Betty de Tiffany McDaniel
Publié aux éditions Gallmeister
Résumé :
“Ce livre est à la fois une danse, un chant et un éclat de lune, mais par-dessus tout, l’histoire qu’il raconte est, et restera à jamais, celle de la Petite Indienne.”
La Petite Indienne, c’est Betty Carpenter, née dans une baignoire, sixième de huit enfants. Sa famille vit en marge de la société car, si sa mère est blanche, son père est cherokee. Lorsque les Carpenter s’installent dans la petite ville de Breathed, après des années d’errance, le paysage luxuriant de l’Ohio semble leur apporter la paix. Avec ses frères et sœurs, Betty grandit bercée par la magie immémoriale des histoires de son père. Mais les plus noirs secrets de la famille se dévoilent peu à peu. Pour affronter le monde des adultes, Betty puise son courage dans l’écriture : elle confie sa douleur à des pages qu’elle enfouit sous terre au fil des années. Pour qu’un jour, toutes ces histoires n’en forment plus qu’une, qu’elle pourra enfin révéler.
Betty raconte les mystères de l’enfance et la perte de l’innocence. À travers la voix de sa jeune narratrice, Tiffany McDaniel chante le pouvoir réparateur des mots et donne naissance à une héroïne universelle.
À propos de l'auteure :
Tiffany McDaniel vit dans l’Ohio, où elle est née. Son écriture se nourrit des paysages de collines ondulantes et de forêts luxuriantes de la terre qu’elle connaît. Elle est également poète et plasticienne. Son premier roman, L’Été où tout a fondu, est à paraître aux Éditions Gallmeister.
Mon Avis :
Je voulais lire ce roman depuis sa sortie, j'avais tout de suite été intriguée par le résumé. Les éditions Gallmeister sont pour moi un gage de qualité dans la littérature américaine, et les retours de lecture parfois dithyrambiques, donnaient vraiment envie de lire ce livre. J'avais l’impression d'avoir une lacune dans mon parcours de lectrice. Lacune aujourd’hui comblée, puisque j'ai enfin lu ce roman grâce à un emprunt à ma médiathèque. J'ai dû laisser reposer un peu mes idées et mes émotions après ma lecture pour pouvoir écrire cette chronique, tout étant un peu trop à vif.
L’histoire de Betty marque, je suis d'accord avec les autres lectrices, on ne peut pas oublier Betty, et elle restera forcement marquée en moi. Betty, c’est une petite indienne. Elle est la sixième de huit enfants, son père, Landon Carpenter, est d'origine Cherokee, sa mère, Alka, est une américaine « blanche ». Celle-ci à rencontré Landon jeune, et s’est mariée avec lui, enceinte de son premier enfant, Leland, même si le père de la jeune femme était loin d’être d’accord. Le couple n'a pas d'attaches fixes et traverse les États-Unis. Alka aura l’habitude de dire qu'elle tombait enceinte dans un état et accouchait dans un autre. Le frère aîné, Leland, naîtra en 1939, puis vint Fraya en 1944, Yarrow et Waconda moururent très jeunes, ensuite vinrent Flossie en 1951, Betty en 1954, un fils Trustin en 1956 et enfin le petit dernier, Lint en 1957. Celui-ci aura quelques petites problèmes d’élocution. Après lui, Alka déclarera qu’elle en a terminé avec les grossesses. La famille s'installe alors à Breathed, dans l'Ohio. On va alors suivre Betty et ses frères et sœurs, avec ce que peut faire comme bêtises une si grande fratrie. Les trois filles sont tout le temps ensemble, n'ont pas les mêmes envies. Flossie, celle qui ressemble le plus à sa mère, blonde à la peau blanche, rêve de faire du cinéma et devenir une étoile. Betty est celle qui a la peau la plus brune, celle qui ressemble le plus à son père, d'ailleurs celle-ci l'appelle affectueusement sa « petite indienne ».
Ce père, Landon, a une place très importante dans la vie de sa famille et de ses enfants. C’est le pilier de la famille, le phare qui mène tout le monde, qui concilie chaque membre. Il est très attentionné avec ses enfants, il leur raconte des légendes venant de son peuple, leur montre les plantes, les arbres. Et c’est Betty, parmi les 3 sœurs, qui va être le plus sensible aux histoires de son père, qui va avoir le même contact que lui avec la terre et ses valeurs. Betty aime écrire, elle raconte tout ce qu’elle vit sur des feuilles qu'elle met dans des bocaux, et elle enterre dans le sol les plus importantes. La mère, Alka, est moins présente, elle est tout aussi importante, mais on la sent plus faible, moins stable psychologiquement.
Betty grandit au travers des histoires de son père, mais rien n'est simple pour elle, elle est la risée des enfants à l’école, sa peau brune est montrée du doigt, on se moque d’elle, et les instituteurs ne font rien pour empêcher cela, au contraire. Puis, les 9 ans de Betty arrivent et avec eux des révélations de la part de sa mère qu’elle n'aurait jamais souhaité entendre. Elle va assister ensuite à des drames concernant ses sœurs. Elle sera toujours celle qui voit tout, tous les malheurs qui peuvent frapper chaque membre de sa famille, et elle sera aussi toujours celle qui ne dira rien. Elle écrira tout, c’est un moyen pour elle de sortir ce qu'elle a vu. Elle ne racontera jamais rien à son père, et celui-ci essaiera toujours de garder un certain équilibre et une bonne entente entre les membres de sa famille. Ce qui sera loin d’être évident, car les souffrances seront trop grandes pour certains.
Je n'en dirai pas plus sur le contenu, c’est déjà assez, ceux qui ont lu le livre sauront de quoi je parle. Je me suis très vite attachée aux membres de cette famille et à Betty bien sûr. Et plus on s'attache à eux, et plus on souffre avec eux. Et j'avoue que parfois j’aurais aimé moins m'attacher pour ne pas prendre leurs douleurs aussi intensément. Pendant les 200 premières pages, je ne voyais pas trop où l'auteure allait nous emmener, on voit la famille Carpenter évoluer, les enfants, les parents, rien de spécial se passe. Je me souviens avoir pensé que c’était peut-être le calme avant la tempête, et je ne me suis pas du tout trompée. Après, on a des événements terribles, très forts, et même malaisant pour moi. J'ai eu vraiment beaucoup de mal avec certains passages quand la mère de Betty lui raconte ce qu'elle a subi étant jeune, quand Betty voit certaines scènes, quand certains des personnages mourront dans des circonstances dramatiques. Je crois que je n'oublierai jamais. Même là, en écrivant ma chronique, je ressens l'angoisse, la nausée que j'ai eue en lisant. Par mon histoire personnelle, certaines scènes ont été vraiment insoutenables à lire. Tiffany Mcdaniel décrit avec beaucoup de précisions, elle ne cache rien, et cela prend donc une dimension très réaliste qui met mal à l'aise. Je ne suis pas prête d’oublier ce qui est arrivé aux personnages ou aux animaux.
Alors oui, je suis d’accord avec certains avis qui parlent de poésie, je l'ai ressentie moi aussi, dans ce que décrit le père, dans les légendes amérindiennes, mais pour moi cette poésie des mots est complètement étouffée par la violence des scènes. C’est ce qui me restera, je pense, en premier lorsque je repenserai à ce livre.
Il traite de sujets très importants, de l’intégration des peuples, du racisme, de l'inceste, du viol, et des dégâts que ceux-ci peuvent faire physiquement et psychologiquement sur les personnes. Il ne faut pas oublier que l'histoire se déroule dans les années 1960, certaines réactions semblent très archaïques. Je pense notamment au directeur d’école qui a des propos sur les filles et leur manière de s'habiller assez révoltants. Pour lui, une fille doit porter une jupe, même si les garçons la soulèvent, porter un pantalon est bien pire car ça oblige les garçons à ne regarder que l'entrejambe de la fille !! J’étais horrifiée en lisant cela, mais c’est vrai que quand on remet dans le contexte historique, il y avait en effet des réflexions de ce genre, qui ont dû causer beaucoup de dégâts sur les jeunes femmes qui ne sont autre que nos propres mères.. on comprend alors mieux leurs bagarres dans ces années là pour leur émancipation. Et être en plus une jeune fille métisse comme Betty, est encore plus terrible à vivre dans une société qui a du mal à accepter les différences.
Tout cela est porté évidemment par la plume de Tiffany Mcdaniel, une plume très pointue, incisive, délicate dans certaines situations et tellement dures dans d'autres. J'ai oscillé pendant plus de 700 pages entre de la délicatesse, de la poésie, et des moments durs, graves, terribles. Y a même eu un moment où j'ai failli abandonner ma lecture, tellement je me sentais mal, mais la curiosité de savoir ce qui pouvait arriver à cette famille l'a emporté et j'ai continué. Et j'ai bien fait, j'ai maintenant une vue d'ensemble qui permet de mieux apprécier le livre dans sa globalité. Je me suis demandée si l'auteure ne faisait pas parfois de la surenchère dans les événements. J’ai fait des recherches sur le net, et j'ai trouvé une interview intéressante et très instructive de Tiffany McDaniel où elle explique que Betty a réellement existé puisque c’est sa mère, celle-ci lui a raconté son enfance, sa grand-mère Alka lui a parlé de sa vie aussi. Elle n'a pas eu la chance de connaître son grand-père Landon, elle l'a fait au travers des mots de sa mère. Tous ces personnages ont réellement existé, tout ce qui s'y passe aussi, l'auteure a juste pris quelques libertés avec les légendes, et moi, ça m'a encore plus glacé le sang de savoir que tout ce qui est décrit ici a bel et bien existé.
Le livre est séparé en cinq parties, correspondant à des années, certaines sont plus longues que d’autres, parce qu'il s'y passait plus de choses. En tout, on suit la famille Carpenter sur presque soixante-dix ans, de 1909 à 1973. La seconde partie, entre 1961 et 1963 est la plus longue, 2 ans racontés en 304 pages, qui correspondent aux événements les plus importants de la jeunesse de Betty.
L'attachement à Betty et à sa famille est profond. Et c’est renforcé par le choix narratif de l'auteure qui est à la première personne du singulier. Je suis plus sensible a cette narration, j'ai l'impression de rentrer dans la tête du personnage et de ressentir tout ce qu'il vit. Mais être à la place de Betty n'est pas de tout repos. Une narration à la troisième personne aurait permis de garder une certaine distance, et vu les actes, ça aurait été bien. Mais pour ressentir tout, ce « je » est beaucoup plus judicieux. Et du coup, j'ai parfois lu en apnée, je retenais ma respiration, tellement ce que je lisais était puissant. Être Betty pendant plus de 700 pages est très fort. Tiffany Mcdaniel a dit qu'elle avait mis 20 ans pour écrire cette histoire et qu’elle a souffert pendant certaines scènes, et je comprends tout à fait, on ressent très bien cette souffrance en lisant.
Il est vrai que j'ai été tout de même un peu déçue au début, car je m'attendais à des descriptions de grands espaces Nord-américains, de légendes indiennes, etc…et en fait, on ne bouge pas beaucoup, on ne voit pas du pays, on est à Breathed pendant toute la lecture. Je ne m'attendais pas en fait à être dans une sorte de huis-clos inter familial. Mais ceci une fois passé, j'ai été embarquée très vite dans l’histoire et j'ai lu assez rapidement ce livre, j'ai fait quelques pauses après des scènes trop violentes et plus difficiles à digérer, mais l'histoire est prenante, j'avais envie de savoir ce qui allait arriver à Betty et à sa famille.
Je vais arrêter là mon bavardage, et pourtant j'en aurais encore à vous dire, mais ce serait spolier, ce qui n’est pas cool si vous ne l'avez pas lu. Est-ce que je vous le conseillerai ? Oui, bien sûr, par contre, si vous êtes trop sensible, si vous ne supportez pas les scènes violentes déjà à la base, je me dois de vous signaler que cela peut parfois choquer, et dans ce cas, ce n’est peut-être pas pour vous. Et si vous désirez le lire, il faut savoir que tout n'est pas tout rose, que c'est très bien écrit, ça vaut tous les prix que l'auteure a reçu, mais préparez-vous tout de même à être remués.
Pour ma part, je serai curieuse de lire un autre roman de cette auteure. Je me demande sur quel sujet portera le prochain quand on voit la puissance de celui-ci et la place qu'il devait prendre dans son cœur, vu que ce sont ses propres racines. Je suis contente de l'avoir lu et découvert, et il restera dans ma mémoire. D'ailleurs j'aimerais beaucoup avoir des nouvelles de Betty, je suppose qu’elle a dû être heureuse puisqu’elle a eu Tiffany et d'autres enfants. J’espère qu'elle a pu faire une force de tout ce qu'elle a pu connaître dans sa jeunesse et elle a transmis à sa fille l'amour de l'écriture qui a des pouvoirs salvateurs et calmants.
Tiffany Mcdaniel ne lira jamais cet avis, mais je tiens à la féliciter pour la puissance de son roman et la remercier pour cette lecture forte et inoubliable.
Betty - Tiffany McDaniel - Éditions Gallmeister
Betty raconte les mystères de l'enfance et la perte de l'innocence. À travers la voix de sa jeune narratrice, Tiffany McDaniel chante le pouvoir réparateur des mots et donne naissance à une...