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Marie-Nel lit

Le ventre des hommes de Samira El Ayachi

16 Septembre 2021 , Rédigé par Marie Nel

Le ventre des hommes de Samira El Ayachi

Publié aux éditions de l'Aube

 

 

Résumé :

 

« A'Samar. J'aime la nuit. D'ailleurs c'est la nuit que je suis née. C'était un samedi. On s'en souvient tous. Le problème avec la Nuit. C'est que la Nuit y a personne pour emmener maman à l'hôpital. Parce que papa est à la mine, au travail de Nuit. »

Le soir tombe sur les corons du nord de la France, et une fratrie se presse devant l'écran de télévision. Soudain apparaît le visage attendu?: celui du père. Qu'y raconte-t-il?? À l'époque, personne ne s'en soucie vraiment. Ce n'est qu'une fois adulte qu'Hannah, devenue enseignante et aux prises avec les règles imposées, découvrira l'histoire incroyable de son père et d'un groupe d'hommes venus du sud du Maroc pour travailler dans les mines de charbon. À travers ce roman d'une force inouïe, Samira El Ayachi lève le voile sur un pan méconnu de notre histoire collective, celui de la course à l'énergie au tournant des années 1970, du combat de trois mille hommes pour faire valoir leurs droits, et nous pose cette question?: «?Que reste-t-il du pouvoir de transgression que nous lègue l'enfance???» Tout simplement sublime.

 

 

À propos de l’autrice :

 

Samira El Ayachi est née à Lens en 1979. Elle se consacre à l'écriture et collabore avec le spectacle vivant. Elle a notamment publié, chez le même éditeur, Les femmes sont occupées.

 

 

 

Mon Avis :

 

J'ai découvert ce roman avant sa sortie officielle grâce aux Explorateurs de la rentrée organisés par Lecteurs.com, dont je fais partie. Dans un premier temps, j'ai lu le tiers du livre et donné un premier avis, qui était plutôt positif. J'ai maintenant fini ce livre et voici donc mon avis complet.

 

C’est une totale découverte pour moi, je ne connaissais pas du tout l'autrice avant de commencer ce livre. Tout commence en 2016, Hannah est professeure des écoles et est arrêtée par les services de la DGSI. Nous, lecteurs, ne connaissons pas le motif. On va donc suivre la jeune femme pendant son interrogatoire, elle va remonter dans ses souvenirs et raconter son enfance. Son père est d’origine marocaine, est venu en France pour travailler dans les mines de charbon du Nord, fera venir sa femme et ses enfants par la suite. On suit ainsi Hannah dans sa vie d'enfant, puis d'adolescente, qui ne comprend pas toujours les agissements de son père. Elle va le découvrir une fois adulte, grâce à des enregistrements et des écrits. Elle va ainsi comprendre qui il est, ce qu'il a vécu en arrivant dans le Nord de la France, son travail dans la mine, les grèves, le chômage. Elle va découvrir un pan insoupçonné de son histoire familiale.

 

Tout comme moi lectrice. L'autrice lève un voile sur une partie de l'histoire que je ne connaissais pas. Je connais les corons, la pénibilité du travail des mineurs, les terrils, je savais que les dirigeants avaient fait venir des hommes d'autres pays pour leur proposer des contrats de travail, par contre, je ne savais pas à quel point ces Marocains ont été maltraités, laissés, avec aucun droit. Je ne vais pas trop vous en révéler, mais les agissements de ces dirigeants Français m'ont écœurée. Et ce roman a le mérite d’enfin dire la vérité sur ce qu'ont vécu ces hommes. Leurs conditions de travail sont déjà rudes, mais, en plus, ils ont été traités de façon très inhumaine.

 

Samira El Ayachi a étayé l’histoire d’Hannah avec des documents d'époque, où l'on peut lire les revendications de ces hommes ou ce qui leur est imposé. Cela fait se rendre compte que tout ce récit est réel et que ces faits ont existé et c’est encore plus glaçant. En plus, c’est assez récent dans notre Histoire, cela s'est passé dans les années 60 jusqu’à la fin 80. Je n’étais encore qu'une enfant, sans doute du même âge que la narratrice, et c’est terrifiant de savoir ce qu'a vécu son père.

 

L'autrice raconte tout cela avec beaucoup de franchise, pas de fards, pas de non-dits, elle parle de tout. Et avec un style incisif et à la fois poétique, elle parle de la famille en général d'une très belle façon. Elle a même rajouté de l'humour à certains faits ou propos, ce qui allège parfois une situation plus lourde. Elle a su se remettre à la place d'un enfant, la vision sur le monde change avec lui lorsqu’il grandit. Il n'y a vraiment rien à dire sur son style. La narration est à la première personne du singulier, c’est la forme narrative à laquelle je suis la plus sensible. Elle me permet de rentrer dans la tête du personnage principal et m'aide à ressentir la moindre de ses émotions. Ici, je me suis donc mélangée à Hannah, j’ai pu vivre son histoire et celle de son père à travers elle, et les émotions ont été encore plus décuplées. Je me suis donc très vite attachée à elle, et je l’ai suivie avec grand intérêt.

 

Le style des phrases est parfois hachée. Elles sont parfois coupées en plein milieu par un point pour être continuées juste après. Parfois, elles sont courtes ou plus longues. J'ai trouvé que cela donnait beaucoup d’intensité et de rythme à la lecture.

 

Ce roman ne peut pas laisser indifférent. Les réflexions sur notre société sont profondes, et il est bon de faire la lumière sur des faits historiques que l’on cache encore, sûrement par honte. Il serait bon de présenter des excuses à ces Marocains qui sont venus plein d'espoir en France. Ce livre véhicule plein de belles valeurs sur la famille, l'amour filial, le respect de l'autre. L'autrice parle avec beaucoup de justesse de l'immigration, des conditions de travail, de l’héritage. Des messages sur la vie indispensables et très beaux.

 

J'ai lu ce roman avec beaucoup d’intérêt. La fluidité fait que les pages défilaient facilement. J'ai aussi aimé la construction du livre. Il n'y a pas de chapitres, il est divisé en parties qui ont des noms de rues et correspondent aux différents endroits où à habité la famille d'Hannah. J’ai trouvé cette façon de faire originale. L'addiction est renforcée par cette sorte de suspense autour des raisons de l'arrestation d'Hannah, qu'on ne connaîtra qu'à la fin.

 

J'ai beaucoup aimé ce roman, et je vous le conseille vivement. L'autrice parle beaucoup de Germinal de Emile Zola, je trouve pour ma part, que son roman est un Germinal des temps modernes. Et je vous conseille de découvrir un pan de notre Histoire trop méconnu et qui mérite pourtant toute sa place.

 

Je vais suivre Samira El Ayachi de près, elle a écrit un autre roman, Les femmes sont occupées que j'aimerais beaucoup découvrir.

 

Je la remercie pour ce très bon moment de lecture  ainsi que Lecteurs.com qui m'a permis de la découvrir.

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