se consacrera à sa fille. 
Le roman commence en 2001, où l'on suit plus particulièrement Gorete. C'est une jeune femme libre, et qui sait ce qu'elle veut. Elle ne sait rien du passé de sa mère. Son monde bascule le jour où sa mère, Ana, est hospitalisée, dans un état grave. Tout va alors s'emballer et faire vivre à Gorete des moments très forts. Elle va devoir faire face au passé de sa mère, elle va découvrir son histoire, apprendre qui est son père, et va alors vouloir se rendre dans ce pays qu'elle ne connait pas mais dont elle sent qu'elle est très proche, le Portugal. En même temps, à Paris, elle fera la connaissance d'un argentin, Fernando, qui ne devrait être qu'une relation d'un soir mais qui va prendre petit à petit de plus en plus de place dans la vie de Gorete. Lui aussi n'a pas une histoire simple en Argentine. 

C'est ainsi que l'on va voyager entre Paris, Porto et Buenos Aires. On va suivre Gorete dans le présent à la recherche de ses racines. On va suivre Ana dans le passé, à Porto. Gorete va apprendre plein de choses sur son passé, elle va faire la connaissance de sa famille, de son histoire, et va devoir faire face aux non-dits qui pèsent sur les relations. Je ne peux rien dévoiler, mais le chemin de Gorete ne va pas être de tout repos. Elle va perdre des personnes qu'elle aime, d'autres qu'elle n'aura pas eu le temps de rencontrer. Il va falloir qu'elle fasse le deuil de certaines relations, elle va devoir se reconstruire. Elle va nouer de nouveaux liens qui vont lui permettre d'avancer, et d'avoir un beau projet de vie. Tout ça, en vivant une relation amoureuse qui prend de plus en plus d'ampleur, mais qui fait peur à la jeune femme. Et puis, il y a aussi les liens qu'elle a avec sa vie présente qui ne sont pas faciles à voir partir. 

Je me suis très vite attachée à Ana et Gorete. Surtout à cette dernière. Je me suis retrouvée dans sa souffrance de voir sa mère malade, et dans d'autres sentiments plus personnels. C'est une jeune femme déterminée, courageuse, qui avance malgré les embûches, les bâtons que la vie lui met dans les roues. Je l'ai admirée plus d'une fois, elle chute un bon nombre de fois, et toujours elle se relève, plus forte. J'ai aussi beaucoup aimé le personnage d'Ana, pour tout ce qu'elle représente de luttes dans ces années de révolution, tout ce qu'elle a sacrifié pour sa fille. Elle m'a énormément émue, c'est tellement triste ce qu'elle a vécu. Et puis, cette fresque féminine ne serait pas complète sans Mademoiselle Claudine, une femme âgée encore pleine de peps et pétillante. Elle sait transmettre son énergie, sa vitalité. Elle a des idées bien arrêtées, et n'a pas la langue dans sa poche. Elle amène beaucoup d'humour dans l'histoire. Au travers de ces trois femmes, on a trois exemples de femmes avec des vies différentes, des histoires différentes, trois femmes qui se battent à leur façon pour leur liberté. Car c'est ce qui les rejoint, même si leur cheminement n'est pas le même, la finalité est de garder ou de retrouver la liberté de vivre et d'aimer. 

Les personnages secondaires sont eux aussi très importants. Le Saudade est un personnage à lui seul, tout comme le Portugal. L'autrice dépeint à la perfection les lieux, l'ambiance, les modes de vie, les coutumes locales, les plats. J'ai senti les odeurs, les parfums des fleurs, des plats, des épices. Le texte est parsemé de mots portugais, surtout pour la cuisine, et l'autrice en parle tellement bien qu'elle m'a bien souvent alléchée et donné faim. J'ai découvert des quartiers de Porto, Buenos Aires, des plages, des lieux enchanteurs. Ce roman m'a donné très envie de découvrir le Portugal, pour ses paysages mais aussi ses villes, son folklore, ses rituels. Les descriptions sont faites avec beaucoup de poésie, sans lourdeurs dans la lecture. Le style de Cristina de Amorim est très fluide, son vocabulaire est actuel et en même temps poétique. La narration est double. Elle est à la première personne du singulier quand il s'agit de Gorete, et à la troisième personne dans les chapitres consacrés à Ana. Je suis très sensible à cette narration avec un "je", cela me permet de rentrer dans la tête du personnage, de ressentir chacune de ses émotions, d'être au plus près de lui. En plus, le "tu" est très souvent employé, car Gorete parle à sa mère, en pensée ou réellement, ce dialogue est très intime et rajoute une bonne dose de ressentis.

La plume de l'autrice est poétique, envoutante. Je me suis laissée prendre dès les premières lignes et mener ainsi tout le long par cette douce mélodie, cette mélancolie qu'est le Saudade. Je me suis laissée bercée par le Fado ou le Tango. La musique est d'ailleurs très présente dans le livre. Chaque chapitre a le nom d'une chanson, française ou pas, contemporaine ou pas. Certaines paroles sont reprises en fin de chapitre, donnant encore plus de poids à ce qu'il vient de se passer. La playlist de ce roman est très belle et tout aussi envoutante. J'aime bien quand un auteur fait cela, qu'il associe des chansons à son texte, je trouve que cela lui donne encore plus de poids, de sens. La partie historique est très bien détaillée, j'ai appris plein de choses très intéressantes sur cette partie de l'histoire portugaise que je ne savais pas. Je connaissais le contexte historique, mais je n'en connaissais pas les détails, et ce roman m'a permis de m'enrichir sur cette page historique noire. 

J'ai passé un excellent moment avec ce roman. Il s'est lu tellement bien et facilement, une fois dedans, je n'avais pas envie de le quitter. Il n'a pas été facile à lire à certains moments, car il faisait écho à mon présent et à mon état d'âme du moment, j'ai versé quelques larmes au moment de certaines phrases, mais c'est tellement bien dit, c'est tellement beau, l'histoire de Gorete et Ana est tellement belle, tellement émouvante. J'ai refermé ce livre à regret, tellement je m'y sentais bien. Et en même temps, j'étais contente de savoir ce qu'allait devenir tout ce petit monde, la fin est belle, pleine d'espoir et clôt à merveille le roman. J'ai été dépaysée par le voyage, les odeurs, tout m'a plu dans cette histoire et j'en garderais un très bon souvenir. Ce livre est un livre voyageur, je ne le garde pas, il va rejoindre un autre lecteur. Je vais cependant me l'acheter pour l'avoir dans ma bibliothèque, pour le relire, me replonger dedans. 

J'ai adoré la plume de Cristina de Amorim, je vais la suivre et la lire à nouveau avec grand plaisir. Ce livre est son second roman, j'ai très envie de lire son premier "Une carte postale du bonheur". Si vous ne la connaissez pas, je ne peux que vous conseiller ce roman, de découvrir cette autrice et sa poésie des mots. 

Il ne me reste plus qu'à remercier Cristina de Amorim pour tout ce qu'elle m'a fait vivre pendant la lecture de son roman, je n'oublierai pas de sitôt Ana et Gorete. Un grand merci aussi aux Booktrotteuses et aux éditions Kaplume qui ont permis ce voyage livresque possible.

 

Tu as raison, les mots sont bien plus utiles que les chiffres : ils guérissent, ils émeuvent, ils voyagent et font voyager, ils réconcilient les êtres, ils éblouissent, ils peuvent blesser, donner de l'espoir, et ils permettent de jouer, de cheminer vers la liberté, de donner du sens à l'existence, de meubler les silences, d'apporter la paix.

L'avantage de la mort, c'est qu'elle vous offre l'éternité, et l'on se souvient de demain comme si c'était hier.

Je me pose évidemment les questions que beaucoup de gens se posent lors de la perte d'un proche. Suis-je vraiment heureuse avec la vie que je mène ? Si la vie est si courte et si cruelle, ne devrais-je pas essayer de la vivre autrement ? Et toutes les considérations de circonstance aussi légitimes que grotesques sont venues m'écraser de questionnements.
Tous me disent qu'il me faut du temps. Et si, du temps, je n'en avais plus ?

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