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Marie-Nel lit

Les enfants sont rois de Delphine de Vigan

14 Septembre 2021 , Rédigé par Marie Nel

Les enfants sont rois de Delphine de Vigan

Publié aux éditions Gallimard

 

 

Résumé :

 

« La première fois que Mélanie Claux et Clara Roussel se rencontrèrent, Mélanie s’étonna de l’autorité qui émanait d’une femme aussi petite et Clara remarqua les ongles de Mélanie, leur vernis rose à paillettes qui luisait dans l’obscurité. “ On dirait une enfant ”, pensa la première, “elle ressemble à une poupée”, songea la seconde.
Même dans les drames les plus terribles, les apparences ont leur mot à dire. »

À travers l’histoire de deux femmes aux destins contraires, Les enfants sont rois explore les dérives d’une époque où l’on ne vit que pour être vu. Des années Loft aux années 2030, marquées par le sacre des réseaux sociaux, Delphine de Vigan offre une plongée glaçante dans un monde où tout s’expose et se vend, jusqu’au bonheur familia
l.

 

 

À propos de l’auteure :

 

Delphine de Vigan est l’auteur de No et moi, des Heures souterraines, de Rien ne s’oppose à la nuit (prix du roman Fnac, prix Renaudot des lycéens 2011), de D’après une histoire vraie (prix Renaudot et Goncourt des lycéens 2015), des Loyautés et des Gratitudes.

 

 

Mon Avis :

 

Delphine de Vigan est une autrice que j’ai découvert avec « Les loyautés » et « Les gratitudes », ses deux précédents romans. J'avais alors pu apprécier son talent d’écrivaine, sa sensibilité et sa très jolie plume. J'étais ressortie de ces deux lectures complètement conquise.

 

Et je le suis à nouveau après la lecture de ce nouveau roman. Le titre m'a interpellée et le sujet du résumé aussi, je l'ai trouvé audacieux et j'avais très envie de découvrir comment l'autrice l'avait traité.

Elle va aborder ici un sujet qui touche chacun de nous, parents, enfants, adolescents, jeunes adultes, nous sommes tous pris et embringués dans l’hyper connectivité, dans cette addiction aux écrans, aux réseaux sociaux, à vouloir tout savoir et à regarder la vie des autres. Peut-être en me lisant, vous direz-vous que non, pas vous, mais réfléchissez bien à votre comportement, à votre lien avec votre téléphone. Attention, je ne vous accuse pas du tout, je veux juste vous montrer que nous sommes tous touchés, à plus ou moins grande échelle. Moi-même, je passe du temps sur mon téléphone, pour écrire mes chroniques, pour les partager sur les réseaux, et en même temps pour aller voir ce que lisent les autres, ce qu'ils font. Il m’est arrivé aussi de suivre des influenceurs en beauté, et c’est vrai que quand on les regarde, on aurait tendance à les envier, ou d'envier ceux qui montrent toujours de beaux paysages, lieux de leurs vacances ou voyages. Je pense que c’est déjà arrivé à tout le monde de ressentir cela. Mais, il faut tout de même être conscient que ce sont bien souvent des vies de façade, que beaucoup utilisent des filtres qui les embellissent et que tout ces gens ne sont pas tous heureux dans leur vie. À mon petit niveau, je le sais et je fais toujours attention à ce qui est montré, parce que je suis déjà âgée et n'ai pas tout le temps vécu avec les réseaux, avant l'an 2000, c’était totalement inconnu et j'avais déjà mes enfants. Mais imaginez maintenant, les enfants naissent avec les réseaux sociaux déjà sur eux, on peut suivre des grossesses, les échographies, l’annonce de la naissance et les progrès des bébés. Certaines mamans cachent les visages, mais pas toutes. Et ces enfants, devenus plus grands, vont être eux-mêmes accros.

 

C’est ce que Delphine de Vigan montre en suivant deux femmes opposées, Clara et Mathilde. Ce sont toutes les deux de jeunes femmes, qui n'ont pas la même vision du monde. Clara a connu l'émission du début des années 2000 « le Loft » et se cachait de ses parents pour regarder cette première émission de télé réalité, car ses parents ne voulaient pas. Elle est ensuite devenue policière, et plus exactement procédurière, c’est elle qui s'occupe de tous les rangements et classements dans une affaire. Elle est célibataire, n'a pas d'enfants et vit loin des réseaux sociaux. Mélanie est tout l’inverse, elle est tombée dans la marmite des émissions de télé réalité toute petite, a suivi Loana avec intérêt, a cherché à imiter son style, etc… Elle est mariée et mère de deux enfants, Sammy et Kimmy. Elle est l'exemple même de l'accro aux réseaux, filmant ses journées du lever au coucher, avec ses enfants, quand ils mangent, jouent, à l’école, tout est filmé. Elle a même créé une chaîne YouTube où elle fait des vidéos. Elle a commencé tout petit, et au fur et à mesure de la montée d’audience des vidéos, elle est contactée par des marques de jouets, de cosmétique, d’appareils électroménagers pour les montrer en vidéos. On la voit alors filmer ses enfants ouvrir les colis, découvrir les objets, les utiliser, etc…Jusqu’au jour où un drame survient, sa fille Kimmy a disparu…où est-elle, a-t-elle fugué, un enlèvement ? Qui en veut à Mélanie alors ? C’est l’équipe de Clara qui va s'occuper de l’affaire, mener les interrogatoires, faire les recherches, et ils ne sont pas au bout de leurs surprises…

 

Je n'en dirai pas plus, bien sûr. Il faut découvrir tout cela par vous-même. L'histoire est menée comme une enquête policière, avec des extraits des dépositions des différents personnages accusés. On revient sur l’histoire personnelle de chaque protagoniste, le doute pèse sur tous. Et la lecture se fait avec beaucoup d’intérêt, car l'autrice nous dévoile petit à petit les enjeux de chacun, leurs vies, leurs caractères, leurs passés. Et également pour Clara, on apprend à mieux la connaître, ce qu'elle a vécu, ce qui fait qu’elle préfère rester célibataire. Tout se passe en 2019, dans un premier temps. Aux trois-quarts du livre, on va faire un bond dans le futur en 2030, et on va alors suivre à nouveau tous les personnages avec douze ans de plus, ce qu'ils sont devenus, l'impact que l'affaire de 2019 a eu sur eux. J'ai beaucoup aimé ce procédé, ce bond dans le temps, qui permet de se rendre compte combien les personnes sont marquées par ce passé, ce que l'hyper connectivité a eu comme conséquences sur eux.

 

J’ai beaucoup aimé ce roman, le sujet, l'histoire, les personnages. Je me suis très vite attachée à eux, surtout aux enfants. Mélanie m'a bien souvent énervée avec son comportement, j'avais envie de lui ouvrir les yeux, de lui montrer dans quel gouffre elle allait tomber. Et j'ai eu ensuite beaucoup de compassion pour elle, elle m'a peinée, car on comprend très vite qu'elle comble un manque d’amour pour elle-même, de la part de ses parents, et qu'elle a trouvé dans les réseaux sociaux une façon d'exister, de se faire aimer. C’est triste d'en arriver là, mais je la comprends, et elle m'a beaucoup touchée et émue.

 

Tout ceci est sublimé par le style de Delphine de Vigan, elle a une plume à la fois très sensible et incisive. Elle ne mâche pas ses mots, elle montre avec beaucoup de réalisme et sans fards. Ce qui est parfois glaçant. Et en même temps, elle garde cette empathie envers les personnages, elle les montre avec leurs failles et leurs forces, et les rend très réels. La narration à la troisième personne du singulier permet de garder une certaine distance avec les personnages qui est plutôt la bienvenue, une narration à la première  personne aurait été trop immersive et percutante. Là,  on se trouve aux côtés des deux jeunes femmes, on les accompagne, on vit avec elles et l’autrice dépeint tellement bien les sentiments que j'ai tout ressenti très fortement. Je n'ai vraiment trouvé aucun défaut à ce livre, aucune longueurs, très prenant. Le fait qu'il y ait une enquête donne une dose de suspense qui tient en haleine, qui fait tourner les pages plus vite pour savoir ce qu'il va arriver.

 

Je me suis vraiment régalée avec ce roman, qui ne peut que pousser le lecteur à la réflexion. Je pense que chaque personne qui lira ce livre fera une analyse de sa propre relation aux écrans et à la connexion aux réseaux. Il ne peut en être autrement, on se compare à Mélanie, on compare ce que l'on voit sur les réseaux et franchement, je me suis beaucoup remise en question. Il faut surtout retenir de cette histoire qu'il ne faut pas croire tout ce qu’on voit, que la vie exposée des gens n'est pas la réalité, qu'une fois qu'ils ont posé la caméra  leur vie réelle reprend et ce n'est pas toujours celle qu'ils montrent. Il ne faut pas non plus les juger trop méchamment, je pense que ce sont des gens en manque de reconnaissance, que la société ne leur apporte pas, que ce soit par leur travail ou leurs relations sociales, et ils trouvent dans les réseaux tout ce qu'ils ne trouvent pas à l’extérieur. Je trouve que c’est une grosse faille de la part de la société, un profond mal-être des gens qu'il faudrait prendre en compte avant qu'ils ne partent totalement à la dérive.. Vous voyez, ce livre ne peut que vous faire vous questionner, et ça j'aime beaucoup quand ma lecture a aussi ce pouvoir de réflexion.

 

Je ne peux donc que vous conseiller la lecture de ce livre, pour tout ce que je viens d'évoquer. De mon côté, il m'a confortée dans mon envie de continuer à suivre l'autrice, de lire ses précédents romans que je vais sûrement acquérir. Et surtout, je vais acheter ce roman ci, car c’est un emprunt a ma médiathèque, mais j'aimerais beaucoup l'avoir dans ma bibliothèque pour le relire, ou le prêter. Je trouve qu’il devrait être lu par beaucoup, cela peut aider les gens à parler, j'en suis convaincue. Et je voulais rajouter que si cette chronique est positive, elle témoigne de ce que j'ai ressenti. Ce n'est nullement une chronique de complaisance, car c’est un livre que j'ai lu hors partenariat. Je ne fais jamais ce genre d'avis, mais je préfère le souligner.

 

Je pense que Delphine de Vigan ne lira jamais cet avis, mais, à travers lui, je lui transmets tous mes remerciements pour ce qu’elle m'a fait vivre le temps d'une lecture.

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