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Marie-Nel lit

Station Eleven de Emily St. John Mandel

21 Juillet 2021 , Rédigé par Marie Nel

Station Eleven de Emily St. John Mandel

Publié aux éditions Le Livre de Poche

 

 

Résumé :

 

En l’espace de deux semaines, une grippe foudroyante aux graves symptômes respiratoires a causé l’effondrement de la civilisation. Vingt ans plus tard, parmi les rescapés, une troupe d'acteurs et de musiciens parcourt la région du lac Michigan et tente de préserver l'espoir en jouant du Shakespeare et du Beethoven. Ceux qui ont connu l'ancien monde l'évoquent avec nostalgie, tandis que la nouvelle génération peine à se le représenter.
Sur plusieurs décennies, entre le passé et le présent, les destinées des personnages s’entrelacent. Si la vie semble encore possible, l’obscurantisme guette, menaçant les rêves et l’avenir des survivants.

 

 

À propos de l’auteure :

 

Emily St. John Mandel est une romancière canadienne anglophone qui vit à New York. Son roman post-apocalyptique Station Eleven, traduit dans plus d'une trentaine de pays, a remporté le prix Arthur C. Clarke en 2015 et l'a imposée comme l'une des plumes les plus reconnues d'Amérique du Nord.

 

 

Mon avis :

 

J'ai lu ce roman dans le cadre du Prix des Lecteurs du Livre de Poche, il fait partie de la sélection de juillet dans la catégorie littérature. Pour expliquer en quelques mots comment fonctionne ce prix, nous sommes cent trente jurés dans chaque catégorie qui, chaque mois, de février à août, allons lire une sélection de trois romans, en choisir un, et à la fin des sept mois, nous devrons choisir le gagnant du Prix parmi les sept romans que nous aurons sélectionnés. C’est une belle aventure que j'ai déjà eu l’occasion de vivre, elle m'a permis de faire de très belles découvertes de romans et d'auteurs que je ne connaissais pas toujours.

 

C’est le cas à nouveau pour ce roman, je ne l'avais jamais vu lors de sa sortie en grand format. Je pense que même si je l’avais vu, je ne l'aurais pas lu, à cause du sujet notamment. En cette période de pandémie, les livres parlant de ça sont nombreux, et on n'a pas envie de retrouver nos soucis dans un livre. Pour moi, la lecture est là pour m’évader et me faire oublier mon quotidien, je ne me suis donc pas intéressée à ceux parlant de virus. Et franchement, c’est peut-être une erreur de ma part, car, maintenant finie cette lecture, je me rends compte qu’elle m'a beaucoup intéressée et je l'ai lue avec une certaine addiction.

 

Tout commence au théâtre, où on suit un acteur, Arthur Leander, qui est atteint d'une crise cardiaque en pleine représentation. Un journaliste, ancien sauveteur, tente de le réanimer, mais rien n'y fait. Son meilleur ami s'occupe de prévenir les ex-femmes de Arthur, les amis. Personne ne le sait encore à ce moment, mais cet événement sera le dernier que le monde pourra vivre. Le terrible virus de la grippe est déjà là, faisant ses premières victimes et se répandant à très grande vitesse. La mort survient en 48 heures seulement, et le virus s’attrape très vite. Les gens vont essayer de fuir, certains vont s'isoler. Il n'y aura bientôt plus de télé, plus de radios, plus d'essence, plus d’électricité, plus d'eau courante. La vie va devoir s'organiser autrement.

Et dans un même temps, on suit une troupe de théâtre itinérante, vingt ans après. La Symphonie Itinérante, comme elle s'appelle, voyage à pieds, elle est composée de musiciens et d’acteurs. Ils donnent des représentations dans les villages où ils s’arrêtent. Mais tout ne va pas se passer si calmement que cela, certains arrêts vont être mouvementés, des membres de la troupe vont disparaître. Ils veulent rejoindre un endroit où des personnes vivraient sans maladies.

 

On va ainsi naviguer entre le présent de cette troupe, le passé, où on retrouve l'acteur, son ami, le journaliste. Dans la troupe, une jeune fille se détache par rapport à d'autres, elle avait 5 ans lors des événements mais en garde très peu de souvenirs. Elle apprend par les histoires que les survivants peuvent avoir, et essaient de se rappeler. Comme dans tout drame, les anciens, ceux qui ont connu l’avant, racontent leurs souvenirs, et vivent dans la nostalgie. Par rapport aux plus jeunes, ceux qui étaient trop petits pour se rappeler quoique ce soit, et ceux nés après. Une nouvelle génération qui vit sans savoir tout ce qu’il pouvait y avoir comme modernité avant, qui se demande par exemple, comment des grosses machines comme des avions pouvaient voler dans le ciel. Comme dans toute civilisation, qu'elle soit neuve ou ancienne, il y a toujours ceux qui essaient de faire la loi, on va suivre notamment un jeune qui se fait appeler « Le prophète », qui a des disciples et un comportement très despotique. Et là, on se dit que l'humain n’est capable que de réitérer l’histoire.

 

Au début de la lecture, on peut penser qu'il y a beaucoup de personnages, entre ceux du passé et ceux du présent, mais on se rend vite compte qu'ils ont chacun une importance, on va en retrouver certains dans le présent, faisant partie de la troupe, ou avec un autre groupe de survivants, essayant de refaire leur vie, pas comme avant, car c’est impossible, mais comme ils peuvent. Et on va vite voir que tous ces personnages sont entremêlés, leurs destinées se croisent, sans qu'ils le sachent parfois. Moi, en tant que lectrice, je répétais des indices qui me faisaient penser qu'untel était en fait telle personne dans le monde d'avant. Et alors, j’ai vu à quel point l'autrice avait été ingénieuse, chaque personnage est important, il n'arrive pas comme ça, pour faire joli, il a une fonction dans le monde actuel, il n'a pas toujours le même nom, et c’est par d'autres indices sur sa personne ou son comportement qu'on le reconnait. J'ai trouvé ça vraiment très bien pensé de la part de l’autrice.

 

L’attachement aux personnages s'est fait petit à petit. Au début du livre, ils sont nombreux, donc je les ai regardés évoluer en attendant. Puis, avec la pandémie, beaucoup disparaissent malheureusement, et pour finir ils restent moins d'une dizaine d'importants. Je me suis donc attachée à Arthur, Kirsten, Clark, Jeevan, ce sont pour moi les principaux. Il y en a d’autres, bien sûr, mais ces quatre là m'auront plus marquée. J'ai aussi apprécié que l'autrice donne comme noms aux membres de la symphonie, ceux de leurs instruments, ça permet de bien se retrouver, entre la Clarinette, le Tambour, etc. Je trouve que c’est plus simple comme ça que d'avoir un nom, on sait tout de suite qui est qui.

La narration est à la troisième personne, ce qui permet de garde une certaine distance avec les personnages, et avec ce qui leur arrive, c’est mieux comme ça.

Le style de l'autrice est très bon et fluide. Je n'ai pas trouvé de longueurs, peut-être un peu plus au milieu, mais le dernier quart se lit avec beaucoup d’intérêt. La lecture s'est faite vraiment facilement et rapidement et pourtant, c’est un livre de 500 pages. Je ne les ai pas vues passer.

J'ai d'ailleurs beaucoup aimé la construction du récit, je ne m'en suis pas tout de suite rendue compte, c’est en avançant dans la lecture. Au début de l'histoire, nous sommes juste à la fin de la civilisation, et vingt ans plus tard avec la Symphonie. Puis, petit à petit, le passé avance dans le futur avec l’arrivée de la pandémie et le futur lui recule pour expliquer la mise en place de la Symphonie, tout ça pour arriver à ce que les personnages du passé rejoignent ceux du futur et qu'on se rende alors compte qu'ils étaient tous liés, que chacun avait communiqué ou été en relation dans le passé. C’est une construction vraiment très intéressante et addictive.

 

Bien sûr, un livre avec un tel sujet ne peut que nous rapporter à notre vie actuelle, a notre présent à nous. Surtout avec le virus que nous connaissons nous, beaucoup moins virulent, mais qui a changé notre vie. Je me dis, en lisant ce livre, que dans notre malheur, nous avons eu beaucoup de chance, il aurait pu être beaucoup plus virulent et décimer la population. L'autrice parle avec beaucoup d’honnêteté de la situation, sans dramatiser ni enjoliver, tout semble vraiment très réaliste, et c’est ce qui fait que c’est très glaçant. Elle a bien décrit les personnalités, ceux qui s'entraident, ceux qui veulent prendre le pouvoir, ceux qui continuent de détruire, n'ont rien compris et refont le même genre de société qu'ils viennent de quitter. Elle montre aussi la solidarité entre les peuples, et ça, c’est vrai aussi, l'humain change complètement dans les catastrophes, mis à part quelques cas. On vient de le voir récemment dans notre vie actuelle avec les inondations en Belgique et en Allemagne, et le formidable élan d'entraide entre toute la population des communes sinistrées. Quand on voit ça, on se dit que tout n'est pas fichu finalement.

 

Pour conclure, c’était un roman que j’appréhendais de lire, que j'ai lu uniquement parce qu’il fait partie du Prix des Lecteurs, et finalement, j’ai beaucoup aimé cette lecture. Il faut regarder au-delà du virus, il faut regarder ce que l'épidémie a provoqué, comment ont réagi les humains, et la chance que nous avons dans notre vie réelle. Donc, parfois, lire des romans qui parlent de drames qui pourraient être vrais, nous fait aimer notre vie réelle. Je suis vraiment très contente d'avoir lu ce roman, et je crois que je ne suis pas prête de l'oublier. Les faits sont trop marquants pour que l’on ne puisse plus s'en souvenir.

Je note le nom de Emily St. John Mandel dans ma liste d'auteurs à suivre. J'ai beaucoup aimé son style et sa façon de raconter. J'ai vu sur son site qu'une novella devait sortir en avril prochain, j'ai hâte qu’elle soit traduite en français pour pouvoir la lire. Apparemment, cela parlera à nouveau de pandémies, mais aussi de voyage dans le temps, de travail et de famille. En version originale, ce sixième roman s’appelle Sea of Tranquillity. Mais en attendant, d'autres romans ont été publiés, en poche, ou en grand format, comme celui qu'elle a publié en mars de cette année, chez Rivages Noir, L’hôtel de verre, dont le résumé me tente beaucoup.

Bref, tout ça pour dire que je suis très contente d'avoir découvert cette autrice et je la lirai à nouveau avec beaucoup de plaisir.

Si vous aimez le post-apocalyptique, vous vous régalerez avec ce livre, et ceux qui aiment moins, comme moi au départ, vous verrez que ce roman  a tout pour vous plaire tout de même. Je relirai sûrement de ce genre, je pensais que cela n'allait pas me plaire, mais finalement ça me permet aussi de faire une réflexion sur la vie actuelle, et c’est un cheminement très intéressant. Je retenterai donc sûrement une telle lecture. Comme quoi, il ne faut pas s’arrêter sur des aprioris que l'on se crée.

 

Même si je sais que Emily St. John Mandel ne lira jamais cet avis, je lui adresse mes remerciements pour ce très bon moment de lecture. Et un grand merci au Prix des Lecteurs du Livre de Poche qui me permet de me sortir de ma zone de confort en terme de lectures et me permet ainsi de faire de belles découvertes que je n'aurais très certainement pas faites.

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