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Marie-Nel lit

San Perdido de David Zukerman

14 Avril 2020 , Rédigé par Marie Nel

San Perdido de David Zukerman

Publié aux édition Le Livre de Poche

 

 

Résumé :

 

Un matin de printemps, dans la décharge à ciel ouvert de San Perdido, petite ville côtière du Panamá aussi impitoyable que colorée, apparaît un enfant noir aux yeux bleus. Un orphelin muet qui n'a pour seul talent apparent qu'une force singulière dans les mains.
Il va pourtant survivre et devenir une légende. Venu de nulle part, cet enfant mystérieux au regard magnétique endossera le rôle de justicier silencieux au service des femmes et des opprimés et deviendra le héros d'une population jusque-là oubliée de Dieu.

 

 

À propos de l'auteur :

 

Né en 1960, David Zukerman a été successivement ouvrier spécialisé, homme de ménage, plongeur, contrôleur dans un cinéma, membre d’un groupe de rock, comédien et metteur en scène. Pendant toutes ces années, il a également écrit une quinzaine de pièces de théâtre, dont certaines furent diffusées sur France Culture, et quatre romans qu’il n’a jamais voulu envoyer à des éditeurs.  San Perdido est sa première publication. 

 

 

Mon Avis :

 

J'ai lu ce roman dans le cadre du Prix des Lecteurs du Livre de Poche pour lequel il est sélectionné pour ce mois d'avril. C'est une totale découverte pour moi, je ne connaissais ni l'auteur, et n'avais jamais vu passer cette couverture même au moment de sa parution en broché aux éditions Calmann-Lévy. C'est en plus un premier roman publié pour l'auteur, ce qui attise encore plus ma curiosité. Dans l'ensemble, la découverte fut bonne, et pourtant, je n'étais pas spécialement fan du résumé, mais l'écriture et l'histoire m'ont conquise.

 

L'histoire se passe à San Perdido, d'où le nom du roman, c'est une petite ville côtière du Panama, et elle débute en 1946. On se trouve dans une décharge, proche d'un bidonville d'un quartier de la ville. Félicia vit dans une cabane près de cette décharge, elle vit de récups sur le site. Un jour, elle voit arriver un garçon noir d'une dizaine d'années, aux pieds nus et avec un regard d'un bleu presque blanc. Il est apparemment seul et ne parle pas. Félicia aura beau tout essayer pour communiquer avec lui, il ne lui parlera jamais. Il va se creuser une sorte de tanière dans le sol, proche de la cabane de Félicia. Une autre caractéristique de cet enfant est qu'il a une force particulière dans ses mains, elles sont même plus grosses que le reste de ses bras. Ce qui lui vaut un surnom que Félicia lui donne, « La Langosta », en référence aux pinces des langoustines. Ce garçon va aider la vieille femme dans son approvisionnement d'eau et dans l'aménagement de sa cabane, Félicia lui rendra ses services en lui donnant à manger ou des bougies. Elle découvrira également qu'il sait lire et est donc instruit. Il restera quelques années avec elle avant de partir en ville. Avant, il laissera à Félicia son prénom et nom qu'il écrira sur un livre, Yerbo Kwinton. Il mettra sa force au service des personnes qui en ont le plus besoin, remplissant le rôle d'un Robin des bois du Panama. Il prendra la défense des femmes bafouées, des personnes à qui on prend tout. Il opérera toujours dans l'ombre et restera toujours aussi mystérieux.

 

Mais le roman ne tourne pas seulement autour de Yerbo. S'il en est beaucoup question au début, on oscille ensuite vers d'autres personnages qui vivent en ville. L'auteur nous montre l'autre face avec les gens riches, ceux qui savent profiter de la pauvreté des habitants, avec la corruption, l'argent sale. Les femmes les plus belles sont enrôlées dans une maison close de haut standing. On y suivra notamment Hissa, une très belle jeune femme noire qui ne laisse aucun homme indifférent. On verra évoluer également une autre jeune femme tout aussi belle, Yumna, qui saura mettre sa beauté en valeur. J'ai beaucoup aimé suivre le docteur qui s'occupe de la santé des plus pauvres et qui changera de clientèle après avoir soigné le gouverneur de sa maladie due à son grand appétit sexuel. Il restera toujours fidèle à ses convictions et saura mettre sa science disponible aux besoins de tous.

 

Il y a vraiment deux ambiances dans ce roman, l'une très pauvre et très misérable, l'autre très riche et méprisable. David Zukerman explore avec justesse ces deux milieux, avec la grande détresse des plus pauvres, avec toute la corruption et les affaires louches des gens au pouvoir qui se croient tout puissants parce qu'ils ont de l'argent. Les femmes sont exploitées pour leur beauté, on ne fait pas attention à leurs sentiments. L'auteur dépeint très bien la société, tout en n'oubliant pas l'histoire de ce pays avec la construction du canal de Panama qui va faciliter les échanges, ou encore avec la présence d'anciens esclaves noirs qui voudraient être enfin reconnus libres.

 

Les décors sont très bien dépeints, les ambiances aussi, j'ai vécu un total dépaysement avec cette lecture. Jamais de lourdeurs dans les descriptions. J'ai lu dans la biographie de l'auteur qu'il avait écrit des pièces de théâtre, cela se ressent également dans l'écriture de ce roman avec les détails donnés dans les scènes qui font que l'on se représente très bien ce qu'il se passe dans l'histoire.

Je me suis attachée à certains personnages, j'en ai trouvé d'autres abjects, l'auteur les a vraiment bien travaillés pour donner ce rendu. Pourtant le choix narratif se fait à la troisième personne du singulier, ce qui d'habitude, ne prête pas tellement à l'attachement, mais là, il a tellement bien travaillé chacun de ses personnages dans ce qu'il a de bon et de mauvais, que j'ai réussi à ressentir pour chacun différents sentiments selon leurs actes et pensées. Hissa est une jeune femme qui m'a beaucoup touchée, le docteur aussi, Yumna, ou encore Félicia qui, malgré sa détresse, saura toujours penser aux autres et les aider...Par contre, j'ai gardé une certaine distance avec Yerbo, qui devait pourtant être le personnage principal. J'ai été déçue de ne pas en apprendre plus sur lui, l'auteur est resté très mystérieux autour de lui, on sait qu'il vient d'une communauté vivant dans la forêt, mais on en n'apprend pas beaucoup plus. Ce serait sans doute mon seul point négatif du livre. Je pensais qu'on allait le suivre plus que cela, car au début, il est très présent, et à partir du moment où il quitte la décharge pour se rendre en ville, on ne le verra plus qu'apparaitre à certains moments importants de la vie des habitants de San Perdido. J'ai trouvé cela dommage, et en même temps, l'auteur crée un certain mystère autour de lui, une énigme qui fait de lui une légende. Je suis donc tiraillée entre ce sentiment de ne pas en savoir plus sur cet homme, et entre celui de ne pas trop le connaître pour cultiver le mystère qui règne autour de lui.

 

Dans l'ensemble, j'ai beaucoup aimé cette lecture. Il y a eu des hauts et des bas, certains passages m'ont paru un peu plus longs que d'autres, mais malgré tout, ce fut un bon moment de lecture. J'ai appris des éléments historiques sur Panama que je ne connaissais pas, et pour moi, c'est une chose tellement importante d'apprendre tout en me divertissant, j'aime beaucoup quand un roman joue ce double rôle.

L'auteur crée un certain suspense autour de Yerbo et de certains faits qui arrivent aux autres personnages, qui fait que la lecture se fait avec une certaine intensité et addiction. J'avais tellement envie de savoir ce qui allait arriver que je n'ai pas vu les dernières pages défiler. Ce roman fait partie de ceux pour lesquels je n'arrive pas à deviner la fin, je me suis donc laissé porter par les mots de l'auteur me demandant où il allait m'emmener, et je n'ai pas été déçue par cette fin qui correspond bien au reste de l'histoire. Toutefois, je ne l'ai pas trouvée assez développée par rapport au reste de l'histoire, elle arrive un peu vite un peu abruptement. Ce qui fait me demander si une suite ne serait pas envisagée, en tout cas, il y a matière pour faire un second opus où on pourrait en apprendre plus sur les origines de Yerbo ou tout simplement parce que ce qu'il se passe dans les toutes dernières pages appelle une suite.

 

Je ne peux que vous conseiller la lecture de ce livre, c'est un premier roman pour David Zukerman et c'est une réussite, pour un premier, il a fait fort et a mis la barre haute. C'est un auteur à suivre, pour son style, pour son talent de conteur d'histoires. Je vais sûrement m'intéresser à sa prochaine publication pour voir si tout cela se confirme, et surtout pour savoir s'il écrira un autre roman avec Yerbo.

La couverture est très jolie et très colorée, tout comme l'est l'histoire à l'intérieur. Elle est réalisée par Patrick Bornemann, un peintre qui, d'après ce que j'ai vu sur internet, met toujours beaucoup de couleurs dans ses dessins. J'aime beaucoup en tout cas....

 

Cette première lecture de la sélection d'avril du Prix des Lecteurs est une réussite, ce n'est pas non plus un coup de cœur, il m'aura manqué un petit quelque chose en plus dans les émotions, mais cela n'empêche pas d'être une très bonne lecture. En tout cas, ce qui se confirme plus que tout, c'est que, grâce à ce prix, j'ai des lectures que je n'aurais peut-être pas fait ordinairement. Et rien que ça, c'est quelque chose de génial pour une grande lectrice comme moi...

Je remercie le Livre de Poche pour cela.

 

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