Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Marie-Nel lit

Elle voulait vivre dans un tableau de Chagall de Gaëlle Fonlupt

7 Janvier 2021 , Rédigé par Marie Nel

Elle voulait vivre dans un tableau de Chagall de Gaëlle Fonlupt

Publié aux éditions d’Avallon

 

 

Résumé :

 

Lou est hospitalisée en psychiatrie. Elle ne sait ni pourquoi ni comment elle est arrivée dans ce « lieu où l’humanité a été avalée par les horloges ».

 Louiza a tout quitté pour se consacrer à la photographie. Au Vietnam elle rencontre Nils, un jeune homme ambitionnant de devenir diplomate. Tout les sépare et pourtant cette rencontre marque le début d’une histoire qui, du Vietnam à Paris en passant par la Bretagne et Malte, les conduira au cœur d’une nuit qui fera basculer leurs vies.

Cinq années séparent Lou et Louiza. Cinq années que la mémoire de Lou a effacées et que le lecteur va redécouvrir avec elle. Avec les tableaux de Chagall en toile de fond, se dessine un parcours initiatique et poétique dans un univers à fleur de peau où les émotions se mélangent au gré des révélations.

 Ce roman nous offre une réflexion sur l’altérité, la normalité, l’enfermement, la résilience et la frontière entre passion amoureuse et folie.

 

 

À propos de l’auteure :

 

Gaëlle Fonlupt est née en Savoie en 1980. Elle a successivement travaillé dans l’humanitaire et à l’hôpital.

Son premier roman, Je voulais vivre dans un tableau de Chagall, a été finaliste du concours « Les Talents de demain » en juin 2020. Ce manuscrit a été téléchargé par plus de 5500 lecteurs dans 41 pays en huit mois sur le site du concours et a rencontré un véritable succès.  

C’est une version retravaillée et complétée que nous publions aujourd’hui sous le titre Elle voulait vivre dans un tableau de Chagall.

 

Mon Avis :

 

C’est le titre qui m'a donné envie de lire ce roman, qui raconte une histoire à lui seul. Je connais très mal le peintre Chagall, mais je trouvais l’idée ou plutôt la métaphore de vivre dans un tableau très jolie. Pour moi, le titre est  déjà tellement beau que je m’attendais à beaucoup de poésie dans cette histoire. Et j'avais également envie de soutenir une jeune maison d’édition, comme c’est le cas pour les éditions d'Avallon.

 

Je ne vais pas trop revenir sur le fond de l'histoire, le résumé le fait déjà bien, et je ne voudrais pas vous gâcher la surprise de la lecture. On va suivre deux femmes, Lou et Louiza à cinq ans d'intervalle. On comprend vite qu'il s’agit de la même personne. En 2001, Lou est photographe à Hanoï où elle va rencontrer au détour d'une exposition, Nils, de dix ans son cadet. Il vient d’arriver et travaille à l'ambassade. Une attirance entre eux existe et va les mener dans une relation mouvementée. En 2006, cinq ans plus tard, on suit Louiza, enfermée dans un hôpital psychiatrique où elle subit de lourds traitements, pour chasser ses peurs et ses actes de démence. Et la première question qu'on se pose en tant que lecteur, c’est de savoir ce qui a bien pu se passer pendant ces cinq années pour que Lou en arrive là.

 

Je me suis très vite attachée à la double personnalité de Lou et Louiza. C’est une jeune femme toute en sensibilité, fragile et si forte à la fois, car pour supporter toutes les cicatrices qu’elle accumule, il faut une très grande force. J'ai aimé la suivre à Hanoï, dans son métier de photographe, dans ses débuts de relation avec Nils. On sent que cette relation risque d’être destructrice, et en même temps, on a envie que ça marche entre eux, on ne veut pas voir Lou souffrir. Et malheureusement, elle souffrira, surtout lorsqu'on la suit cinq ans plus tard, dans une unité de soins psychiatriques, où elle va sûrement vivre les pires années de sa vie. Les soins sont lourds, la laissant bien souvent hébétée, elle est seule avec ses démons, renfermée sur elle-même. Elle va connaitre ce qu'il y a de pire dans un tel lieu, la contention, les ondes de choc, elle va subir beaucoup de traitement pour essayer d'aller mieux.

Ces moments là sont durs à vivre, Gaëlle Fonlupt les décrit avec beaucoup de délicatesse et de pudeur. Elle souligne bien les difficultés pour les soignants d’être présents pour les patients, dû au manque de personnel, ce qui ne correspond pas à la maladie psychique qui demande une présence et des soins particuliers. Comme dans beaucoup de services de soins, les malades sont laissés de côté, ou abrutis de médicaments. Il ne faut pas voir là une critique des soins, mais plutôt une dénonciation des conditions de travail des personnels soignants, qui, par manque d’effectif, ne peuvent pas pratiquer les soins comme il le faudrait. J'ai connu la dépression, sévère, avec plusieurs hospitalisations, je n'ai pas subi tous les traitements de Louiza, mais je me suis tout de même retrouvée en elle par rapport à certaines interrogations, un certain mal-être. Une de mes hospitalisations était dans une grande structure, et c’est vrai l'on perd alors le côté humain, mais je n'en veux pas aux soignants, ils ont des conditions de travail si difficiles que l'on comprend vite qu'ils ne peuvent pas être partout. J’ai apprécié que l'auteure souligne cela au travers de la prise en charge de Louiza.

 

Je découvre également avec ce roman la plume de Gaëlle Fonlupt, elle est très poétique, très belle. Les descriptions sont dignes des plus grands poètes, et ce sans non plus apporter de lourdeurs au texte. Je me suis laissée envahir par la beauté des mots et la musicalité des phrases. L'art prend une place très importante dans ce roman, le personnage féminin vit au travers des peintures de Chagall, un peintre qu'elle aime beaucoup pour ses toiles pleines de couleurs. Je ne connaissais pas tellement cet artiste, j'allais donc chercher sur internet l'image de la toile au moment où l'auteure la décrivait dans l’histoire et j'ai beaucoup aimé cela. Elle parle des toiles avec tellement de beauté, elle magnifie la toile par ses mots, j’ai ainsi pu voir des choses que je n'avais pas remarqué au premier regard. Elle parle aussi des toiles de Le Caravage, et j'ai fait exactement pareil que pour Chagall. J'aime énormément quand un roman est interactif comme cela, que l’on peut voir en vrai ce dont il est question dans le roman. Cela ajoute pour moi une part de réalisme qui fait que je me mets encore plus à la place du personnage, je peux ainsi ressentir au plus près ce qu'il vit.

 

D'ailleurs en parlant de ressentis d'émotions, j'ai fortement apprécié le choix narratif de l'auteure qui est double ici. Les chapitres concernant Louiza sont écrits à la troisième personne du singulier, je suis d'habitude plus sensible à un récit à la première personne, mais ici, j'ai trouvé plus judicieux d'utiliser la troisième personne comme l'a fait l'auteure, cela m'a permis de garder une petite distance avec le personnage, et vu tout ce qu'elle vit, cela n’était pas négligeable, et cela ne m'a pas empêchée de ressentir tout ce que pouvait vivre Louiza pendant son hospitalisation. Par contre, les chapitres concernant Lou à Hanoï sont narrés comme une lettre adressée à quelqu’un. C’est donc Lou qui parle à Nils, en fictif bien sûr, et donc, c’est écrit à la seconde personne du singulier, ce « tu » s'adresse à Nils, Lou lui parle, lui raconte sa vision de leur relation. C’est très intime, le lecteur rentre en profondeur dans la tête de Lou, dans ses émotions, et il ressent tout. Enfin en tout cas, moi j'ai tout ressenti, j’ai ainsi pu mieux comprendre ce que vivait Lou et également ce que cela pourra causer comme traumatisme pour se retrouver cinq ans plus tard en hôpital psychiatrique. Cette double narration est originale, elle a la double fonction d’à la fois garder ses distances et être au plus près du personnage, c’est une expérience très intéressante et j'ai beaucoup aimé.

 

La lecture s'est faite à la fois rapidement et en même temps, je freinais ma vitesse de lecture pour rester le plus longtemps possible dans le roman. Je n'avais pas envie de quitter Lou et Louiza et en même temps, j'avais envie d'arriver à la fin pour comprendre pourquoi Lou est entrée à l’hôpital et pour savoir comment elle s'en sortait finalement. Il y a donc un certain suspense, une certaine tension dans la lecture qui donne envie de lire plus vite. Les chapitres alternent entre les deux temporalités et entre les deux personnages, ce qui donne également beaucoup de rythme à la lecture, quand on quitte Lou et qu'on retrouve Louiza, on a vite envie de la retrouver et inversement. Le temps avance et au bout d’un moment, les événements de Lou rejoignent le début de l’hospitalisation de Louiza, on sait donc qu'on va avoir la réponse à toutes nos interrogations. Tout comme la narration, j'ai trouvé la construction du roman très originale et très addictive. On oscille entre des moments doux et très poétiques avec Lou et des moments plus crus, plus durs et extrêmement réalistes avec Louiza. Cette dualité est vraiment très intéressante et fait toute la beauté du récit qui est envoûtant au possible. L'analyse du milieu psychiatrique est fine et sincère, l'auteure ne cache rien, mais elle le fait toujours avec beaucoup de douceur.

Comme je le disais plus haut, je n'avais pas envie de quitter cette jeune femme, j'avais envie de rester encore un peu avec elle. Mais la fin est tellement jolie et pleine d'espoir que je l'ai laissée partir avec un sentiment de contentement. Je crois qu’elle restera un moment gravée en moi. J'ai beaucoup aimé les nombreux messages que fait passer Gaëlle Fonlupt au travers de son histoire, sur l'amour, la vie, l'espoir, l'estime et la non-estime de soi, sur la reconstruction après un drame, sur la résilience, sur l'art, sur la beauté, sur le bonheur des choses simples. Je ne m'attendais pas à certains faits de la fin mais je comprends du coup, le choc psychologique qu'a pu vivre Louiza. C’est une histoire très riche, qui nous emmène dans de beaux paysages, à Hanoï, mais aussi à Paris, en Bretagne, à Malte, plein de beaux lieux très bien dépeints et qu'on prend plaisir à visiter.

 

Ce roman est mon premier coup de cœur de cette année et une très belle découverte. Je suis très contente de l'avoir faite. Je suis tombée sous le charme de la plume de Gaëlle Fonlupt et je vais continuer à la suivre assidûment. J'ai lu dans une interview d'elle qu'elle est en train d’écrire un nouveau roman avec comme sujet la ségrégation et nous emmènera en voyage entre l’Europe et l'Asie. J’ai déjà hâte de la lire à nouveau et de voir comment elle va traiter ce thème. En tout cas, je ne peux que vous conseiller la lecture de ce livre et la découverte de cette auteure, vous allez vivre un moment de lecture très fort et rempli d’émotions, avec les yeux pleins de belles couleurs des toiles de Chagall… J'ai été bien bavarde, cet avis est un peu long, j’espère sincèrement avoir réussi à trouver les mots et à vous retranscrire toutes les émotions que j’ai ressenties à la lecture de cette très belle histoire.

 

Pour ma part, je remercie sincèrement Gaëlle Fonlupt pour tout ce qu'elle m’a fait vivre pendant cette lecture intense. Et je remercie également les éditions d'Avallon pour leur confiance et les félicite pour la qualité de leur parution. C’est une jeune maison d’édition qu'il faut soutenir.

Quand j'étais petite, je voulais vivre dans un tableau de Chagall, barbouillée de couleurs, au milieu de chevaux ailés, des soleils bleus et des musiciens acrobates....je crois qu'au fond c'est toujours le cas.

J'arpente les falaises en tentant de diluer dans les flots l'Arcadie visqueuse qui empoisonne ma mémoire.

Elle aimerait pouvoir faire un herbier de rêves, les cueillir encore tout vivants et les glisser entre deux pages pour pouvoir les regarder toute la journée. Mais ça se fâne si vite, les rêves c'est comme les coquelicots. On ne peut pas les cueillir sans les faire mourir instantanément.

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article