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Marie-Nel lit

Les gratitudes par Delphine de Vigan

9 Février 2020 , Rédigé par Marie Nel

Les gratitudes par Delphine de Vigan

Publié aux éditions JC Lattès

 

 

Résumé :

 

«  Je suis orthophoniste. Je travaille avec les mots et avec le silence. Les non-dits. Je travaille avec la honte, le secret, les regrets. Je travaille avec l’absence, les souvenirs disparus, et ceux qui ressurgissent, au détour d’un prénom, d’une image, d’un mot. Je travaille avec les douleurs d’hier et celles d’aujourd’hui. Les confidences. 
Et la peur de mourir.  
Cela fait partie de mon métier.
Mais ce qui continue de m’étonner, ce qui me sidère même, ce qui encore aujourd’hui, après plus de dix ans de pratique, me coupe parfois littéralement le souffle, c’est la pérennité des douleurs d’enfance. Une empreinte ardente, incandescente, malgré les années. Qui ne s’efface pas.  »

 
Michka est en train de perdre peu à peu l’usage de la parole. Autour d’elles, deux personnes se retrouvent  : Marie, une jeune femme dont elle est très proche, et Jérôme, l’orthophoniste chargé  de la suivre.

 

 

À propos de l'auteure :

 

Delphine de Vigan est notamment l’auteur de No et moi, des Heures souterraines, de Rien ne s’oppose à la nuit, de D’après une histoire vraie (prix Renaudot et Goncourt des lycéens 2015) et des Loyautés.
Ses livres sont traduits dans le monde entier.

 

 

Mon Avis :

 

J'ai découvert récemment Delphine de Vigan avec son roman Les loyautés que j'avais beaucoup aimé par les messages forts qu'elle fait passer à travers l'histoire de ses personnages. Je voulais donc continuer de la découvrir, et j'ai ainsi choisi de lire son dernier roman paru, Les gratitudes. Rien que ce titre, déjà, me posait plein de questionnements et sous-entendait qu'il y aurait encore des thèmes interessants abordés. Je ne me suis pas trompée, une fois le livre fini, je me suis rendue compte de la force des mots de l'auteure et la beauté de ses personnages.

 

Tout va tourner autour de trois protagonistes, Michka, Marie et Jérôme. Michka est une dame âgée qui vit seule chez elle. C'est une femme érudite, elle travaillait pour de grands magazines, ne s'est jamais mariée et n'a pas d'enfant. Elle va perdre petit à petit ses mots, en remplacer certains par d'autres, elle perd petit à petit ses facultés et va devoir renoncer à vivre dans son appartement et ainsi aller dans un EHPAD. Marie est une jeune femme qui vit dans le même immeuble que Michka, celle-ci l'a recueillie quand elle était petite, elle est la grand-mère qu'elle n'a jamais connue. Marie s'occupe beaucoup de Michka et c'est avec une grande tristesse qu'elle la voit petit à petit diminuer. À l'EHPAD, Michka va être soignée entre autre, par Jérôme, il est orthophoniste et va ainsi lui faire faire des exercices pour retarder son aphasie. Mais les séances de travail se transforment vite en discussion et en confidences. Michka parle d'elle-même, de son histoire, et elle pousse Jérôme à se raconter aussi.

 

On se rend vite compte que ces trois personnages ont beaucoup de points communs. Ils ont tous été touchés par un drame dans leur enfance, et ont chacun des blessures qui ne sont pas entièrement cicatrisées, et d'ailleurs le seront-elles un jour, car comme le dit Jérôme : « ce qui continue de m’étonner, ce qui me sidère même, c’est la pérennité des douleurs d’enfance. Une empreinte ardente, incandescente, malgré les années. Qui ne s’efface pas.  » Et je suis tout à fait d'accord avec cette phrase. On garde nos douleurs d'enfance bien au fond de nous, on fait notre vie avec, on essaie de les oublier. Mais quand sonne l'heure de la vieillesse et de la mort prochaine, ces douleurs se manifestent à nouveau et on se rend compte qu'elles ne sont pas guéries et qu'elles font toujours autant mal. Ce peut être à cause de la guerre, d'un abandon, d'une disparition, le manque reste très vivace et ne s'efface pas malgré les années qui passent. Et le fait de côtoyer une personne âgée comme Michka, fait remonter des événements du passé pour Jérôme ou Marie. Et même Michka n'en a pas tout à fait fini avec son enfance et aimerait avoir des nouvelles de personnes qui ont joué un rôle capital quand elle était fillette, mais n'est-il pas trop tard pour les retrouver....

 

Delphine de Vigan traite avec beaucoup de sensibilité et de délicatesse de la mémoire sous toutes ses formes, celle que l'on perd, celle que l'ont veut rester gravée. Elle parle avec justesse de la résilience, cette notion que j'aime beaucoup et que j'ai découvert dans les livres de Boris Cyrulnik et qu'il est important d'appliquer pour pouvoir continuer à vivre.

Je me suis très vite attachée à Michka, j'aurais adoré avoir une grand-mère comme elle. Je comprends que Marie y tienne tellement. Je me suis également attachée à Marie et Jérôme, deux personnes bienveillantes qui sont importants pour la vieille dame. L'auteure parle également avec sincérité des conditions de vie dans les EHPAD difficiles pour ces personnes qui deviennent de plus en plus dépendantes des autres et se voient parfois infantilisées par un personnel qui manque de temps pour leur donner un sourire ou une attention.

L'attachement aux personnages est renforcé par le choix narratif de l'auteure qui a utilisé la première personne du singulier pour faire parler chacun d'eux. C'est un procédé que j'aime beaucoup. Ce « je » me permet de mieux me mettre dans la peau du personnage, de ressentir au plus près la moindre de ses pensées et de vivre encore plus intensément à sa place. L'auteure a très bien su se mettre à la fois dans la peau d'une vieille dame, d'une jeune femme ou d'un jeune homme. On sent la différence de personnalité entre chaque. Je suis toujours un peu ébahie par cette façon qu'ont les auteurs d'arriver à se dédoubler et à se mettre dans la peau de personnages différents en âge ou en sexe. Surtout quand ça ne se ressent pas à la lecture et qu'on a l'impression d'avoir affaire à trois êtres différents alors que se cache derrière une seule et même personne, l'auteure.

 

Ce roman n'est pas très long, ce n'est pas du tout un défaut, il dit l'essentiel, en rajouter aurait créé des longueurs et de l'ennui. C'est donc un livre qui s'est lu rapidement, en un après-midi, je l'avais fini, et pourtant, j'ai eu bien du mal à quitter ces personnages, je serai bien encore restée avec eux un petit peu. C'est souvent l'effet que ça fait quand on se sent bien dans un livre. L'alternance des chapitres consacrés à l'un ou à l'autre y fait aussi, cela donne beaucoup de rythme à la lecture. Au fur et à mesure où chacun se dévoile, j'avais envie d'en savoir plus et de le retrouver au plus vite.

 

J'ai emprunté ce livre à ma médiathèque, mais je pense que je vais très sûrement me l'acheter quand il sortira au format poche. J'aimerais beaucoup le relire, retrouver Michka et les autres, repasser un peu de temps avec eux. Il faut vraiment que je l'ai dans ma bibliothèque personnelle, comme j'ai d'ailleurs Les loyautés. Je trouve que l'auteure sait à chaque fois trouver les bons titres pour ses histoires. Ici, Les gratitudes, dire merci, ce mot est pour moi l'un des plus importants que l'on puisse avoir dans la vie. Quoi de plus beau qu'un merci, de le dire ou de le recevoir, ce simple mot peut faire un bien immense à celui qui le dit ou celui qui le reçoit. Pour moi, on ne dit jamais assez merci, on est parfois tellement pris dans notre quotidien un peu fou, dans nos soucis, qu'on en oublie de remercier la personne qui aide ou qui est simplement là pour vous. Eh bien, moi aujourd'hui, je voudrais dire merci à Delphine de Vigan pour ce roman, pour cette belle histoire, pour avoir écrit et dépeint trois vies qui pourraient être n'importe qui de nos connaissances. Je me doute qu'elle ne lira jamais cet avis, mon blog est bien trop petit, mais je lui envoie tous mes remerciements pour ce qu'elle m'a fait vivre le temps d'une lecture, je lui adresse toute ma gratitude...

 

Vous l'aurez compris, je pense, j'ai beaucoup aimé cette histoire qui restera gravée en moi pour un bon moment. Je ne peux que vous la conseiller, l'histoire, mais aussi l'auteure. Pour ma part, je vais continuer de la découvrir avec ses autres romans, Rien ne s'oppose à la nuit ou D'après une histoire vraie, me tentent bien et sera sûrement une de mes prochaines lectures.

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